Maurice : Un tournant historique pour éviter la ruine de la filière

Sucre roux : la mort assurée en quelques années

11 juin 2008, par Manuel Marchal

15 tonnes de sucre à l’hectare au Zimbabwe : cette donnée montre l’impossibilité pour Maurice de concurrencer les pays d’Afrique australe et orientale qui ont un accès total au marché européen dès l’an prochain. A partir de là, Maurice fait le choix d’abandonner le sucre roux au profit du sucre blanc. Cette stratégie fait évoluer la filière pour l’adapter aux conséquences de l’ouverture du marché européen aux pays ACP et aux PMA (Mozambique, Soudan, Tanzanie...)

Signé le lundi 2 juin, le contrat entre le Syndicat des sucres de Maurice et Südzucker, premier acteur du marché sucrier européen, va donc permettre à Maurice d’exporter chaque année, entre 2009 et 2015, 400.000 tonnes de sucre blanc en Europe. Pour l’île sœur, le quota et le prix garanti appartiendront au passé à partir de l’année prochaine du fait de la fin du Protocole Sucre. Jusqu’à présent, le sucre roux mauricien est raffiné par le Britannique "Tate and Lyle". Cet accord prendra fin le 30 juin 2009.
Cela ne signifie pas que "Tate and Lyle" ne raffinera plus du sucre roux, mais veut dire que l’industriel britannique achètera sans doute du sucre PMA, bien meilleur marché.
Tout cela signifie un tournant historique pour la filière canne-sucre mauricienne. En effet, explique Jean Noël Humbert, Chief executive officier du Syndicat des sucres de Maurice, « Maurice ne produira plus de sucre roux ».
« Rester dans le sucre roux est dangereux. Maurice n’est pas le plus compétitif dans le roux dans la région par rapport à des pays tels que la Zambie, le Malawi, ou le Soudan », poursuit Jean Noël Humbert. « La productivité aux champs est bien plus importante dans ces pays, au Zimbabwe, les rendements sont de 15 tonnes de sucre par hectare ». C’est en effet le double du rendement observé à La Réunion et à Maurice.
Du fait de l’ouverture du marché européen aux pays ACP et PMA sans quota ni droit de douane à partir de l’année prochaine, il devient impossible de concurrencer en Europe le sucre roux produit par les pays d’Afrique australe et orientale. Par ailleurs, dans ces pays, des investissements ont anticipé la réforme du marché sucrier européen. Ce qui veut dire que les usines pourront prochainement travailler à pleine capacité et exporter des centaines de milliers de tonnes de sucre à bas prix vers l’Europe.
Autrement dit, si Maurice restait sur le sucre roux, « c’était la mort assurée en quelques années. Les doigts d’une seule main suffisent pour compter », précise Jean Noël Humbert.
Avec le sucre blanc, le revenu des producteurs mauriciens pourra augmenter par rapport à la vente de sucre roux. En effet, le sucre blanc a un cours 20% plus élevé, et dans le marché européen, il représente 99% des ventes.
En abandonnant le sucre roux, la filière canne-sucre de Maurice réalisera d’ici la campagne 2009 un tournant historique. La fin du Protocole Sucre signifie la confrontation au prix du marché, et donc la fin d’un prix garanti par des subventions publiques. Dans cette perspective, Maurice fait le pari de produire du sucre blanc, car la filière estime qu’elle est compétitive dans ce secteur. Elle abandonne donc le sucre roux, car la filière constate que sur cette production, elle ne peut pas concurrencer les PMA.

Manuel Marchal


Une stratégie : augmenter les richesses tirées de la canne

A un mois du début de la campagne sucrière à La Réunion, c’est un coup de tonnerre qui vient de résonner à moins d’une heure d’avion. Le Syndicat des sucres (SDS) de Maurice a signé le 2 juin un accord avec Sudzucker pour la livraison d’un quota annuel de 400.000 tonnes de sucre blanc. Propriété de 33.000 planteurs européens, Südzucker est le premier producteur européen de sucre. Cet accord est qualifié d’historique par les industriels mauriciens. Pour le gouvernement mauricien, ce partenariat s’inscrit dans une stratégie à long terme. C’est la préparation de l’après 2015, date à laquelle entrera en vigueur le prochain règlement sucrier européen.
Depuis la dénonciation unilatérale du Protocole Sucre par l’Union européenne, les acteurs mauriciens de la filière canne n’ont pas perdu de temps car depuis deux ans, ils ont anticipé. Six mois après la décision de l’Union européenne, ils viennent donc de signer un contrat avec le premier producteur de sucre européen.
Ce sont donc 80% de la production sucrière mauricienne qui seront achetés par Südzucker. La différence, c’est-à-dire entre 100.000 et 125.000 tonnes, sera commercialisée sous forme de sucres spéciaux. Ce sont des sucres à forte valeur ajoutée.
Pour remplir son contrat, Maurice compte investir dans deux raffineries, et dans la modernisation des infrastructures portuaires et routières. Pour les raffineries, l’investissement est de près de 50 millions d’euros, financé par des prêts, notamment de la Banque européenne d’investissement. Elles seront dimensionnées pour raffiner en sucre blanc 400.000 tonnes de sucre. La production sera ensuite transportée jusqu’au quai du port. Puis, elle sera mise en conteneurs avant d’être chargée. Maurice aura besoin de 20.000 conteneurs pour faire face à cette demande, cela représentera 50% de ces exportations sous cette forme de conditionnement. Cela va signifier un trafic permanent de camions, jour et nuit, pour faire la navette entre les raffineries et les quais.

M.M.

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