Conséquence de la suppression des quotas

Tout dépendra de la stratégie de Téréos

21 novembre 2013

Le 1er août, Dacian Ciolos était invité à une matinée d’échanges au Conseil général. Il a été interrogé par Younous Omarjee, député au Parlement européen, sur l’incertitude qui pèse sur les effets de la fin du quota sucrier. La même question a été reposée en conférence de presse. Le Commissaire européen a déclaré que « tout dépendra de la stratégie d’entreprise qu’aura le propriétaire des usines ». Autrement dit, voici les 3.000 planteurs de cannes de La Réunion à la merci des choix d’une coopérative de 12.000 planteurs de betteraves.

Photo Toniox

Le 1er août dernier, Dacian Ciolos a été interrogé sur l’avenir de la filière sucre. Il a répondu que « l’élimination des quotas ne sera pas forcément négative à condition d’une mise en valeur de la production et davantage de travailler dans la recherche ».

Cette élimination pourrait avoir ici une influence, car les producteurs de sucre de betterave n’auront plus de limitation à leur production. Autrement dit vu de La Réunion, ce serait une plus grande concurrence de la part des planteurs de betteraves.

Le commissaire a noté qu’à La Réunion, la moitié du sucre produit l’est sous forme de sucres spéciaux. Ce sont des sucres de qualité, mais en Europe, « ils ne sont pas clairement identifiés en tant que sucre de qualité de La Réunion. Les consommateurs ne le savent pas ». À cette démarche de qualité, le Commissaire a ajouté que La Réunion a « un outil très fort de recherche que beaucoup de concurrents n’ont pas, et dont ils bénéficient en seconde main ».

« Avec une organisation et un suivi attentif, je ne pense pas que l’élimination de quota ait un impact sur le court terme », a-t-il précisé.

Mais sur une échéance plus longue, ce ne sera pas la même chose. « Tout dépendra de la stratégie d’entreprise qu’aura le propriétaire des usines » qui sera fonction de l’évolution du marché, et de la stratégie interne au groupe Tereos, car La Réunion n’est qu’un actif parmi d’autres situés notamment au Brésil pour l’industrie de la canne ou en Europe pour la betterave. Ce sera donc la stratégie de ce qui est à la base une coopérative de planteurs de betteraves, qui décidera de l’avenir de milliers de planteurs de canne à sucre.

Avec la suppression des quotas, même les planteurs de betteraves sont inquiets


En France, premier producteur mondial de sucre de betterave, les planteurs sont inquiets. À la différence des Réunionnais, ils sont membres d’une coopérative qui est propriétaire de l’usine qui traite leurs betteraves, et ils ont donc leur mot à dire dans les décisions.


Le 26 juin dernier, date de l’annonce de la suppression des quotas sucriers après 2017, notre confrère de "L’Aisne nouvelle" publiait un article dans lequel des planteurs de betteraves faisaient part de leur argumentation plaidant pour un report à 2020. Le Syndicat betteravier de l’Aisne soulignait les difficultés à être compétitifs vis-à-vis de l’Australie et du Brésil, ainsi qu’un changement fondamental : la disparition du prix minimum de la betterave. Voici de larges extraits de cet article.

2020. C’est le délai choisi par les producteurs de l’Aisne, afin d’avoir le « temps de se préparer à affronter la concurrence mondiale, particulièrement du Brésil et de l’Australie », annonce le syndicat betteravier de l’Aisne. Pour Emmanuel Pigeon, son directeur, « il faut (nous) laisser le temps d’améliorer la compétitivité du secteur ». Pour cela, un programme de recherche, Aker, a été mis en place (voir encadré). « L’enjeu va bien au-delà de la fin des quotas : il existe aujourd’hui un prix minimum garanti de la betterave, qui va disparaître. Les prix du marché sont bien inférieurs ». Un coup dur à prévoir pour les producteurs. D’autant qu’aujourd’hui, les coûts de production de la canne à sucre, au Brésil, sont de 30% inférieurs à ceux de la betterave en France. Difficile à affronter sans quotas. « Les quotas de sucre permettent de produire localement à un prix raisonnable dans l’Union européenne. C’est quelque chose qui risque de disparaître avec l’augmentation des importations », prédit Emmanuel Pigeon.

« En termes de productivité, nous n’avons pas à rougir face aux Brésiliens ou aux Thaïlandais, nous avons de meilleurs rendements, le souci reste que les coûts de production en Europe, et notamment de l’énergie, restent plus élevés », renchérit Éric Lainé, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves. « Au Brésil, les coûts de production sont inférieurs à chez nous de 30%. On ne peut pas rivaliser ».
Plus que les syndicats, les producteurs sur le terrain redoutent la fin d’un privilège qui leur assure, chaque année, un revenu fixe. Stéphane Caudron cultive à Montigny-en-Arrouaise 70 hectares de betteraves. Même s’il n’a pas encore fait ses calculs, il sait qu’il ne pourra pas affronter des concurrents comme les producteurs brésiliens. « Pour l’instant, on est protégé par un prix de la betterave fixé à l’avance, donc on est assuré, chaque année, d’avoir un revenu stable, ce qui n’est pas du tout le cas avec les céréales ».
Il est bien conscient que la canne est plus rentable, « ils n’ont pas à la replanter chaque année, et utilisent la bagasse (la tige de la canne à sucre) pour produire de l’énergie », assure Stéphane Caudron.

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