Campagne sucrière 2006

On est dans la moyenne, mais on fera mieux demain

23 décembre 2006

Malgré les craintes en ouverture de campagne quant au niveau de récoltes, avec 1 million 864.300 tonnes de cannes traitées (+3% par rapport à 2005), la campagne sucrière 2006 reste dans la moyenne décennale. Selon les chiffres provisoires, la production de sucre atteindrait les 205.000 tonnes pour une richesse quasiment identique à 2005 (14,3%). Même si les rendements des zones Ouest et Sud sont insatisfaisants, pour les usiniers, « le potentiel est bien là », la relance programmée est encourageante.

En raison des divergences relatives à la signature de la Convention Canne, la campagne a certes commencé plus tardivement, mais le délai moyen de 22 à 23 semaines a été tenu, avec un ramassage des dernières cannes portées au 15 décembre. « Les usines ont fonctionné correctement malgré quelques incidents sociaux à Bois Rouge et techniques au Gol », souligne Xavier Thiéblin, Président des Industriels de La Réunion.

« La mise en eau des zones non irriguées doit être accélérée ! »

Les différences de rendements entre bassins restent néanmoins très marquées. Si L’Est enregistre une production en tonnage historique, en revanche, Xavier Thiéblin parle de « campagne catastrophique dans l’Ouest et pas du tout bonne dans le Sud ». Tous les centres de l’Est ont enregistré une hausse, avec des records pour les plate-formes de Ravine Glissante (+ de 124.800 tonnes) et Beaufonds (+ de 260.000 tonnes). Et les usiniers de souligner unanimement que, ajoutée à une climatologie clémente dont a bénéficié l’Est, la remise en valeur de nombreux hectares durant les 5 dernières années, notamment à Sainte-Rose, porte ses fruits.
A contrario, avec 920.360 tonnes récoltées, la Sucrerie du Gol enregistre une baisse de son tonnage de 25.000 tonnes par rapport à 2005. Mais ce sont les zones non irriguées de l’Ouest qui enregistrent les plus fortes baisses (Grand Pourpier, partie haute de Saint-Leu).

Ce constat appelle, selon Jean-François Mozère, usinier de Bois Rouge, à « nous engager sur un peu de vision politique. Même dans les zones irriguées, la sécheresse a un impact. La vanne de l’antenne 8 vient d’ouvrir, mais on paye sur l’Ouest le retard à l’allumage des travaux relatifs au basculement de l’eau. Les aléas du projet ont placé plein de planteurs dans l’attente. Dans l’Ouest, la jeunesse est dans les starting block, mais depuis 5 ans, ils attendent la flotte ». Si la campagne dépend de facteurs météorologiques imprévisibles, en revanche, les usiniers insistent sur le poids de l’irrigation sur les résultats de production et soulignent que « la mise en eau des zones non irriguées doit être accélérée ! ». Après les 2 mois de sécheresse du début d’année qui ont fortement marqué la façon de travailler la canne en usine, sans les pluies d’août et de septembre, le pire aurait été à craindre.

« C’est la confiance retrouvée »

Si l’arrêt du programme de replantation lié à l’incertitude du prix a certainement eu un impact sur le tonnage, il n’est pas quantifiable. Par contre, la relance de ce programme depuis la signature de la nouvelle Convention Canne-Sucre, le 4 juillet 2006, laisse présager, selon les usiniers, les meilleurs résultats pour la suite. Le taux de replantation est d’ailleurs « l’exemple le plus parlant » des premiers résultats positifs de cette convention.

En 4 mois, 1.100 hectares ont été replantés pour un objectif de 1.500. Cela démontre là, selon Xavier Thiéblin, « une vraie dynamique ». La création des 5 Pôles Canne implantés sur chaque bassin de production et qui répertorient 50 techniciens dévolus au soutien des planteurs dans le cadre de leurs procédures administratives, est encore une des « notes d’espoir » du nouveau règlement sucrier de l’OMC. « Le mot d’ordre aujourd’hui, c’est la productivité chez le planteur et les usiniers », sous-tend encore Xavier Thiéblin.

