L’O.M.C. confirme que les subventions européennes aux producteurs de sucre sont illégales

Quelles conséquences pour La Réunion ?

29 avril 2005

La procédure contentieuse engagée devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par l’Australie, le Brésil et la Thaïlande, contre le règlement sucrier de l’Union européenne est dans sa troisième année.
Sa condamnation a été prononcée en octobre 2004 et, dans la procédure d’appel en cours, l’OMC a confirmé hier ’l’illégalité’ des subventions européennes aux producteurs. Il conviendra d’analyser tous les éléments de cette décision et d’apprécier les conséquences qu’elle va entraîner pour les producteurs de canne de La Réunion.

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À la lumière des premiers éléments issus de la décision prise hier par l’OMC, c’est l’économie générale du système de l’Organisation communautaire du marché du sucre (OCM-sucre) qui est mise en cause. La Commission européenne, à travers les préconisations du rapport Fischler, avait tenté d’anticiper cette orientation en proposant une réforme se traduisant notamment par une baisse du prix du sucre de l’ordre de 37% en cinq ans.
Les conséquences prévisibles d’une telle réforme étaient déjà extrêmement préoccupantes. Apparemment, la décision prise hier par l’instance d’appel de l’OMC ne laisse guère de marge de manœuvre.
Et ce n’est pas parce que la procédure est longue et que le cadre politique en est fixé, dans les grandes orientations, depuis les premières consultations de l’OMC, à Genève en novembre 2002, qu’il faut mésestimer l’issue finale d’une bataille qu’aucun des protagonistes parmi les pays producteurs ne prend à la légère.

Une ambiguïté bizarre

Le point de vue développé par "le Quotidien” à ce sujet (édition du 28 avril 2005) est d’une ambiguïté bizarre. Le journal semble s’abriter derrière un point de vue "d’industriels réunionnais" qui ne sont jamais cités expressément et ce qu’on leur fait dire est assez contradictoire avec la position affichée depuis l’année 2003 par l’interprofession. Bizarre, vraiment...
Un non événement ? Si une personne est atteinte d’une grave maladie et que sa maladie progresse par paliers vers une fin connue et inéluctable, le médecin chargé d’annoncer le décès - lorsqu’il survient - dira-t-il à la famille que c’est un “non événement” sous prétexte que l’issue en était prévisible ?
Autre incohérence : La production réunionnaise est évidemment distincte de celle des pays ACP, par ailleurs liés à l’Union européenne par les accords du Protocole sucrier.
Mais à toutes les étapes de la procédure, les pays ACP ont tenu à marquer leur solidarité envers le système des aides européennes qui les soutiennent. Ils sont même allés le dire en délégation aux nouvelles autorités brésiliennes, en février 2003. Ils ont aussi fermement répondu, en avril de l’année suivante, aux allégations de l’ONG Oxfam.
Et la position défendue ici-même par l’interprofession a été constamment celle de la solidarité avec les pays ACP, car au-delà de la concurrence réelle que représente la production de ces pays, à un autre niveau, la remise en cause de l’ensemble du dispositif européen met tout le monde au pied du mur. Que penser d’un revirement apparemment fondé sur une logique comptable, là où la solidarité politique a toujours prévalu ?
Le nouveau mot d’ordre serait-il devenu : “chacun pour soi” ? Ce serait alors assez contradictoire avec le flegme affiché devant un prétendu "non événement"...

Pas très sérieux

On ne saurait plus attendre que "quelques ajustements" selon les uns ; "ce qui pouvait être fait l’a déjà été et bien au-delà du nécessaire", selon d’autres ? Voilà qui ne va guère servir la campagne du député socialiste, Jean-Claude Fruteau, dont l’un des arguments chocs est d’appeler à voter la Constitution au nom de la défense de la filière canne-sucre. Et voilà qu’on nous dit que sa disparition serait "un non événement" contre lequel il n’y a plus rien à tenter !
La quinzaine de parlementaires européens annoncée pour la semaine prochaine viendrait-elle passer des vacances dans l’île ? Il faut être totalement coupé de la réalité sociale du pays pour considérer qu’une réforme se traduisant par une diminution d’au moins 37% des revenus des planteurs serait un "non événement".
Tout ceci ne fait pas très sérieux. Il faut se reporter au rapport présenté l’année dernière devant la CPCS (rapport Algoé) et à ce qu’il décrit de la filière pour comprendre que les inquiétudes des planteurs sont fondées. La décision intervenue hier à Genève n’est pas de nature à apaiser leurs craintes. Bien au contraire.

P. David


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