Nouvelle manifestation des planteurs

Prix des engrais : la transparence plus que jamais nécessaire

27 juin 2008, par Manuel Marchal

La hausse des prix des engrais désignent deux perdants : le planteur qui voit son revenu entamé par la hausse des charges et les pouvoirs publics qui doivent subventionner pour tenter de compenser cette hausse. Résultat, l’importateur est forcément gagnant puisqu’il peut répercuter la hausse des prix des engrais, et donc maintenir ses marges. Ce qui n’est pas le cas du planteur.

Plusieurs dizaines de planteurs ont manifesté hier au Gol à l’appel de l’Intersyndicale.
(photo Toniox)

Hier, les planteurs de l’Intersyndicale ont à nouveau manifesté. Rendez-vous était donné devant l’usine du Gol où se tenait la Commission mixte d’usine devant décider de l’ouverture de la campagne dans le Sud. L’objectif était de sensibiliser les membres de la Commission mixte d’usine aux revendications, qui sont une remise en cause de la Convention canne pour tenir compte de la hausse importante des prix, notamment celui des engrais.
L’Intersyndicale a pu constater l’absence de volonté de dialogue des membres de la Commission mixte d’usine du Gol. Ils ont donc décidé de passer à l’action. Les planteurs ont tout d’abord bloqué le rond-point devant l’usine, puis ils ont dressé un barrage sur la voie express.
En effet, les planteurs n’ont pas été rassurés par l’annonce des prix des engrais pour la campagne. La flambée des prix des matières premières fait monter les coûts. Ce phénomène n’est pas conjoncturel, et il va perdurer.
Pour atténuer l’impact de cette hausse sans changer le prix de la canne, c’est-à-dire en maintenant à 39,09 euros la tonne le prix payé par l’usinier pour acheter sa matière première, l’Interprofession propose de verser des subventions et se tourne vers les pouvoirs publics. C’est le recours à un fonds européen destiné à réduire le coût des intrants. Cette enveloppe FEDER couvre une partie du surcoût lié à l’éloignement de La Réunion par rapport au continent européen, et s’applique à des marchandises venant d’Europe, précise Laurent Lebon. Autrement dit, si l’engrais vient d’Afrique du Sud, il n’est pas possible de le faire subventionner par ce fonds européen.

Le planteur perdant malgré tout

Le "Journal de l’île" annonce qu’en tenant compte de l’enveloppe FEDER destinée à subventionner les intrants, les prix d’une tonne d’engrais sont fixés pour ce début de campagne à 689 euros, ou à 809 euros. Le prix est fonction de la composition chimique de l’engrais.
Dans son édition du 25 juin, le "Journal de l’île" cite un communiqué des coopératives qui apportent des précisions sur la formation du prix de l’engrais. D’après le "JIR", les coopératives « sont dans l’obligation de répercuter ces hausses sur le prix de vente ».
Même avec la subvention de l’Interprofession, 160 euros par tonne, le planteur va perdre, estime Laurent Lebon de la Coordination rurale.
En effet, à la différence d’autres chefs d’entreprise agricole, les planteurs ne peuvent pas répercuter la hausse de leurs charges sur le prix de vente de leur production. Il est à noter que le prix avec lequel les usiniers achètent la canne est le même depuis 20 ans. Les planteurs sont donc perdants.

Les pouvoirs publics sollicités

L’autre perdant, ce sont les pouvoirs publics. Car ce sont eux que l’Interprofession appelle à la rescousse pour régler la question de la hausse des prix des engrais. Cela qui permet de refuser toute ouverture sur une révision de la répartition des richesses tirées de la canne au profit du planteur.
Par contre, un acteur arrive à tirer son épingle du jeu dans cette affaire, c’est celui qui répercute la hausse des prix des matières premières sur les prix des produits qu’il vend. Autrement dit, les planteurs doivent faire des efforts, les pouvoirs publics doivent être solidaires, mais l’importateur d’engrais continue à faire des bénéfices.
Il est donc urgent de faire toute la lumière sur la formation du prix des engrais entre leur sortie d’usine en Europe ou ailleurs, et leur arrivée au comptoir de vente. Car si les coopératives annoncent que, malgré de gros efforts, elles sont obligées de répercuter la hausse sur leurs prix, c’est parce que l’importateur a forcément augmenté ses prix. Mais a-t-il fait, comme les coopératives, de gros efforts ? Et qui sont les actionnaires de cet importateur qui continuent à faire des bénéfices alors que les planteurs voient leurs marges diminuer, et au moment où les pouvoirs publics doivent encore davantage payer ?

