La longue marche vers la départementalisation de La Réunion - 12 -

De graves atteintes aux droits fondamentaux

31 mars 2006

Comme on l’a vu dans les précédents articles, la longue marche des Réunionnais pour faire appliquer la loi d’égalité Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946 a porté a la fois sur l’alignement des droits sociaux de La Réunion sur celles de France et sur l’application des principes de la République. Ce second combat avait pour but de faire respecter les libertés publiques, les droits humains et le suffrage universel. En particulier à Saint-André, n’est-ce pas M. Virapoullé ?

Au début des années 1950, la présence à la tête du Département de préfets comme Roland Béchoff et surtout Jean Perreau-Pradier sonne le glas des droits fondamentaux à La Réunion.
Dès son arrivée dans l’île, le préfet Roland Béchoff s’attaque au droit de grève, pourtant inscrit dans la Constitution.

Des grévistes attaqués

À la veille du déclenchement de la grève des cheminots, des marins et des dockers en octobre 1950, le préfet Béchoff met en garde ces derniers : "la grève est certaine de l’échec. Il vaut mieux ne pas la faire".
Ses “conseils” n’ayant pas été suivis, dès le 2ème jour de grève, le 3 octobre, il fait intervenir gendarmes et CRS contre les grévistes. Il n’est certainement pas étranger à l’arrestation puis à la condamnation à des peines de prison d’une dizaine de grévistes, dont le magasinier Arthur Benne.
Celui-ci est non seulement condamné à une peine de prison mais aussi privé de ses droits civiques. Une telle épreuve entraînera le décès du père de notre ami Georges Benne, 20 mois plus tard.

Le curé réprimé

Le préfet Béchoff n’hésite pas à violer l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, cosignée par le gouvernement français. Cet article 13 est libellé comme suit : "Toute personne a le droit de circuler librement".
À la mi-octobre 1950, le préfet se rend quotidiennement au Port afin d’intimider les grévistes. Il demande au commissaire de police du Port, Jean le Goff, d’interpeller le curé du Port, le Père Bourdon, sous le seul prétexte que ce prêtre se permet de se promener chaque jour sur l’avenue Pierre Sémard, située à proximité des docks.
La seule présence de l’homme d’église près des docks est considérée par le représentant de l’État à La Réunion comme une manifestation de sympathie envers les grévistes et un encouragement à poursuivre leur action. Le Père Bourdon ne tardera pas à être sévèrement sanctionné par l’évêque du diocèse, Mgr Cléret de Langavant.

D’odieuses mascarades électorales

Quant au préfet Jean Perreau-Pradier, pendant ses 80 mois de règne à La Réunion, il s’est comporté constamment en tyran, avec la complicité du gouvernement. Du gouvernement Debré notamment, du 8 janvier 1959 au 14 avril 1962.
Jean Perreau-Pradier a transformé toutes les élections - tant cantonales que municipales, législatives et présidentielles - en odieuses mascarades, souvent sanglantes, toujours violentes.
La gravité de ces fraudes électorales a justifié la venue pour la première fois à La Réunion, à la demande des députés Mondon et Vergès, d’une commission parlementaire d’enquête, dont les travaux ont duré du 15 au 23 mars 1958.

Le droit de réunion mis en cause

Jean-Perreau-Pradier s’est également efforcé de priver les Réunionnais du droit de réunion.
Ainsi, après le putsch d’Alger en mai 1958, avec l’aide active de Jean Cluchard, son chef de cabinet, de CRS et d’une forte équipe de nervis entretenus par des municipalités, le représentant de l’État à La Réunion a l’idée diabolique d’organiser un guet-apens à Saint-Denis. Les victimes de cette violente attaque sont les démocrates venus dans la “cour Lucas” crier leur attachement à la République.

François Coupou et Thomas Soundarom assassinés

Ce guet-apens coûtera la vie à François Coupou, un modeste travailleur dionysien, dont l’assassinat a été maquillé en “crise cardiaque”, avec la complicité de l’ORTF. En effet, les 4 chirurgiens chargés de l’autopsie du cadavre ont conclu que François Coupou a succombé suite à des coups violents portés au crâne. Des coups de matraque, affirment les témoins de la scène.
Jean Perreau-Pradier s’est aussi rendu responsable le mardi 5 février 1962 de la brutale dispersion - par ses gendarmes et CRS - des planteurs rassemblés à Saint-Louis pour exiger un meilleur partage de produits et sous-produits de la canne.
Au cours de la dispersion, outre une abondante utilisation de grenades lacrymogènes, des coups de fusil sont tirés par les forces dites de l’ordre : le planteur Thomas Soudaron est tué d’une balle en pleine poitrine. Un autre planteur est grièvement blessé par balle.

L’alerte cyclonique retardée par le préfet

Jean Perreau-Pradier est également responsable du bilan très lourd du cyclone Jennie le 28 février 1962 : 37 morts, 150 blessés, 4.000 maisons totalement détruites, 16.000 personnes sans abri, 80% des cultures détruites.
Le chef du département n’a accepté de donner l’alerte que sur l’insistance du responsable de la météorologie, M. Foissy, alors que le cyclone était déjà sur l’île, avec des vents qui n’ont pas tardé à souffler à 250 km à l’heure.
Imagine-t-on un préfet se comportant ainsi en France devant l’imminence d’une catastrophe ? Et cela, sans encourir la moindre sanction ?
C’est un tel préfet, dont la vie privée a été par ailleurs jalonnée de scandales, que le gouvernement Debré a élevé au grade de commandeur dans l’ordre de la légion d’honneur le 1er janvier 1962 .

Eugène Rousse

(à suivre)


Cependant, l’Histoire a révélé que, du fait de l’existence du statut colonial, nos ancêtres ont continué à subir, avec l’engagisme et la colonisation directe, les conditions de vies héritées du régime esclavagiste. Cela a duré 1 siècle.

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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Messages

  • Bonjour Monsieur,
    Lors de votre réquisitoire sur l’ancien préfet de la Réunion, le défunt Jean Perreau Pradier, vous le rendez responsable de nombreux maux sans jamais en citer les sources ou argumenter autour. C’est pourquoi je vous demande quelques précisions, notamment eu égard aux "scandales" dont sa vie a été jalonnée comme vous l’avancez dans votre article.
    En espérant avoir une réponse bien vite,
    Un lecteur anonyme et curieux.


Témoignages - 80e année


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