Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

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La revendication d’un changement de statut en 1959

La longue marche vers la départementalisation de La Réunion - 19 -

samedi 8 avril 2006


Dans les chapitres précédents, Eugène Rousse nous a largement démontré comment, pendant de nombreuses années, les différents gouvernements ont mis des obstacles pour empêcher l’application de loi d’égalité Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946. Aujourd’hui, il nous explique comment, à partir de 1959, le P.C.R. a lutté pour lever ces obstacles dans l’intérêt des Réunionnais. On verra les effets positifs et les réussites de ce combat.


Créée le 30 novembre 1947, la fédération réunionnaise du Parti communiste français (PCF) a mené pendant dix ans - et souvent seule - un combat difficile pour obtenir l’application à La Réunion de la loi du 19 mars 1946.
Force est de constater, en 1958, que ce combat est loin d’avoir produit les résultats espérés, en raison des obstacles mis par les forces conservatrices à l’application de cette loi.
Le même constat est fait en Martinique lors de la naissance, en octobre 1957, du Parti communiste martiniquais (PCM), ainsi qu’en Guadeloupe, à l’occasion de la création, en mars 1958, du Parti communiste guadeloupéen (PCG).

Un avis partagé

L’avis des communistes réunionnais sur les graves conséquences du refus gouvernemental d’appliquer la loi d’égalité est partagé par bien d’autres personnes.
Ainsi, par exemple, le très conservateur "Journal de l’Ile de La Réunion" publie le 23 mars 1959 un article dans lequel il dit craindre le pire "s’il ne survenait, en temps voulu, une prise de conscience de l’atroce misère d’une partie de la population, si le problème social ne prenait pas la première place, si certaines méthodes continuaient à être considérées comme les seules possibles en matière électorale (...)".
Citons également le ministre MRP Robert Lecourt lorsqu’il déclare à Saint-Denis en août 1961 : "Les Réunionnais vivent au-dessous de la misère".
Pour toutes ces raisons, sera mise en avant à La Réunion, comme aux Antilles-Guyane, la revendication d’“autonomie interne”.

Une revendication constitutionnelle

Rappelons qu’il s’agit là d’une revendication parfaitement conforme à la Constitution, dont l’article 7 stipule : "les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d’Outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi".
Il faut toutefois attendre le congrès constitutif du PCR, les 17 et 18 mai 1959, pour que la revendication d’"autonomie interne" soit expressément formulée dans notre île. Une revendication à ne pas confondre avec "l’indépendance", souligne encore une fois Paul Vergès.

1ère saisie de "Témoignages"

Curieusement, l’autonomie - contre laquelle les "nationaux" partiront en croisade trois ans plus tard, et cela pendant près de 20 ans - fait couler à ce moment-là très peu d’encre et de salive. Le préfet Jean Perreau-Pradier lui-même ne semble avoir découvert le caractère soi-disant "subversif" de ce mot que le 30 mai 1961, lorsqu’il fait procéder pour la 1ère fois à la saisie de "Témoignages".
Et pourquoi ? Pour la simple raison que les candidats communistes aux cantonales du 4 juin 1961 ont osé publier dans l’organe de leur parti la phrase suivante : "Les candidats communistes dénoncent le colonialisme et réclament l’autonomie".

Une accusation sans fondement

Pour avoir réclamé l’autonomie de son île, Paul Vergès doit répondre en 1966 à une convocation de la Cour de Sûreté de l’État, qui prétend qu’il "porte atteinte à l’intégrité du territoire national". Cette affaire, démesurément grossie par les "nationaux locaux", déboucha rapidement sur un non-lieu.
Il s’agit en fait d’une accusation dénuée de tout fondement. En effet, il faut savoir que le 25 avril 1964, la Cour d’Appel de Paris avait rendu un arrêt reconnaissant "qu’une action tendant seulement d’obtenir le changement du statut politique dans le cadre du droit public interne serait licite, conformément à l’article 72 de la Constitution".
Il faut savoir aussi qu’au cours d’une tournée entreprise en 1971 aux Antilles-Guyane, le ministre Pierre Messmer devait déclarer : "C’est vous faire injure que d’assimiler votre revendication (gestion par vous-mêmes de vos propres affaires) au séparatisme".

Pour des élections libres

Est-il par ailleurs besoin de souligner que le PCR, de même que le PCM, le PCG et le PSG (Parti socialiste guyanais) n’ont jamais envisagé d’imposer un changement de statut à leurs territoires respectifs ? Ils se sont constamment prononcés pour l’exercice du droit à l’autodétermination et au recours à des élections libres.
Le recours à l’exercice de ce droit a été solennellement proclamé tant dans la résolution finale de Morne-Rouge (en Martinique, le 18 août 1971) que lors de la Conférence de Paris sur l’autodétermination (30 mai 1972). Assistaient à ces deux rencontres une vingtaine de délégations des 4 DOM.
Ce droit à l’autodétermination des populations des DOM et des TOM figure d’ailleurs en bonne place dans le programme commun de gouvernement signé entre le PS et le PCF le 27 juin 1972 à Paris.

La maturité politique des Réunionnais

Il est bon de faire observer qu’en dépit des gros moyens mis en œuvre par nos “nationaux locaux” et du chantage au “largage” auquel ils ont eu recours, le candidat de la gauche, François Mitterrand obtenait à La Réunion 51% des voix à l’élection présidentielle du 5 mai 1974. Les mots "autonomie" et "autodétermination" n’ont pas semblé effrayer outre mesure l’électorat réunionnais.
On peut même affirmer que par leur vote du 5 mai 1974, les Réunionnais ont fait la démonstration de leur maturité politique et semé la consternation dans le camp des "nationaux", inconsolables devant l’affront infligé à leur "Papa Debré".

Eugène Rousse


"Nous, soussignés, réunis ce dimanche 12 février 2006, au Bocage, à Sainte-Suzanne, saluons la décision prise par les signataires de l’Appel lancé le 19 novembre 2005 de célébrer le vote de la loi du 19 mars 1946".

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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