Manuel Marchal


Nouvelle action de l’Intersyndicale

Dialogue impossible au Gol

Hier, plusieurs dizaines de planteurs ont convergé vers l’usine du Gol. Ils voulaient sensibiliser les membres de la Commission mixte d’usine. Une brève entrevue n’a débouché sur rien.
Les planteurs veulent tout simplement maintenir le revenu qu’ils ont gagné en 2006 jusqu’en 2014, date de fin de la Convention canne actuelle.
Deux problèmes se posent pour les planteurs. C’est tout d’abord le prix de vente de la canne, qui n’a pas changé depuis 20 ans et qui est maintenu jusqu’en 2014. Alors que les prix des intrants augmentent, c’est l’impasse et l’asphyxie qui guettent les planteurs.
L’autre blocage est un article de la convention canne qui limite la diversification, précise Laurent Lebon de la Coordination rurale. Si un planteur choisit de diversifier ses activités pour augmenter ses revenus, et si la part de la canne dans le chiffre d’affaires de son entreprise passe sous un certain seuil, alors le planteur ne perçoit plus de subvention, et n’est donc plus rémunéré pour la canne vendue que par le prix usine.
Laurent Lebon indique que cette clause est du jamais vu en France et Outre-mer, et précise que la Coordination rurale au niveau national s’interroge sur cette question.
Il est certain que si une clause limite les possibilités de diversification du planteur, elle contribue à l’enfermer dans son statut de vendeur de matière première, héritage de l’accord de 1969.
Par contre, rien n’empêche les usiniers de se diversifier, tout en continuant à percevoir les subventions provenant de fonds publics. Les réussites récentes dans le photovoltaïque, l’immobilier et la finance sont là pour le rappeler.


L’usinier : un planteur qui a réussi sa diversification

Historiquement, les premières usines sucrières ont été construites par des planteurs. En effet, ils avaient besoin de créer une industrie pour valoriser la matière première qu’ils produisaient. Ce qui fait que pendant plus d’un siècle, les usiniers étaient d’abord des planteurs. Dans le Sud, les usines du Gol, de Pierrefonds et des Casernes avaient comme fonction première de traiter les terres de la société Bénard, propriétaire des usines. La structure de la filière faisait que le planteur était propriétaire de la canne, et recevait donc les deux-tiers de toutes les richesses qui en étaient tirées. L’usinier était un façonnier, prélevant le tiers de la valeur totale des produits de la canne.
En instaurant une nouvelle division du travail, l’Accord de 1969 a rendu possible la séparation du capital foncier du capital industriel. Puisque le planteur était dépouillé de la propriété de sa canne et réduit au rôle de fournisseur de matière première, les planteurs propriétaires d’usine sont entrés de plain-pied dans la diversification.
Progressivement, ces planteurs ont vendu leurs terres, et ont concentré leur capital sur l’industrie, tout en le diversifiant dans des secteurs qui n’ont rien à voir avec la canne à sucre : la grande distribution, la pêche, la finance, l’immobilier... et aujourd’hui le photovoltaïque.


Campagne sucrière : démarrage le 15 juillet dans le Sud

Suite à la réunion des commissions mixte d’usine du Gol et de Grand-Bois, le démarrage de la campagne dans le Sud a été fixé au 15 juillet. Les prévisions sont de 970.000 tonnes de cannes livrées à l’usine du Gol.
Rappelons que Bois-Rouge ouvrira le 2 juillet.

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