1944-2004 : 60 années de fidélité de “Témoignages” à l’idéal de son fondateur

Absence d’eau potable et malnutrition à La Réunion

7 mai 2004

Depuis mercredi, nous publions des séries d’articles de Eugène Rousse, qui rappelle la situation de La Réunion à l’époque où “Témoignages” est né. Hier, nous avions annoncé la suite de l’article sur le dénuement de l’école publique. Avant de voir ce point prochainement, il est important de rappeler qu’en 1944, les Réunionnais connaissaient de grandes difficultés à s’alimenter en eau potable, causant de nombreuses maladies graves.

En raison du faible nombre de sources et du régime très irrégulier des quelques
centaines de ravines que compte l’île, l’alimentation de la population réunionnaise en eau a été très mal assurée à l’époque coloniale.
Seules les villes disposent alors d’un réseau de canalisations pouvant conduire l’eau dans une minorité de foyers. Le ravitaillement du plus grand nombre devant se faire à partir des fontaines publiques. L’eau consommée ne subit au préalable aucun traitement bien qu’elle soit le plus souvent non potable. La fourniture d’eau est souvent interrompue pendant la saison sèche. D’où la nécessité de s’équiper en réservoirs assez volumineux.
À la campagne, où ce sont les enfants qui sont chargés de corvées aussi bien d’eau que de bois, il faut la plupart du temps aller puiser l’eau dans les ravines, ou plus exactement dans les bassins de ces ravines. Cette eau transportée dans un récipient métallique (fer-blanc) est évidemment fortement polluée. Elle est la cause de nombreuses maladies, dont des parasitoses. La quasi-totalité des enfants en souffraient périodiquement il y a seulement un demi-siècle. Beaucoup d’entre eux en mourraient à l’époque coloniale. D’après le professeur Larivière, initiateur d’une enquête effectuée dans l’île en 1969, 95% des enfants de 4 à 14 ans souffraient de parasitoses cette année-là ; 69% d’entre eux étant polyparasités.
En raison de son faible pouvoir d’achat, l’alimentation du travailleur réunionnais est mauvaise tant quantitativement que qualitativement.
D’après un rapport du président de l’Académie de La Réunion, Paul Guézé, sur l’alimentation réunionnaise en mai 1946, l’apport moyen de la nourriture du travailleur créole ne se chiffre qu’à 2.264 calories par jour alors que ses besoins se situent entre 3.000 et 4.000 calories. Ce rapport souligne également la pauvreté de l’alimentation en protéines et en matières grasses (moins de 50% des besoins sont couverts).
Cette mauvaise alimentation conduit l’universitaire Jean Defos du Rau à affirmer : "si trop de gens ne travaillent que quatre heures par jour, c’est parce que travailler davantage est au-dessus de leur force".
Cette mauvaise alimentation est aussi responsable - du moins en partie - du taux élevé des "non admis" aux Conseils de révision de l’armée. Ce taux s’élève par exemple pour les années 1947-1949 à 56,3%.

(à suivre)

Eugène Rousse


Messages pour “Témoignages”

