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par le Dr Raymond Vergès

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Par le petit bout de la lorgnette !

Michel Vergoz et la réforme de l’OCM-Sucre

jeudi 22 juillet 2004


Selon le “Quotidien” daté d’hier, Michel Vergoz a de nouveau analysé et commenté le projet de réforme de l’OCM-Sucre présenté par Bruxelles. Fidèle à sa ligne de conduite, le leader socialiste répète que la « responsabilité locale » est déterminante pour orienter l’avenir de la filière. Une prise de position étonnante.


Lorsque l’ensemble des acteurs réunionnais - présidents des collectivités locales et représentants des professionnels - se retrouvent, prennent leurs responsabilités pour déterminer une analyse et une démarche communes, Michel Vergoz s’en offusque et refuse tout front commun. Il ne se détermine pas en fonction des positions adoptées mais à partir d’un réflexe politicien, sur la base d’une position simpliste : on ne peut mettre “gauche” et “droite”, usiniers et planteurs autour d’une même table.
"La responsabilité locale" façon Michel Vergoz consiste d’abord à régler quelques petits comptes : l’attribution des puits creusés à Pierrefonds, le projet de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, celui de l’hippodrome de Cambaie.
Le responsable pointe surtout du doigt d’éventuelles dérives à partir de la construction de la route des Tamarins et de la route cannière de l’Hermitage. Elles entraîneraient une forte spéculation et feraient perdre à La Réunion une partie de ses terres agricoles.
À supposer que soient recevables et vérifiables les critiques de Michel Vergoz, quelle est la surface totale concernée ? N’est-ce pas faire diversion que de tout concentrer sur ces deux points alors que, depuis des décennies, la tendance lourde est une perte massive de terres agricoles ?
De 1989 à 2000, les terres arables consacrées à la canne sont passées de 30.570 hectares à 25.823. Est-ce responsable de mener une polémique sur ces seuls deux points, même à titre d’exemples, alors qu’il est connu que la progression démographique et les besoins en logements vont poser un problème de répartition du foncier et d’aménagement.
Durant ses mandats successifs à la tête de la commune de Sainte-Rose, Michel Vergoz n’a-t-il pas laissé se transformer le grand terrain agricole jouxtant le stade de la commune en lotissements ? N’a-t-il pas laissé couvrir le terrain autour de la Coopérative agricole du Nord Est (CANE) de logements ? N’a-t-il pas vendu un terrain communal de 12 hectares situé chemin Fruit à pain à un particulier pour une opération immobilière ? La commune n’a-t-elle pas attendu une initiative de Paul Vergès pour bétonner tous ces chemins ruraux ? (Ce que Michel Vergoz n’avait pu faire).

Des querelles bassement politiciennes

Son voisin et collègue Jean-Claude Fruteau n’est pas en reste. L’ancien maire de Saint-Benoît n’a pas pu empêcher la fermeture de l’usine de Beaufonds. Certes, cela n’est pas de son entière responsabilité. Il a permis l’installation d’une importante surface commerciale à l’entrée de la ville sur une grande surface agricole.
Dans les années 70, on évoquait à propos de cette terre, dans les débats politiques de l’époque, d’autres avenirs : l’installation d’une rizière expérimentale ou d’une culture de l’arachide en vue de créer une huilerie. L’édile socialiste n’a-t-il pas laissé s’installer des lotissements (Cambourg, Orangers, Cratère, Abondance) sur des terres agricoles de la commune ?
Si on faisait un bilan - et s’il faut le faire, nous le ferons -, on pourrait sans doute constater que l’on a perdu plus de terres agricoles à Saint-Benoît et à Sainte-Rose sous le majorat de deux élus socialistes qu’avec la route des Tamarins.
Michel Vergoz a donc voulu regarder le problème avec le petit bout de la lorgnette. Une attitude qui trahit la faiblesse de son analyse - sinon ses contradictions et l’insignifiance de ses propositions.
Comment peut-on, en effet, ramener un problème qui a des dimensions nationales, de fortes implications en Europe, en France, dans les RUP et à La Réunion, à des querelles bassement politiciennes sans donner la totalité des arguments ? Par le biais du “Quotidien”, Michel Vergoz critique la décision du Conseil général de confier la gestion des puits d’extraction d’eau de Pierrefonds à la C.G.E. (Compagnie générale des eaux), fermier de la commune de Saint-Pierre, plutôt qu’à la Saphir, chargée de l’irrigation des zones agricoles du Sud.
Est-il raisonnable de se servir d’une eau d’excellente qualité car puisée dans la nappe phréatique, et dont le coût d’exploitation doit être significatif pour l’irrigation, plutôt que pour une consommation humaine qui ne fait que s’accroître ? N’y a-t-il pas d’autres solutions à trouver pour répondre aux besoins agricoles dans la zone concernée et, d’une manière générale, dans toute La Réunion ? N’est-il pas plus responsable d’ouvrir le débat en donnant tous ses termes, plutôt que de condamner... sans débat ?

Culpabiliser les Réunionnais

Pourtant, le langage de Michel Vergoz a légèrement évolué. Le 16 juillet dernier, il déclarait : "Ce premier rendez-vous, il est gagné ! Nous ne pouvons qu’être satisfaits (...) N’en déplaise aux oiseaux de mauvaise augure, l’essai est marqué, il faut maintenant le transformer".
Avant-hier, énumérant, les dispositifs de la proposition Fischler spécifiques pour les DOM, le responsable socialiste se demandait s’ils sont "déterminants pour assurer la pérennité de la filière locale ?". Sa réponse est nette : "Non". Cela à cause de cette fameuse "responsabilité locale" qui ne s’assumerait pas. Cette manière de dédouaner Bruxelles et de culpabiliser les Réunionnais ressort de la nouvelle idéologie de la fédération : on y cultive désormais la “goyave” de l’extérieur et on tire à boulet rouge sur ses compatriotes et leurs représentants.
Le premier élu à commenter le texte de Franz Fischler a été Jean-Claude Fruteau. Le député socialiste s’est "félicité" de la proposition Fischler parce que "le projet actuel est beaucoup plus protecteur pour l’industrie sucrière". Contrairement au dispositif général de la réforme où les industriels sont exclus des compensations, sauf en cas de reconversion, les sucriers des RUP émargeront aux mesures annoncées. Il est étonnant de constater que l’élu socialiste met au premier rang de ses satisfactions cette faveur accordée aux usiniers réunionnais.
La fédération socialiste qui considère les mêmes usiniers comme des ennemis de classe ne manque jamais de les vilipender. Récemment, Michel Vergoz a monté toute une polémique - restée étrangement sans suite d’ailleurs - sur le financement d’une mission à Madagascar pour un soutien des usiniers à la filière malgache. Ceci au prétexte que cela allait profiter aux usiniers réunionnais.


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