L’avenir de milliers d’emplois se décide maintenant

Seul le partage équitable des richesses de la canne à sucre sauvera les planteurs

23 mai 2014, par Manuel Marchal

Comme rappelé dans l’édition d’hier, la fin des quotas sucriers était programmée dès 2001. Cela fait donc 13 ans. Au cours de cette période, le PCR a été le seul à appeler les acteurs de la filière à parler d’une même voix pour défendre les intérêts de près de 20.000 emplois. Ceux qui ont voulu cacher la vérité aux planteurs sont désormais au pied du mur quand elle éclate, et ils n’ont pas de solution.

Au cours de cette campagne des élections européennes, il est question de la survie des planteurs. Enfin, cette question est abordée. Mieux vaut tard que jamais, car dans trois ans, c’est la fin du prix garanti du sucre, une protection qui date d’avant la Seconde guerre mondiale. Néanmoins, il est important d’avoir à l’idée que rien ne fera revenir l’Union européenne sur sa décision. Qu’ils appartiennent à des filiales de l’UMP, du PS ou d’autres partis parisiens, tous ceux qui viennent enfin au secours des planteurs ne peuvent ignorer que le coup est porté depuis Paris et Bruxelles.

L’offensive ne date pas d’hier, tout a été mis en place à partir de 2001. Au cours de ces 13 dernières années, plusieurs gouvernements se sont succédés en France. Entre 2001 et 2002, c’était la gauche plurielle. Entre 2002 et 2012, l’UMP et ses alliés du centre ont dirigé la France. Depuis 2012, c’est le retour des socialistes et des verts. Au sein du Parlement européen, ce n’est même plus de l’alternance mais de la co-gestion, entre la déclinaison européenne de l’UMP, le PPE, et celle du PS. En 2009, ces deux partis se sont entendus pour se partager la présidence du Parlement européen : 2 ans et demi pour le PPE, et deux ans et demi pour le PS. Ces faits rappellent bien qui était aux responsabilités au cours des 13 années qui ont précipité la fin du quota sucrier réunionnais.

13 ans de vérité cachée

Plusieurs étapes ont balisé cette période. Tout d’abord en 2001, l’Union européenne lance l’initiative "Tout sauf les armes". Elle prévoit de donner un accès total sans droit de douane au sucre produit par les pays les plus pauvres de la planète à partir de 2009. "Gauche" et "droite" ce sont entendus pour soutenir ce projet négocié par le socialiste Pascal Lamy juste avant qu’il ne parte diriger l’Organisation mondiale du commerce.

En 2003, c’est la discussion de la réforme de la PAC. Elle doit tenir compte de "Tout sauf les armes", ainsi que de la plainte portée par le Brésil, la Thaïlande et l’Australie contre les quotas sucriers et les subventions qu’ils jugent contraires au règles de l’OMC. Le texte est soutenu notamment par les partis parisiens. Il prévoit pourtant une baisse de 36% du prix du sucre à la fin du cycle 2006-2013, autant dire que le démantèlement du prix garanti est en marche.

Viennent ensuite les négociations pour la PAC de la période 2014-2020. Les dirigeants de l’Europe sont tous d’accord sur un point : quota et prix garantis doivent disparaître. Le seul débat porte sur le délai, entre 2014 et 2020. Les gouvernement optent pour 2017, et en toute logique, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, vote pour la suppression du quota et du prix garanti du sucre réunionnais. Quelques temps plus tard, il est venu à La Réunion sans que cette décision ne lui soit reprochée.

Il faut attendre la campagne des européennes pour qu’une partie de la classe politique se réveille et tente une opération de récupération sur le dos des planteurs. Qui peut sérieusement croire que l’Union européenne va remettre en cause un processus lancé depuis 13 ans ? Quelle crédibilité peut avoir un gouvernement qui a voté pour la suppression des quotas sucriers et qui va demander à l’Europe de faire le contraire en excluant le sucre des discussions commerciales internationales ? Au lieu de reporter sans arrêt l’échéance, il fallait adopter une autre attitude. Maintenant, ceux qui ont refusé de dire la vérité aux planteurs sont au pied du mur quand elle éclate, ils n’ont aucune solution crédible.

La trahison de Paris

Durant toute cette période, le PCR n’eut de cesse d’alerter les planteurs sur tout ce qui se tramait. Quand l’Europe a lancé "Tout sauf les armes", le Parti communiste réunionnais appelait les planteurs à s’organiser pour anticiper l’inéluctable. Quand la menace s’est précisée avec la baisse du prix garanti du sucre, "Témoignages" a publié en 2007 un document sur l’échéance 2014 et les actions à mener pour faire face. Même le DAF y était alors allé de son couplet pour dire qu’« il n’y a pas d’échéance 2014 ». Quant aux usiniers, ils juraient la main sur le cœur qu’il n’y avait rien à craindre, la production réunionnaise étant négligeable à l’échelle du monde. Et pourtant, c’est le supérieur hiérarchique du DAF qui a voté la fin du quota. Quant aux usiniers, ils ont été remplacés par une coopérative de planteurs de betteraves, Tereos, implantée aussi au Brésil, pays qui sera dans trois ans un concurrent du sucre réunionnais.

Encore possible de tout sauver

Contrairement au discours de l’ancien ministre des Outre-mer, le PCR pense qu’il est possible de tout sauver, à condition d’une part de répartir équitablement les richesses tirées de la canne entre le planteur et l’usinier, et d’autre part de développer toutes les valorisations possibles de cette plante au profit des planteurs. Ainsi sera surmontée la crise du sucre, ce dernier ne sera plus qu’un sous-produit de la canne. Dans l’attente de cette réforme, il est nécessaire de pouvoir grappiller le maximum de fonds afin d’assurer la transition. C’est un des enjeux immédiats de l’après élections européennes.

Cette sortie de crise est possible à condition de se rassembler et de s’organiser sans se bercer d’illusion vis à vis de Paris : depuis 13 ans, aucun gouvernement n’a levé le petit doigt pour sauver le quota et le prix garanti du sucre réunionnais.

M.M.

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