René Payet, prêtre à Saint-Pierre : "Longue vie à “Témoignages”"
Mi passe témwin pou “Témoignages”. Oui, c’est en tant que prêtre que je voudrais, à l’occasion des 60 ans du journal “Témoignages”, apporter mon témoignage sur les déboires vécus par mon journal préféré, aux temps héroïques de toutes les coalitions contre lui. Tout simplement pour rappeler et déplorer le rôle joué par l’Église dans cette entreprise de démolition du seul organe d’information vraiment indépendant, à l’époque, dans le pays.
Il y a cinquante six ans que j’ai été ordonné prêtre. “Témoignages” avait quatre ans. Et il était déjà voué au diable par les autorités ecclésiastiques. Mgr De Langavant a mené un combat féroce contre lui. Il y a eu non seulement une mise en garde des chrétiens, mais tout de suite l’excommunication contre ses abonnés et ses lecteurs. Tirant plus vite que son ombre, mieux que W. Bush, notre évêque avait identifié immédiatement "l’axe du mal"... Il faut rappeler que son Excellence avait une force de frappe des plus redoutables : l’arsenal des sacrements : baptêmes, mariages, confessions avec en plus les funérailles. Beaucoup de prêtres des paroisses attendaient là, les communistes ou prétendus tels - ceux surtout abonnés au journal. Et ils étaient refoulés impitoyablement.
Au nom de la lutte contre l’athéisme marxiste, on rejetait de l’Église tout un peuple d’exploités, petits colons, journaliers agricoles ou petits artisans. Or, tous ceux-là n’y voyaient qu’une chance de sortir ensemble, de se libérer de l’emprise des possédants et en tout premier lieu, des usiniers. Le Parti communiste n’était vu que comme le “parti des travailleurs”. Ainsi, face aux exploiteurs et à leurs victimes, l’Église se posait objectivement comme le puissant allié inconditionnel des puissants, les oppresseurs de ceux qui étaient déjà brimés comme on ne le saurait croire.
Dans ce contexte-là, l’Église ne se rendait même pas compte que son “parti pris” (dans tous les sens du terme !) faisait obstacle à la maturité politique des populations, entravait l’expression culturelle, entretenait les conditions propices à toutes les fraudes électorales et aux candidatures officielles...
Moi-même, jeune prêtre, enseignant au Séminaire de Cilaos, pendant neuf ans, je n’étais pas encore né à la vie politique. Je me la croyais interdite. Curieusement, ce sont les outrances nationalistement sectaires de Michel Debré - et la rencontre avec quelques militants culturels et politiques du Parti, et la lecture de l’un ou l’autre numéro de “Témoignages”..., le tout relayé par l’arrivée de “Témoignage Chrétien”...- que j’ai opérées ma “conversion”... Cela, jusqu’à devenir quelques années après, membre à part entière de l’équipe de rédaction de “Témoignages”, trois années durant... parmi les plus belles de ma vie sacerdotale !
Bravo et merci, “Témoignages” ! Longue vie !
Je mourrai avant toi, sûr ! Mais c’est un peu de ce que j’ai mis de moi en toi qui me fera continuer à vivre avec vous, chers amis qui sont en train de te rajeunir !

Fred de Saint-André : "Bravo !"
Bravo pour votre site web. Très belle réalisation et bon anniversaire !
Bonne continuation.

D. P. : "Votre site, une mine d’informations"
Il y a parfois de telles coïncidences qu’elles laissent pantois : j’apprends hier soir dans le JT que le journal a 60 ans et, aujourd’hui, je fais une recherche dans Google pour obtenir des informations sur les Kalbanons. Et quelles réponses me sont proposées ? Le site web de “Témoignages” en seconde position ! Honte sur moi, je ne connaissais pas l’existence du site et c’est en téléphonant à la rédaction que j’apprends qu’il existe depuis un an... (un grand bravo pour l’accueil). Votre site est une mine d’informations pour vérifier tel ou tel aspect de l’Histoire de l’île et de sa culture, c’est pour moi d’un grand secours : merci.
Quoi qu’il en soit, joyeux anniversaire à toute l’équipe et tous mes vœux de réussite !

À la mémoire de Paul Alin Nirlo, grand lecteur de “Témoignages”
M. Paul Alin Nirlo est né à Sainte-Marie en 1911. Il grandit dans le Nord de l’île.
Il devient cultivateur au Bois de Nèfles Saint-Denis. Marié à une demoiselle Buisson de Larichaudy, il sera l’heureux père de 10 enfants.
Depuis sa prise de conscience politique, il a été de pensée gauchiste. Il devient avec son frère Jocelin Nirlo dit "Toto" et son beau frère Léonide Laude un fervent militant du Parti communiste réunionnais et ce, même dans la période la plus critique l’histoire du parti.
Il a été également un grand lecteur du journal “Témoignage” envers lequel il pouvait être critique.
Jusqu’à sa mort l’année dernière, il a été fidèle aux idées du Parti communiste réunionnais.
Sa fille Madeleine et sa petite-fille Magalie

Raymond Vergès19 mars

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