Semaine du Développement Durable

Pour un partage équitable des richesses de la canne à sucre

31 mars 2009, par Manuel Marchal

A quelques jours du lancement de la Semaine du Développement Durable, ce sont les planteurs qui rappellent unanimement que le partage équitable des richesses du travail est une des conditions du développement durable. Si La Réunion est citée en exemple dans le domaine des énergies renouvelables, elle le doit notamment à la production massive d’électricité à partir de la bagasse, un produit de la canne à sucre. Mais depuis 40 ans, le planteur est privé de la propriété de ce produit qu’il est le seul à être capable de fournir.

Lors de sa dernière visite à La Réunion, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie et du Développement durable, n’avait pas hésité à déclarer en substance que « La Réunion a un siècle d’avance ». Cette affirmation s’appuie sur les réalisations et les projets mis en œuvre par les dirigeants politiques de notre pays. Parmi les réussites qui sont souvent citées figurent les centrales mixtes bagasse/charbon. Deux équipements de ce type fonctionnent à La Réunion, elles assurent la production électrique de base, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. C’est à partir de cette production de base que s’organise la mise en service des autres équipements : centrales thermiques, hydroélectricité, fermes photovoltaïques, éoliennes…
Pendant la campagne sucrière, cette production électrique de base est assurée par la combustion de la bagasse, un produit de la canne à sucre issu du travail des planteurs. À l’heure actuelle, la bagasse représente le tiers de la masse de la canne récoltée. Se pose alors la question de savoir comment le planteur est rémunéré pour le service rendu à tous les Réunionnais. Force est de constater que depuis les accords signés en 1969, il est exclu du partage équitable des richesses tirées de son travail.

Au moins 25 millions de plus pour les planteurs

Au moment où va s’ouvrir la Semaine du Développement Durable, il apparaît clairement que l’avenir de la canne à sucre est lié au retour de la propriété de tous ses produits au planteur, afin que ce dernier puisse tirer une juste rémunération de son travail. L’arrivée sous les feux de l’actualité du débat sur la revalorisation du tarif de rachat de l’électricité produite à partir de la bagasse relance à nouveau cette question.
Et aussi incroyable que cela puisse paraître, on a vu un des principaux artisans des « accords de trahison » de 1969 se présenter comme le sauveur des planteurs. Il a présenté un amendement dont il apparaît clairement qu’il ne bénéficiera en rien aux planteurs. D’ailleurs, plus aucun planteur ne croit ce que dit Jean-Paul Virapoullé. Et c’est un député du PS qui doit intervenir à l’Assemblée nationale pour corriger l’amendement déposé par l’ancien dirigeant de la Fédécanne. 40 ans après les accords scélérats de 1969, voilà où en est la filière.
La bataille autour de la bagasse rappelle les sommes considérables qui ont été spoliées aux planteurs depuis 40 ans. En effet, si la bagasse était payée à son juste prix en tant que biomasse, et que cette revalorisation bénéficie exclusivement au planteur, ce dernier est en droit d’attendre une revalorisation de ses revenus d’au moins 14 euros par tonne de canne livrée. 14 euros, c’est plus du tiers du prix de référence de la tonne de canne payée par l’usinier. Pour une récolte de 1,8 million de tonnes de cannes, cela représente au mois 25 millions d’euros de plus pour les planteurs.
Or, actuellement, le planteur ne reçoit au mieux que 2 euros de prime bagasse par tonne de canne livrée.

40 ans après les "accords scélérats"

L’exemple de la bagasse indique également que si au cours des 40 dernières années, les planteurs étaient restés les propriétaires de tous les produits issus de la canne qu’ils cultivent, les Réunionnais seraient sans doute bien plus nombreux à vivre de leur travail.
Car au moment où les accords qui ont changé la structure de la filière canne ont été signés, les livreurs étaient plus de 20.000. Ils sont aujourd’hui à peine 4.000. Or, tous ces livreurs et tous les ouvriers qui faisaient vivre ces entreprises agricoles étaient tous des travailleurs qui ne comptaient pas leur sueur et les heures passées à donner le dos au soleil. Malgré un matériel beaucoup moins performant, ils étaient capables de produire chaque année bien plus de 2 millions de tonnes de cannes. L’application des accords de 1969 a progressivement privé d’emploi des milliers de travailleurs des champs et des usines, les obligeant à solliciter l’assistance pour survivre, alors qu’ils arrivaient à vivre de leur travail avant les mouvements de concentration amplifié par ces accords.
Au moment où va être célébrée partout dans l’île la Semaine du Développement Durable, plus que jamais, il importe qu’un de ses acteurs principaux puisse bénéficier d’un partage juste de la valeur qu’il produit. 40 ans après les "accords scélérats", le moment est venu de redonner au planteur la propriété de la canne à sucre.

Manuel Marchal

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