Hausse des charges et prix fixe de la canne : des planteurs manifestent

Une Intersyndicale de planteurs demande la renégociation de la Convention canne

17 juin 2008, par Manuel Marchal

L’Association pour la défense des agriculteurs, la Coordination rurale, la FDSEA et Jeunes agriculteurs ont organisé hier une manifestation unitaire devant la DAF. L’Intersyndicale revendique une renégociation de la Convention canne. Le prix fixe de la canne jusqu’à 2015 est confronté à la hausse continue coûts de production. Avec un rendement de 100 tonnes de cannes à l’hectare et une récolte manuelle, un planteur ne pourra survivre que jusqu’en 2011 selon les règles actuelles, précise Laurent Lebon de la Coordination rurale. Parmi leurs revendications, les planteurs souhaitent un partage équitable des produits de la canne.

Une Intersyndicale de planteurs composée de la Coordination rurale, de l’Association de défense des agriculteurs, de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs a manifesté hier devant le siège de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt (DAF). A la sortie d’une réunion, ils ont barré la route une partie de la journée. Dans ces termes actuels, la Convention canne ne leur permet pas de survivre, affirment-ils.
Cet accord détermine la répartition des produits tirés de la canne et des subventions de l’Union européenne et de l’Etat. Les planteurs sont payés en fonction du sucre produit, et ont une prime bagasse qui est loin de correspondre à une juste répartition des bénéfices qu’il est possible de tirer aujourd’hui de ce produit de la canne.
La bagasse par exemple, c’est en effet aujourd’hui de l’or en barre. Elle fournit le sixième de l’électricité consommée chaque année à La Réunion, soit la consommation annuelle de 150.000 Réunionnais, affirme Canne Progrès dans "le Quotidien" du 4 juin 2008. Pour leur contribution à la production électrique du pays, les planteurs ont eu 1,8 euro par tonne de canne récoltée l’an dernier.

Des prix multipliés par trois ou quatre

Signée en 2006, la Convention canne maintient un prix fixe de la canne jusqu’en 2015 : 39,09 euros pour une tonne ayant une richesse de 13,8. C’est ce que l’on appelle le prix usine, c’est-à-dire le prix avec lequel l’usinier achète sa matière première. Le revenu du planteur est ensuite complété par les subventions de l’Union européenne et de l’Etat.
Or, pendant ce temps, les charges des planteurs augmentent. L’engrais est l’exemple le plus révélateur. L’an dernier, le moins cher coûtait 193 euros la tonne, pour 2008, le prix sera au moins de 452 euros. La subvention de 160 euros décidée par l’Interprofession ne permet pas de compenser.
Cette hausse est liée à celle des cours mondiaux des matières premières, et personne à La Réunion ne peut l’influencer. Par exemple, la potasse, composant important des engrais, est passée en un an de 129 euros la tonne à 516 euros la tonne, soit un prix multiplié par quatre. Et pour 2009, c’est l’inconnue, combien coûteront les engrais ?
Laurent Lebon, de la Coordination rurale, ne peut que constater la baisse de la marge réalisée par les planteurs. « Même avec un rendement de 100 tonnes de cannes à l’hectare, et en coupant à la main, un planteur ne pourra pas tenir au-delà de 2011 ». Autrement dit, une grande partie des planteurs sont menacés de disparition d’ici trois ans. « En 2003, une étude avait évalué la marge brute, avec un rendement de 100 tonnes par hectare, à 840 euros l’hectare ». Où en est-on maintenant, alors que tout a augmenté, sauf le prix de la canne ?

Tout augmente sauf le prix de la canne

« Lorsque les aliments pour le bétail augmentent, le prix du kilo de carcasse augmente », précise-t-il, « mais quand les engrais augmentent, pour la canne le prix ne bouge pas ».
Pour l’Intersyndicale, il est donc urgent de revoir la Convention canne. « Soit on pioche dans les subventions européennes, soit on pioche dans les sous-produits de la canne », poursuit Laurent Lebon.
Pour faire face à l’immédiat, l’Intersyndicale propose que La Réunion et Maurice fasse une commande groupée d’engrais afin d’être en meilleure position pour négocier un prix plus bas.
A moins d’un mois du début de la campagne sucrière, l’Intersyndicale revendique donc une remise à plat, pour que la Convention canne puisse tenir compte de la hausse importante des coûts de production. Les syndicalistes veulent que les planteurs aient droit au même revenu qu’en 2006, dernière année de récolte "normale", sans cyclone, ni sécheresse ni éruption volcanique.
Dans l’état actuel, ils craignent que l’accord qui répartit les richesses tirées de la canne et les subventions ne signifie la fin, à plus ou moins brève échéances, de nombreuses petites et moyennes exploitations.

Manuel Marchal

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