Réunion de l’interprofession canne-sucre et des collectivités

Un mois et demi pour convaincre Bruxelles

17 juillet 2004

Depuis l’adoption par la Commission européenne des propositions de réforme de l’OCM-Sucre du commissaire Fischler, le 14 juillet, les événements se sont précipités, témoignant d’une rapidité de réaction des différents acteurs et de leur volonté d’agir ensemble et vite.

Le président de Région a pris coup sur coup l’initiative de demander à rencontrer, avec la présidente du Département, le ministre de l’Agriculture lors de son transit aérien de jeudi et, hier, les membres de la Commission paritaire de la canne et du Sucre.
Au terme d’une réunion de deux heures, d’un contenu très politique, les participants ont adopté une déclaration (voir ci-contre) qui contient l’essentiel des éléments d’analyse échangés autour du document européen et pour la définition d’une stratégie pour le présent et pour l’avenir.
Les deux présidents des collectivités ont réaffirmé leur solidarité envers l’interprofession devant cette crise d’un niveau et d’une nature sans précédents dans la filière, les conséquences de la réforme qui la frappe intéressant directement, bien qu’en "seconde ligne", les compétences réciproques des collectivités.
Le ministre Hervé Gaymard ayant confirmé, depuis son passage éclair dans l’île, jeudi, qu’il reviendrait à la mi-septembre, les participants à la réunion d’hier ont principalement décidé d’élaborer un document balayant toutes les propositions pour le présent et pour l’avenir. Ces “Cahiers de l’agriculture” vont constituer les orientation agricoles pour les quinze ans à venir- un document le plus complet possible, que les collectivités et l’interprofession remettront au ministre en septembre pour le seconder dans la difficile tâche d’assurer la survie de la filière canne-sucre à La Réunion et dans les DOM et les RUP en général.
"Les RUP ont gagné deux premiers combats" a commenté Xavier Thiéblin, co-président de la CPCS, en appelant à livrer "la troisième bataille" en direction du gouvernement français. Le premier est l’abandon en 2003 de toute idée de “reconversion” - un mot frappé à La Réunion d’un interdit absolu - et le second est la mention des RUP dans le document européen du 14 juillet. Lundi prochain, 19 juillet, aura lieu une première réunion d’information des ministres européens de l’Agriculture préparant le Conseil du 21 septembre. L’enjeu rappelé par Xavier Thiéblin est d’expliquer "pourquoi le niveau de compensation est insuffisant".

"Gagner le 3ème round"

Le climat de la rencontre, qualifié par Paul Vergès de "sérieux et calme, marqué par la convergence des idées et leur caractère constructif" témoigne d’une prise de conscience réaffirmée hier par la présidente du Département : "Nous ne voulons ni attentisme, ni catastrophisme (...) mais parler d’une seule voix pour défendre La Réunion". Les différents participants n’ont pas dit autre chose. Pour Jean-Yves Minatchy (CGPER), l’objectif tracé est d’obtenir "la compensation intégrale des pertes". Et son collègue de la FDSEA ajoute qu’ils sont tous "condamnés à réussir". Dans l’intérêt de l’ensemble des autres filières agricoles, et pour leur survie, les planteurs de canne veulent "une compensation à l’euro près" a ajouté Bernard Nativel (FDSEA).
Concrètement, des groupes de travail vont se constituer très vite pour la préparation du document. Les trois points essentiels - mais ce ne seront pas les seuls - portent d’une part sur les quotas et les prix, ensuite sur les compensations et en troisième lieu sur les conditions concrètes d’application de la réforme. L’interprofession et les collectivités se donnent un mois et demi pour rassembler tous les arguments pour convaincre Bruxelles que "les RUP et les DOM n’ont pas d’alternative crédible à la canne à sucre et [qu’] il faudra une traduction budgétaire à la négociation politique" a conclut Xavier Thiéblin.
"Personne ne monte sur un ring pour être battu au 3ème round" a résumé pour sa part le président de Région, réaffirmant au nom de tous que la réunion de travail d’hier n’a envisagé "que les moyens de gagner".
Un dernier détail, mais qui a son poids : la réunion de septembre du Conseil européen précédera de deux jours celle du panel de l’OMC examinant la plainte du Brésil et de l’Australie.

