L’Europe pousse les pays pauvres à la production de biocarburants

Plus de sucre, du fuel !

6 mars 2006

Pour apaiser les craintes que les pays ACP ont exprimées devant la réforme du régime sucrier de l’Europe, la Commission européenne a révélé le mois dernier sa nouvelle stratégie en matière de biocarburants.

Que va-t-il se passer pour les pays ACP avec la réforme du marché sucrier de l’Union européenne ? Le plan présenté par la Commission européenne le mois dernier lève le voile sur de nouvelles relations. Il consiste à subventionner et soutenir les investissements pour la production de carburants alternatifs - ce qui suppose de laisser tomber les prospections d’éventuels champs pétrolifères, dans le but de réduire la dépendance de l’Europe envers le fuel et le gaz naturel. La nouvelle stratégie inclut l’examen des potentialités économiques de plusieurs pays en voie de développement, que l’Europe veut encourager à devenir des producteurs de biocarburants, dans la grande tradition des économies de comptoirs reconverties.

Une autre façon de compenser

Les biocarburants sont tirés de la biomasse - une matière organique - et sont considérés comme un moyen fiable de réduire les émissions de gaz responsables du réchauffement de la planète et des changements climatiques.
La Commission européenne estime que plusieurs pays en voie de développement pourraient, grâce aux biocarburants, stimuler leur économie, créer de l’emploi et réduire leur propre facture énergétique, tout en pénétrant de nouveaux marchés. C’est la position qu’a exprimée début février, à Bruxelles, le commissaire européen pour le développement, Louis Michel. L’UE envisage de débloquer des aides pour permettre à des producteurs pauvres de ces pays, de produire du biocarburant : c’est une autre façon de compenser les pertes induites par la réforme du régime sucrier européen, qui supprime les aides aux producteurs. L’Union européenne pense surtout aux pays africains et caribéens, et plus généralement à tous les pays en développement ayant une forte tradition sucrière.
"L’expansion du marché européen des biocarburants leur assurera de nouvelles perspectives à l’export. L’Union européenne aidera ces pays à optimiser autant que possible cette issue, par des transferts de technologie et un soutien continu à leur marché", a notamment exposé le commissaire Louis Michel lors de la présentation du plan européen.

Accueil prudent

Cette solution s’adresse surtout aux pays ACP (Afrique, Caraïbe et Pacifique) producteurs de sucre, dont les économies risquent d’être très fragilisées par la réforme de l’OCM-sucre. L’Europe irait jusqu’à favoriser la constitution de plate-forme nationales ou/et régionales pour la production de biocarburants, sans doute dans le cadre des accords de partenariat régionaux (APER) en cours d’élaboration.
Il faut noter que les pays ACP ont accueilli la nouvelle avec prudence, en notant qu’ils auront besoin de capitaux très importants pour réaliser les investissements nécessaires. C’est ce qu’a répondu un porte-parole du “groupe sucre” des pays ACP. "Pour l’heure, à part 40 millions d’euros (48 millions de dollars) de compensation dévolus pour 2006, les ACP n’ont reçu aucune assurance d’un soutien financier ferme et sûr pour les aider à restructurer leurs industries, après la réforme du régime sucrier européen et du Protocole sucre", a dit le porte-parole, en rappelant la demande des ACP de voir constituer un fonds pour les pays du protocole sucrier, dans l’accord définitif sur les perspectives financières de l’Union (2007-2010).
Ces pays s’attendent en effet à subir de très importantes pertes avec l’entrée dans les faits de la réforme sucrière de l’Union. Dans notre environnement proche (Afrique australe et orientale), 22 pays sont signataires des accords de Cotonou, et 13 d’entre eux comptent parmi les Pays les Moins Avancés (PMA) auxquels l’Union européenne a promis, à partir de 2009, une ouverture de son marché à “Tous les produits, sauf les armes”.

Investissement au Mozambique

C’est dans l’un de ces pays, au Mozambique, que le groupe Tereos a pris une participation dans l’usine sucrière de Marromeu (80.000 tonnes de sucre), avec des sucriers mauriciens. Tereos, devenu le n°2 du sucre en Europe après sa fusion avec SDHF, est aussi présent à La Réunion dans les deux usines du Gol et de Bois-Rouge.
De 50%, sa participation au Mozambique, jugé "l’un des PMA les plus prometteurs", devrait passer à 75% dans un deuxième temps. Mais pour le moment, le groupe - très disert sur ses projets éthanol en Europe - reste extrêmement discret sur son implantation mozambicaine. Or la production de sucre, qui représente actuellement 85% de l’activité de Tereos (et 15% pour l’éthanol), va diminuer jusqu’à aller "vers un équilibre 65%-35% à l’horizon 2010", précisait le directeur industriel de Tereos, Denis Brot, lors de l’officialisation de la fusion avec SDHF, à la fin du mois de janvier dernier.
Dans quelle “complémentarité” avec les partenaires réunionnais et mauriciens va se réaliser la poursuite de cet “équilibre” ? Pour le moment, les responsables de Tereos n’en disent rien.

P. David


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