Augmentation de la ’prime mélasse’, participation des planteurs à 35% de la nouvelle industrie de la canne

Quand l’exemple vient de ce que certains appellent « le Tiers-monde »

1er juillet 2008, par Manuel Marchal

Pour préserver la survie de la filière de l’île soeur, planteurs et usiniers mauriciens renforcent leur solidarité et remettent en cause la répartition des richesses de la canne à sucre. Et contrairement à La Réunion, lorsque des planteurs revendiquent des avancées, cela n’est pas considéré par les usiniers comme un « combat d’arrière-garde ».

Dans son édition du 28 juin dernier (1), "Témoignages" avait souligné qu’à Maurice, les planteurs ont droit à une "prime mélasse". Cette prime était fixée à 23,8 euros par tonne de mélasse tirée de la canne à sucre. Les planteurs ont revendiqué une augmentation. Résultat, la prime mélasse a été revalorisée de plus de 33%. Elle atteint dorénavant 31,8 euros par tonne de mélasse.
Cette hausse garantit une augmentation globale de la recette des planteurs de plus d’un million d’euros.
Cette décision implique donc une nouvelle répartition des richesses tirées de la canne. Mais a-t-on entendu les usiniers mauriciens fermer la porte à toute négociation et insinuer que les planteurs mènent des "combats d’arrière-garde" ?
Bien au contraire, à Maurice, les planteurs sont autant sinon plus les maîtres du jeu que les usiniers. La surenchère entre deux groupes industriels pour attirer les cannes des planteurs vers leurs usines en vue de produire de l’éthanol est révélatrice (2). Un industriel propose aux planteurs 35% de la future distillerie, un autre fait monter les enchères à 40%. Pendant ce temps, les planteurs se frottent les mains, ils sont assurés, quoi qu’il arrive d’être des acteurs incontournables des décisions des industriels, et ils sont assurés d’avoir droit à 35% de la propriété de la nouvelle industrie de la canne.
Rappelons que cette campagne est la dernière où la filière canne-sucre de Maurice aura droit à un quota et un prix garanti sur le marché européen.

Planteur co-propriétaire donc co-décideur

Depuis l’entrée en vigueur de l’actuel règlement sucrier européen, c’est-à-dire depuis 2006, toute la filière canne-sucre de Maurice a décidé d’anticiper et de proposer une solution consensuelle pour préserver ce secteur économique.
Cette réflexion commune, menée ensemble par les planteurs et les usiniers a débouché sur la signature d’un contrat avec le numéro un européen du sucre, le groupe allemand Südzucker. A partir de la campagne 2009, Maurice s’engage à livrer chaque année 400.000 tonnes de sucre blanc raffinées dans l’île sœur. Cela équivaut en tonnage à 80% de la production annuelle de sucre roux. C’est un partenariat gagnant-gagnant pour les deux parties, avec un bénéfice évident pour les planteurs mauriciens.
En effet, le quota de Südzucker diminue du fait du règlement sucrier (voir ci-après), sa production de sucre doit baisser. L’accord avec Maurice lui permet de maintenir en Europe ses positions commerciales, car cela lui permet d’ores et déjà de compenser la moitié de la baisse de son quota.
Pour la filière canne-sucre de Maurice, la production de sucre blanc lui permet de viser un nouveau marché, où l’île sœur n’est pas en concurrence avec le sucre roux produit au Soudan ou en Tanzanie, et qui pourra entrer en Europe sans quota ni droit de douane l’an prochain.
La filière va investir dans deux raffineries. Pour le planteur mauricien, le bénéfice est double. Le sucre blanc est vendu plus cher que le sucre roux, et en plus, les planteurs et les travailleurs des usines seront propriétaires de 35% des raffineries toutes neuves qui entreront en service l’an prochain. Voilà une partie de ce qui est en train d’être gagné pour les planteurs à Maurice.

L’autre démarche du « Tiers monde »

Cette avancée n’a pas empêché les planteurs de revendiquer une augmentation de leur "prime mélasse". Augmentation accordée par un accord avec les usiniers. Or, quand des planteurs réunionnais se battent dans le même sens que les planteurs mauriciens, l’usinier dit que c’est « un combat d’arrière-garde ».
Force est de constater qu’il n’y a pas de bataille d’arrière-garde à Maurice. Ce n’est pas l’égoïsme de classe de l’usinier qui prend le dessus. Planteurs et usiniers mauriciens sont ensemble, solidaires et partenaires.
Voilà résumé en quelques mots ce qui se fait dans l’île sœur. Il est à noter pour la filière canne mauricienne, les mêmes règles d’accès au marché européen ne s’appliqueront que pour les PMA tels que la Tanzanie, qui font partie de ce que certains appellent « le Tiers monde ». Lors de sa dernière conférence de presse, le co-président industriel de l’Interprofession avait tenu à souligner que « La Réunion n’est pas le Tiers monde ». Lorsque l’on voit toutes les avancées dont bénéficient les planteurs à 200 kilomètres de La Réunion, on se rend bien compte qu’à La Réunion, la situation est en effet totalement différente de celle du « Tiers monde ». Et confronté à la survie de sa filière canne, un pays du « Tiers monde » montre qu’il est possible de surmonter la crise, en trouvant des solutions consensuelles à l’intérieur de son interprofession.

Manuel Marchal

(1) Voir "[Les planteurs à Maurice : des co-propriétaires de l’industrie de la canne-http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=30757]"

(2) ibid

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