P. David


Déclaration

Suite à l’approbation le 14 juillet par la Commission Européenne de la Communication du Commissaire Fischler relative à la réforme du régime communautaire du Sucre, les Présidents des Conseils Régional et Général et les membres de la Commission Paritaire Canne Sucre se sont réunis ce vendredi 16 juillet à l’Hôtel de Région.
Compte tenu à la fois de l’urgence et de la gravité des problèmes soulevés par cette réforme, dont les conséquences multiples concernent directement les professionnels ainsi que les Collectivités territoriales à travers leurs compétences respectives (Aménagement du territoire, relations avec l’Europe, Agriculture...), les participants ont estimé opportun de procéder ensemble à un première analyse du document. À l’issue de ces échanges, ils sont convenus de la déclaration suivante :

1) Le projet de réforme de l’OCM Sucre, annoncé comme radical par ses auteurs, représente un enjeu historique pour La Réunion. Le système sur lequel s’est bâtie et consolidée l’économie sucrière, pilier de la société et de l’économie réunionnaises, est touché dans ses principes fondamentaux : la sécurité d’un niveau de prix et de quotas garantis est en effet remise en cause. La diminution d’environ 1/3 du niveau des prix, combinée à la diminution du quota attribué aux Départements d’Outre Mer auraient des conséquences dramatiques pour notre économie sucrière.

2) Cette réforme de l’OCM Sucre intervient sous le poids de contraintes aggravées et de concurrences exacerbées :

- d’une part, à l’intérieur même de l’Union Européenne, où 21 pays sur 25 sont producteurs de sucre ;

- d’autre part, cette réforme de l’OCM Sucre s’inscrit dans le cadre plus global de l’Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.) et constitue une première étape dans la mise en œuvre d’un processus visant à établir la libre concurrence sur un marché mondialisé. La plainte du Brésil, de l’Australie, de la Thaïlande vise à accélérer ce processus.

Ainsi, le Règlement sucrier organisant le marché du sucre européen, et le Protocole sucrier concernant l’accord entre l’Union Européenne et les producteurs des pays A.C.P. sont directement visés.

3) Dans ce contexte, les Présidents des Collectivités locales et les membres de la Commission Paritaire Canne Sucre mesurent l’ampleur et la difficulté de la bataille que La Réunion aura à livrer pour limiter au maximum les conséquences négatives de cette réforme. Cette bataille qu’ils engagent de façon décisive entre juillet et septembre, sera longue et devra être sans relâche, avec un double objectif :
o maintenir le pouvoir d’achat des producteurs,
o et valoriser au maximum toutes les fonctions de la canne.
Ainsi, doit être sauvegardé le présent tout en préparant l’avenir.

4) S’ils prennent acte de la nécessité reconnue par la Commission d’un traitement spécial et moins défavorable pour les Régions Ultrapériphériques, et qu’ils apprécient la signification de ce premier résultat obtenu, les élus et les acteurs de la filière Canne Sucre constatent, en première analyse, que le dispositif de compensation envisagé est nettement insuffisant. Même si la compensation partielle pouvait atteindre 60% de la baisse des prix, elle aurait des conséquences insupportables pour les planteurs, les industriels, et désastreuses pour la filière.

5) Face à ces enjeux vitaux pour l’économie et la société réunionnaises et à la complexité du dossier, l’action commune et coordonnée des différents acteurs est indispensable et doit être largement soutenue par l’opinion. Dans cet esprit, une information très large et la plus appropriée auprès de la population, devra être organisée.

6) Dans le même esprit, les participants sont convenus de la nécessité d’élaborer une plate-forme commune dans les meilleurs délais sur la base d’une analyse détaillée de la communication de la Commission et de sa traduction précise pour les RUP et La Réunion en particulier.
Un groupe de travail associant des représentants des Collectivités locales et des professionnels est constitué à cet effet.

7) Cette Plate-forme devra faciliter l’action commune de l’ensemble des acteurs réunionnais (professionnels, Collectivités locales, Parlementaires Nationaux et Européens) afin de poursuivre le dialogue engagé avec le Gouvernement dans l’esprit de la rencontre intervenue le 15 juillet entre les Présidents des Collectivités territoriales et le Ministre de l’Agriculture et de créer les meilleures conditions pour les négociations avec les instances communautaires. Compte tenu du calendrier des négociations (19 juillet : première réunion des Ministres de l’Agriculture du Conseil Européen, 21 septembre : début des discussions), il serait souhaitable qu’une rencontre puisse avoir lieu prochainement avec le Ministre à Paris avant sa visite à La Réunion prévue pour la mi-septembre.


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