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par le Dr Raymond Vergès

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Trois cohésions

La filière canne/sucre sera défendue devant le ministre de l’Agriculture

jeudi 16 septembre 2004


La cohésion sociale, la cohésion territoriale et la cohésion économique militent en faveur du maintien de la culture cannière dans l’île.


C’est demain, vendredi, qu’Hervé Gaymard débutera son séjour dans notre île. Une visite très attendue en raison notamment de l’importante question de la réforme de l’OCM-Sucre et de ses conséquences. Ainsi, Guy Dérand, président de la Chambre d’agriculture, qui avait proposé l’envoi d’une délégation conduite par la présidente du Conseil général, a changé d’avis. Désormais, il affirme : "C’est le ministre qui sera notre avocat, qui va défendre le dossier dans le débat qu’il y aura sur la réforme de l’OCM-Sucre. Il faut qu’il prenne bien conscience des inquiétudes de la profession". Le responsable de la chambre consulaire appelle donc à une mobilisation de masse en guise d’accueil ministériel.
Le ministre est attendu depuis lors de son transit à La Réunion via Mayotte, le 15 juillet dernier, il avait annoncé qu’il reviendrait pour débattre prioritairement de la question sucre. Son séjour a été “préparé”. Chacun a étudié le projet de réforme de l’OCM-Sucre et ses implications pour La Réunion. Sous l’impulsion de la Région et du Département, une cellule de professionnels a travaillé un mémorandum qui sera remis au ministre.

Trois arguments essentiels

Les acteurs de la filière chercheront à avoir des précisions sur le projet de réforme. Bon nombre de points restent en effet dans le flou. L’essentiel du projet de réforme tourne en effet autour de la betterave et ses implications pour la canne et le sucre de canne sont mal perçues. Une unanimité se dégage pour obtenir de Bruxelles le meilleur traitement possible, c’est-à-dire des compensations maximales. Pour faire prévaloir leur point de vue, les professionnels réunionnais démontreront l’intérêt pour La Réunion du maintien en activité de la filière.
Trois arguments essentiels ressortent.
Le maintien de la culture de la canne doit se faire au nom de la cohésion sociale de La Réunion. La ruine de milliers de petits planteurs n’est pas acceptable dans un pays où le chômage atteint la barre des 40% et pour une profession qui a déjà beaucoup donné : le nombre de livreurs de canne a chuté considérablement en 20 ans tandis que les fermetures d’usine ont fait diminuer dans de fortes proportions le nombre d’ouvriers.
Deuxièmement, il en va de la cohésion du territoire lui-même. Pour lutter efficacement contre l’érosion, il n’y a pas d’autres cultures de remplacement. Tout au plus peut-on recourir à des plantations de bambous pour établir des lignes de niveau et de fixation de la terre. Par ailleurs, l’île est actuellement relativement auto-suffisante en productions maraîchère, fruitière et de viande. Dans la perspective du million d’habitants, on aurait besoin d’environ 5.000 hectares de plus pour répondre aux besoins supplémentaires qui seront créés. Si jamais La Réunion devait abandonner la canne, on ne sait pas à quel usage agricole destiner les terres libérées.
Enfin, troisième raison : la cohésion économique.
La filière canne/sucre constitue une des principales ressources de l’île : elle constitue, selon les années, entre 15 et 20% de la valeur ajoutée marchande de l’île. La canne, c’est aussi deux usines en activité avec des centaines d’emploi, des “coupeurs de canne”, des transporteurs et des chauffeurs et d’autres activités dérivées. La bagasse brûlée avec du charbon dans les usines du Gol et de Bois Rouge fournit autour de 13% de l’énergie électrique de La Réunion. La disparition d’une telle production effondrerait totalement notre politique énergétique.

J.M.


Débat chiffré

Le projet de réforme de l’OCM-Sucre propose de compenser à hauteur de 60% les pertes que subiront les producteurs. Le prix du sucre sera en effet progressivement diminué : la baisse maximum devra atteindre les 37% à partir de la campagne de 2007/2008. Une aide de 39 millions sera attribuée à ce moment là à l’ensemble des DOM par la Commission de Bruxelles.
Dans son “Rapport annuel 2003” (pages 53 à 57), l’IEDOM fournit tous les éléments permettant de comprendre le mécanisme complexe de la formation du prix de la canne.
Le planteur perçoit en effet une recette brute calculée à partir du prix industriel de la canne et de la richesse en sucre. S’y ajoutent : des aides directes (aide économique, aide à la production, aide incitative, remboursement cotisations), une prime bagasse, des aides structurelles (celles inscrites au DOCUP pour la collecte et le transport de la canne et celle provenant de POSEIDOM pour l’épierrage et la replantation).
En 2003, la recette brute des planteurs a été de 76,6 millions d’euros. Si l’on part de l’idée que La Réunion devrait percevoir les 3/4 de l’aide bruxelloise (1) , c’est une aide de 29, 25 millions d’euros qu’elle percevrait. Soit 38,18% de la recette brute des planteurs évaluée en 2003.
Les aides directes que perçoivent les planteurs résultent de la convention État-usiniers-planteurs signée pour la première fois en 1995 et reconduite le 27 juin 2001 pour 5 ans. Ces aides indirectes, pour l’essentiel, proviennent de l’État. En 2003, elles se sont élevées à 34,4 millions d’euros. Elles sont donc supérieures au montant de la compensation que La Réunion devrait recevoir de Bruxelles à partir de la campagne 2007/2008.
Une part de l’avenir de la filière canne/sucre au vu de la réforme de l’OCM-Sucre se joue auprès des instances européennes. Une autre se retrouve dans l’évolution de la convention tripartite État-usiniers-planteurs et dépendra du niveau d’aides qu’accordera Paris. Cela fera l’objet dans un avenir plus ou mois proche d’autres discussions.

(1) La Réunion fournit, en effet, la grande partie de la production sucrière des DOM. 


Les aides à la filière canne en 2003

Recette brute des planteurs 76,6
dont prime bagasse 2,0
Aide économique (1) 33,2
Remboursement cotisations (2) 1,2
Total des aides convention canne 34,4
Compensation des handicaps

naturels (3)

3,7
Aide au transport (2) 5,9
Total des autres aides directes 9,6
Recette brute totale des planteurs 120,6
Aides structurelles
Aides indirectes (4) 2,8
Aides POSEIDOM (5)
Améliorations foncières 3,0
Replantations 1,7


(1) Les montants de l’aide économique et de l’aide à la production sont fusionnés à partir de 2001.
(2) Ces montants sont versés avec un décalage d’un an, leur calcul nécessitant de connaître le total de cannes livrées au cours de la campagne.
(3) Cette indemnité a remplacé la prime d’indemnité spéciale montagne (ISM).
(4) Ce sont essentiellement des aides versées par l’Europe et le Département aux organismes de recherche (CIRAD, CERF, CTICS)
(5) Ces aides concernent l’amélioration foncière (épierrage), l’ouverture ou la remise en état des voiries d’accès ainsi que la replantation en cannes. Enfin l’aide à la replantation est financée par le FEGA et l’État. S’ajoute une prime complémentaire de la Région finançant à 50% le coût des intrants (essentiellement les engrais)
(Tableau établi à partir de celui publié par le “Rapport 2003” de l’IEDOM -page 55-)


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