Dans son ensemble, la nouvelle convention apporte la sécurité dont les planteurs avaient besoin pour retrouver le moral et s’impliquer pleinement dans leur activité. « C’est la confiance retrouvée, soutient Bernard Pétin. Les gens ont envie d’aller au-delà, ils ne se posent plus la question de l’OCM dès lors qu’ils ont un revenu constant. On va faire de la productivité ensemble : ils l’ont bien compris ».

« Passage à l’acte dans les politiques urbaines »

La confiance est là, la productivité de rigueur, reste donc à gérer le foncier. Au détriment de la complexité des mécanismes et des efforts engagés pour libérer des terres cannières, les usiniers ont des idées bien arrêtées, et pour eux, il s’agit avant tout d’une question de volonté. 4.000 hectares de cannes sont en friche, on peut agir. Et Jean-François Mozère de considérer que « la clé de la filière canne est entre les mains des maires et des communes » qui devraient se référer à Sainte-Rose, « exemple de conciliation pour produire du développement ».

A travers les différents schémas d’aménagements (SCOT pour les intercommunalités, PLU pour les communes, SAR pour la Région et contrôle de l’égalité pour l’Etat), chaque acteur devrait prendre ses responsabilités. Et les usiniers d’accuser un manque de cohérence globale et de plan global des politiques d’aménagement, de montrer du doigt le SAR 95 dont les prescriptions n’ont pas été respectées (25.000 hectares de terres cannières au lieu de 30.000), de mettre en exergue la surévaluation des besoins en logements (!) et la concurrence des communes. Selon les sucriers, loger le million d’habitants, tout en laissant la place à la canne, est tout à fait possible, il faut une densification des villes. « Il y a un enjeu de passage à l’acte dans les politiques urbaines », estime encore Jean-François Mozère.

Stéphanie Longeras


Et après 2014 ?

9 années de mobilisation pour que La Réunion défende sa place en Europe

La question, par trop souvent posée aux usiniers, a tendance à susciter une pointe d’agacement non dissimulé chez Jean-François Mozère qui demande derechef une interrogation plus affinée. « Comme tous secteurs d’activités, nous n’avons aucune certitude », convient-il à raison. Combien coûtera cet agenda électronique, ce stylo, ce bout de papier...?, interroge à la volée le responsable de l’usine de Bois Rouge. Question stupide donc ! Mais, si l’on n’attend pas des usiniers d’être devins, de savoir lire dans le jus de canne l’avenir de la filière, en revanche, lorsque l’on engage l’aménagement de l’île pour en défendre l’expansion, il faut au minimum savoir se projeter et anticiper sur l’avenir.
Xavier Thiéblin, avec plus de mesure, acquiesce la validité de cet argument et s’engage à répondre. D’une part, la visibilité sur 9 ans, sur les 9 prochaines campagnes, offerte par la nouvelle convention canne est, selon lui « extraordinaire », privilège de peu de secteurs d’activités. Pour envisager les perspectives, il juge nécessaire de s’appuyer sur l’évolution de l’agriculture européenne. « L’Europe veut rester une grande puissance agricole, veut garder sa paysannerie ».
En contact dernièrement avec la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves, Xavier Thiéblin souligne qu’il y a fort à penser que la convention sera prorogée jusqu’en 2015. « Après 2015, la future OMC aura probablement et forcément comme objectif de maintenir la production de sucre (...). Il y aura là encore la capacité pour La Réunion de demander sa place en Europe. Les 9 années à venir doivent justement être des années de mobilisation en ce sens ». Puisque l’Europe nous soutient dans cet objectif, consciente de la portée socio-économique de la filière canne locale, n’ayant pas fait le choix du libéralisme qui la pousserait à se servir au Brésil, consciente de notre place de RUP, il faut donc garder le cap et développer encore la filière. Merci pour la réponse.

SL


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