Propositions du Parti communiste réunionnais

Sauver la filière en sauvant les petits et moyens planteurs

13 novembre 2004

La survie de la filière canne passe par la survie des petits et moyens planteurs qui représente 88% des livreurs de cannes et fournissent 70% des apports de canne. Pour faire face aux propositions de réforme de l’OCM-Sucre qui entraînent une diminution des revenus des planteurs, le PCR ’une compensation qui peut atteindre 100%’ des pertes financières pour les plus démunis.

Les propositions de refonte de l’Organisation communautaire de marché Sucre de l’Union européenne ne sont pas de bonnes augures pour les planteurs. Comment anticiper l’impact de ces mesures à La Réunion, car elles remettent en cause l’existence de notre filière canne-sucre ? Hier, le Parti communiste réunionnais a dévoilé ses propositions à la presse.
La réforme de l’OCM-Sucre devrait connaître de nouvelles évolutions d’ici la fin du mois. Les ministres de l’Agriculture devraient examiner le dossier le 21 novembre et il sera soumis le 30 novembre à plusieurs commissions du Parlement européen. La Commission de l’Agriculture ne sera pas seule, la commission du Développement régional, celle du Commerce extérieur et celle de Développement/coopération participeront à un examen commun du texte. La proposition initiale faite par le président de la commission Agriculture de désigner un expert pour la seule question du sucre des DOM n’a pas été retenue. L’ensemble des commissions concernées auditionneront deux experts : un sur le secteur betteravier, l’autre sur le secteur cannier.
La réunion du 30 novembre va constituer un baptême du feu pour la nouvelle commissaire à l’Agriculture, la Norvégienne Marian Boël. Dans ses premières déclarations, elle a confirmé son intention de mettre en œuvre une réforme dès la campagne sucrière 2005/2006. Pour le PCR, dans les conditions actuelles, cela ne parait plus réalisable : "on devrait donc gagner une année supplémentaire pour discuter, négocier". Plusieurs point d’interrogations demeurent. Élie Hoarau en signalait hier les principaux : Sur quelle durée sera appliquée la compensation ? Quelles incidences sur le prix du sucre de canne ? Les usiniers bénéficieront-ils d’une part de la compensation ?

Compensation maximum

Dès que la réforme a été connue, tout a été mis en œuvre pour proposer, car telle qu’elle est actuellement conçue, la nouvelle OCM remet en cause la filière canne-sucre à La Réunion (voir encadré) . "Sauver la filière canne-sucre signifie qu’usiniers et planteurs doivent continuer leurs activités", affirme le secrétaire général du PCR, "tant les uns ont besoin des autres, tant les uns ne peuvent se passer des autres. Dans cette logique, tout doit être fait pour que les petits et les moyens planteurs perçoivent une compensation maximum pouvant aller jusqu’à 100%". Et Élie Hoarau de préciser que "sauver ceux qui apparaissent comme les plus faibles, les plus démunis face à la réforme est la condition essentielle de la survie de toute la filière".

Filière menacée

Le dirigeant du PCR explique sa position : "Les petits et moyens livreurs de canne constituent l’essentiel de la profession. Sur les 4.650 livreurs de canne que l’île compte aujourd’hui, 3.268 livrent en dessous de 500 tonnes et 864 entre 500 et 1.000 tonnes. Ils constituent 88% des livreurs". "À eux seuls ils fournissent 70% des apports de canne", poursuit-il. "Ce sont eux qui assurent et garantissent la multifonctionnalité de la canne", insiste Élie Hoarau, "ils en assument la part économique et la part sociale en maintenant au travail de la terre la majeure partie des personnes travaillant dans ce secteur. Ils assument avec leurs propriétés une part importante dans l’aménagement du territoire et la protection environnemental".
Si leurs pertes n’étaient pas compensées pleinement, certains pourraient se détourner de la canne, et si notre production baisse, les deux usines réunionnaises seraient obligées de fermer. "On doit arriver à une compensation qui peut attendre les 100%" estime Élie Hoarau "en leur consacrant l’essentiel de l’enveloppe de la compensation que propose Bruxelles, en y ajoutant si nécessaire des aides nationales".

