Antoinette était également présente au Bocage le dimanche 12 février. Elle aussi avoue avoir été très émue par l’hommage rendu aux anciens par Paul Vergès. "Ah oui, san banna, san zot lutte, nou noré pa la vi maintenan. Mi rappel en 62, nou lavé poin do lo, nou té obligé allé la sours lav linge, nous lavé point rien. Mé kan mis di rien, cé rien. Mem pa un respect pou nout person, a nou, bann pauvre. Nou té obligé lutter. Navé poin daut choi", poursuit Antoinette qui indique que c’est - feue - sa belle-mère Rita qui lui a transmis la fibre militante "Li té plongé dans la politik. Moin la continué. Mi souvien lépok nou té habite Saint-Denis, nou té sava réunion le parti. En ce temps-là, té batay, té sème raket sur chemin. Nous la habite aussi Le Port, té parey. En fait, nous la toujours été ek le Parti. I falé bien débattre et c’est le seul parti té defen lé peti. Li la beaucou fé pou lé vieu, do moun na point rien, rmi, légalité. Si li té lutte pas ek nou é pou nou, nou noré été encore dans la misèr, sa, lé sur. (...) Mi pens lé bien i retien la date du 19 mars. Pou la mémoir, le travay tout do moun la lutté. Pou bann plu jeune i oublie pa nana rien san la lutte, pou que zot i oublie pa traca nous la pass dedan pou èt là ousa nou lé zordi. Et aussi, pou pa do moun i oubli, domin le peu nou nana ce gouverneman la i peu reprendre, alor i fau pa ni baisse la tèt. Ni doi continué. Personnelleman, moin lé fier d’avoir participé un peu lo bann combat".

Ce qu’était la colonie : une mortalité très élevée

À l’occasion des 60 ans de notre journal, l’historien Eugène Rousse avait publié une série d’articles relatant l’état de La Réunion avant l’abolition du statut colonial. En voici un extrait qui montre que quand La Réunion était une colonie, les enfants étaient très nombreux à mourir.

"La Réunion coloniale souffre avant tout de son très mauvais état sanitaire.
De l’examen de l’évolution démographique à La Réunion, il ressort que, sans l’immigration, la population de l’île aurait sensiblement diminué durant tout le 19ème siècle.
L’accroissement naturel de la population ne devient effectif dans la colonie qu’à compter de 1910, d’après le professeur Jean Defos du Rau, auteur d’une thèse de doctorat parue en 1960.
Le taux d’accroissement, très faible pendant la première moitié du 20ème siècle, fait un bond avec la départementalisation intervenue en 1946. Les chiffres qui suivent sont éloquents :
o En 10 ans (de 1936 à 1946), la population a augmenté de 19.000 habitants ;
o Au cours des 10 années suivantes, cette population est passée de 227.000 à 301.000 habitants. Soit une augmentation de 74.000 habitants (presque 4 fois plus forte que pendant la dernière décennie de l’époque coloniale).

À quoi attribuer une aussi forte poussée démographique ?
La progression du taux de natalité y est certes pour quelque chose. Ce taux est passé de 40°/oo (40 pour 1.000) en 1946 à 46,3°/oo en 1957. Mais la cause principale de la croissance démographique réside dans la chute spectaculaire du taux de la mortalité infantile, qui passe de 145°/oo en 1946 à 92,4°/oo en 1956. Signalons que ce taux s’élevait à 268°/oo en 1900 et à 6°/oo en 2001.
Il n’est pas inintéressant de signaler également que le taux de mortalité (c’est-à-dire le rapport entre le nombre de décès au cours d’une année et la population pour la même année), qui était de 24°/oo en 1936, a chuté à 22°/oo en 1946 et à 5,1°/oo en 2001...

"Nous, soussignés, réunis ce dimanche 12 février 2006, au Bocage, à Sainte-Suzanne, saluons la décision prise par les signataires de l’Appel lancé le 19 novembre 2005 de célébrer le vote de la loi du 19 mars 1946".

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.