A la veille d’une rencontre importante sur la filière canne à la Chambre d’agriculture

Une conférence de presse technique d’un service de l’Etat prend une tournure politique

5 septembre 2008, par Manuel Marchal

Ayant à l’ordre du jour un point technique, la conférence de presse de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt, de part son lieu, le moment choisi et les propos tenus, a pris une tournure politique, voire politicienne quand il a été question de ’Témoignages’.

Hier, la Direction de l’Agriculture a organisé une conférence de presse à la préfecture pour présenter le résultat d’une enquête sur la structure des exploitations agricoles à La Réunion. Cela devait être une présentation technique, mais le cadre choisi, la Préfecture, ainsi que le moment de cette rencontre avec la presse, à la veille de la tenue à la Chambre d’Agriculture d’un débat sur la filière canne, font que cette conférence était un événement politique. Cela a d’ailleurs été confirmé par les propos tenus par le Directeur de l’Agriculture et de la Forêt à la fin de la rencontre avec les journalistes. Des déclarations qui ne correspondaient pas au thème de l’invitation à la presse.
Le représentant de l’Etat a tout d’abord tenu à préciser, à l’attention des médias qui évoquent "l’échéance 2014", que cette échéance ne met pas un terme à une politique. C’est une année à partir de laquelle le budget de l’Union européenne ne sera plus le même qu’avant cette date, a-t-il précisé.

Les subventions ? Rien à craindre

Citant ensuite nommément un journaliste de "Témoignages", le Directeur de l’Agriculture et de la Forêt a indiqué que la baisse de 80% des "soutiens distorsifs" concernant l’agriculture européenne ne signifie en aucun cas une baisse de 80% des subventions. Le représentant de l’Etat ajoute qu’avec la réforme de la Politique Agricole Commune lancée en 2001, l’Union européenne a atteint déjà cet objectif de baisse de 80% des "soutiens distorsifs" depuis 2003. Par "soutien distorsif", il faut comprendre la somme des subventions aux agriculteurs, les subventions à l’exportation de produits agricoles, et les taxes douanières. De plus, ajoute-t-il, « la négociation du prochain règlement sucrier ne se fera pas en fonction des contraintes de l’Organisation mondiale du commerce. Le règlement actuel, en vigueur depuis 2006, est la réponse à ces contraintes ».
Il conclut sur ce point en indiquant que rien n’empêche l’Union européenne de subventionner davantage un secteur agricole au détriment d’un autre, et cite l’exemple des producteurs de bananes aux Antilles qui ont eu droit à une hausse de 200% de leurs subventions. Enfin, le Directeur de l’Agriculture et de la Forêt annonce à la presse qu’il est prêt à répondre à toutes les questions, et qu’il compte organiser d’ici la fin de l’année une conférence de presse sur les politiques agricoles à La Réunion.

« Rendez-vous de 2014 » , dit le préfet

Ces propos ne manqueront pas d’interpeller. Souvenons-nous pourtant que récemment, à la préfecture également, le préfet avait ouvert en personne la rencontre de l’Interprofession tenue à la veille de la campagne sucrière. Ce jour là, le préfet avait bien insisté sur une phrase relative à la Convention canne 2006-2015. « la filière canne réunionnaise bénéficie, grâce à cette convention, d’un niveau d’aides sans équivalent en Europe ». Il avait poursuivi en disant que « seule la mise en œuvre des dispositifs d’aide à l’investissement récemment approuvés dans le cadre du PDR (FEADER) 2007-2013 est à l’ordre du jour ». Et le préfet avait conclu son propos de cette manière : l’objectif est « que la filière canne réunionnaise soit au rendez-vous de 2014 et soit la plus moderne d’Europe ». Force est de constater que l’échéance 2014 n’est pas une invention de "Témoignages".
Quoi qu’il en soit, tenus hier à la préfecture, à la veille d’une rencontre où des invités doivent débattre de la filière canne, les propos du Directeur de l’Agriculture et de la Forêt sont des affirmations à conserver. Et cela d’autant plus que lorsque l’Union européenne a baissé de 36% du prix du sucre qu’elle applique dans le règlement sucrier actuel, nous n’avons pas souvenir que le chef de ce service de l’Etat ait tenu une conférence de presse à la Préfecture pour annoncer la nouvelle aux planteurs.
Les débats vont se poursuivre, mais nourris par l’expérience, nous savons que nous devons lutter et pas attendre que les choses se passent. A l’OMC, le fond du problème est l’ouverture des marchés avec la suppression de tout ce qui fait distorsion à la concurrence. L’objectif est le libre-échange. Cela met donc sur la table tout ce que l’idéologie ultra-libérale considère contre des obstacles à la concurrence. Les aides sociales à la production sont-elles une entorse à la "concurrence libre et non faussée" ? De la réponse à cette question dépend plus de la moitié du revenu des planteurs.

 Manuel Marchal 


An plis ke sa

La Direction de l’Agriculture et de la Forêt a présenté hier le résultat d’une enquête sur la structure des exploitations agricoles. Ce document vise à évaluer l’efficacité des politiques publiques dans l’agriculture. La précédente enquête de ce genre datait de 2005. Celle de 2007 est basée sur les déclarations de 1.100 exploitations recueillies par 16 enquêteurs du service statistiques de la DAF. Dans une prochaine édition, nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur ce document très intéressant. Voici quelques points importants :

L’importance du SAR
Tout d’abord, l’enquête confirme une stabilisation des surfaces cultivées depuis 2003, aux alentours de 44.000 hectares. La chute observée au cours des années 90 a marqué une nette inflexion à partir de l’entrée en vigueur du SAR, observe le Directeur de l’Agriculture et de la Forêt.

Des exploitations plus grandes
On note également une augmentation de la superficie moyenne des exploitations. Avec 6,2 hectares, la surface progresse de 40% par rapport à 2000. Par ailleurs, plus de 21.000 personnes ont travaillé dans l’agriculture en 2007, pour près de 11.000 équivalents temps plein.

Niveau de formation en hausse
Le niveau de formation des agriculteurs ne cesse d’augmenter. 28% ont une formation secondaire ou supérieure, ce qui est plus du double qu’en 2000. La DAF veut aller plus loin, et précise que la formation est une priorité car l’agriculteur aujourd’hui, est bel et bien le chef d’une entreprise agricole.


Valorisation de la canne : plus de 110 millions d’euros en 2006

Les comptes de l’agriculture tenus par la DAF permettent de connaître la valorisation de la filière canne. Voici quelques chiffres :
2003 : 104 millions d’euros
2005 : 106 millions d’euros
2006 : 110,6 millions d’euros
Pendant ce temps, le nombre des exploitations continue à diminuer :
2000 : 4790
2007 : 3961
Cela montre donc l’importance des gains de productivité réalisés.

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