Préparer la revalorisation

Pour l’immédiat, la survie de la filière passe donc par la survie des petits et moyens planteurs, mais, ajoute le PCR, "sur le plus long terme, la solution passe par la valorisation de tous les produits de la canne : éthanol, sucro-chimie, plastique..." Élie Hoarau insiste sur la nécessité de poursuivre rapidement les études menées en ce sens et il invite déjà à penser à un préalable : la remise en cause de l’accord dit de 1969.
Cet accord a été signé à l’époque par le dirigeant de la FEDECANNE, Jean-Paul Virapoullé. Au moment de l’entrée de notre île dans le Marché commun, le principal syndicat de planteurs de La Réunion, la FEDECANNE, signa un accord qui transformait le planteur de cannes en vendeur de cannes. Conséquence : il n’est plus, comme auparavant, propriétaire de sa canne et de ses produits, il les cède à l’usinier. Ce dernier le rétribue sur la base du sucre produit. Mais le planteur ne perçoit plus rien sur les autres produits. Ce qui fait que dès lors qu’un produit autre que le sucre est valorisé, cela ne profite qu’au seul usinier. Aussi pour le PCR "à l’avenir toute politique de revalorisation de la canne avec la production, par exemple d’éthanol, passe par une remise en cause de cet accord de 1969".

Eiffel


Le PCR fait le point sur la réforme OCM-Sucre

Le marché du sucre au sein de l’Union européenne est organisé sur la base de deux grands principes : des quotas de production répartis entre les pays producteurs et un prix garanti qui équivaut à trois fois le cours mondial.
Depuis une dizaine d’années, l’Union européenne a voulu réformer son système sucrier. Des tentatives ont eu lieu. Elles ont échoué. Seules des modifications marginales ont été apportées : un prix du sucre resté stable depuis la campagne de 1996/1997 et une légère baisse du quota produit par l’Union européenne.
Mais l’Europe est tenue de réformer sa politique agricole commune pour tenir compte de son élargissement à 25. Elle doit respecter les contraintes imposées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle est sous la menace d’un contentieux auprès de l’OMC introduit par la plainte de trois pays. Aussi a-t-elle décidée de réformer son système sucrier.

Avec le projet de réforme

Le 14 juillet dernier, Frantz Fischler, commissaire européen à l’Agriculture présentait un projet de réforme OCM-Sucre. Les principaux changements proposés sont : la réduction du quota de production communautaire de 17,4 millions à 14,63 millions de tonnes sur quatre ans, la réduction du prix de soutien institutionnel (baisse de 33%). L’Union européenne compensera les pertes enregistrées à hauteur de 60%.
L’ensemble de ce dispositif s’applique aux DOM qui se voient attribués des enveloppes financières de compensation de 27 millions d’euros pour les campagnes 2005/20063, 2006/2007 et de 39 millions à compter de 2007/2008.
Les propositions de réforme de l’OCM-Sucre présentées par Frantz Fischler comportent un dispositif spécifique pour les RUP et les DOM. Cela signifierait que les aides spécifiques comprises dans POSEIDOM et les différents DOCUP, les documents retraçant toutes les dispositions mises en place de manière partenariale entre l’Europe, l’État et les collectivités locales seraient maintenues. Cela couvrirait les aides à l’épierrage, la replantation, le transport du champ à la plate forme.

Vint l’union sacrée

La mise en place de l’ensemble de ces mesures posait plusieurs problèmes. Profitant que le ministre de l’Agriculture, Hervé Gaymard était en transit à Gillot sur la route de Mayotte, Paul Vergès et Nassimah Dindar le rencontraient le 15 juillet pour attirer son attention sur la gravité et la complexité des problèmes. Le ministre s’engageait à revenir dans l’île pour débattre du dossier. Sous l’égide du Conseil régional et du Conseil général, les socioprofessionnels, les syndicats, la Chambre d’agriculture, le Conseil économique et social et les élus au Parlement européen étaient invités à élaborer un mémorandum commun. Ce dernier était présenté à Hervé Gaymard lors de sa visite dans l’île le 17 septembre dernier.

Pour sauvegarder la filière

Le principal argument présenté en faveur de la filière repose sur la défense d’un concept : celui de la multifonctionnalité de la canne. Le maintien de la canne doit se faire pour maintenir la cohésion sociale de La Réunion. La ruine de milliers de petits planteurs n’est pas acceptable dans un pays où le chômage atteint la barre des 40% et pour une profession qui a déjà beaucoup donné : le nombre de livreurs de canne a chuté considérablement en 20 ans tandis que les fermetures d’usine ont fait diminué le nombre d’ouvriers.
Il en va aussi de l’aménagement du territoire et de la lutte contre l’érosion. Enfin, la filière canne-sucre constitue une des principales ressources de l’île : selon les années elle contribue de 15 à 20% de la valeur ajouté marchande de l’île. De plus la disparition d’une telle production effondrerait totalement notre politique énergétique.


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