Les raisons de la fondation de “Témoignages” par le Dr Raymond Vergès - 12 -

Fraude électorale de 1938 : deux maires à Saint-Benoît

19 mai 2004

Après les législatives du 26 avril 1936 à La Réunion, la fraude électorale ne cesse de sévir avec Alexis de Villeneuve, 2ème adjoint du Conseil municipal de Saint-Benoît.

Un autre fait mérite d’être signalé. Il se passe à Saint-Benoît.
Le 15 décembre 1938, en raison du décès du maire Ferdinand Auber, le Conseil municipal de Saint-Benoît doit se réunir à 16 heures à la mairie pour élire un nouveau maire. Le conseil de 27 membres étant complet, suite à une élection complémentaire.
Sur la place de la mairie, après s’être invectivés copieusement devant un public médusé, les conseillers en viennent aux mains. Parmi les blessés figure Alexis de Villeneuve qui se fait soigner sur place. Le pugilat prend fin à 16 heures avec l’entrée dans la mairie d’un groupe de 12 conseillers ayant à leur tête René Gangnant, le 1er adjoint sortant. Les 15 autres conseillers rassemblés autour de de Villeneuve refusent de siéger et poursuivent leurs conciliabules sur la place.
On apprend plus tard que le premier groupe a élu, à 16 heures 10, maire de Saint-Benoît René Gangnant. Il a recueilli 12 voix. Vers 16 heures 20, la salle de délibérations ayant été libérée par le groupe Gangnant, Alexis de Villeneuve est à son tour élu maire, recueillant pour sa part 15 suffrages. Au soir du 15 décembre, Saint-Benoît compte donc deux maires.
Le 20 décembre 1938, après avis de son conseil privé, le gouverneur Court signe un arrêté validant l’élection d’Alexis de Villeneuve.
Ainsi, le gouverneur se permet de se substituer au Conseil du contentieux administratif (l’ancêtre de l’actuel tribunal administratif) pour régler en un temps record le problème bénédictin. En validant l’élection de de Villeneuve, il ne peut ignorer qu’il sort de son champ de compétences et qu’il viole la loi du 5 avril 1884 qui fixe clairement ses attributions.
Il ne reste plus à René Gangnant qu’à attendre l’arrêt du Conseil du contentieux administratif devant lequel il s’est pourvu. Cet arrêt tombe le 25 janvier 1939 : l’élection de René Gangnant est annulée au motif qu’il n’a pas obtenu la majorité absolue des suffrages. La juridiction coloniale n’annule toutefois pas l’élection de de Villeneuve par un conseil incomplet.
La question que tout observateur ne peut manquer de se poser est la suivante : pourquoi de Villeneuve a-t-il été élu maire alors que ce poste devait logiquement revenir au 1er adjoint de Ferdinand Auber ? On est fondé à penser que ce n’est pas sans contrepartie que de Villeneuve renonce sur ces entrefaites à son poste de conseiller général où il est remplacé par Henri Morange à la suite de l’élection cantonale du 15 janvier 1939.

(à suivre)

Eugène Rousse

Raymond VergèsLéon de Lépervanche

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