La parole aux acteurs du combat permanent pour faire appliquer la loi Vergès-Lépervanche

Laurent Vergès : ’Dans les DOM, ce sont toujours les plus pauvres qui payent’

17 février 2006

En abolissant le statut colonial, la loi du 19 mars 1946 ouvrait la voie à l’égalité de traitement entre les citoyens des départements d’Outre-mer et les métropolitains. C’est d’ailleurs essentiellement pour cela que les Réunionnais se sont rassemblés autour de Raymond Vergès et de Léon de Lépervanche afin de faire voter cette loi.
Mais il a fallu se battre pendant plus de 50 ans pour que ce texte soit appliqué, du moins sur le plan de l’égalité sociale individuelle. Parmi les acteurs de ce combat, il y a Laurent Vergès. On lira ci-après de larges extraits du discours qu’il devait présenter devant l’Assemblée nationale le 13 octobre 1988 pour réclamer l’égalité entre le RMI de La Réunion et celui de France. Malheureusement, il était décédé la veille, suite à un accident de la circulation survenu le 7 octobre sur la route littorale.
Rappelons que la bataille continue contre les discriminations, en particulier la lutte pour l’égalité collective entre les Réunionnais et les métropolitains.

"La première grande loi sociale que le gouvernement doit mettre en œuvre ne doit pas - dans les Départements d’Outre-mer - être marquée du sceau de l’inégalité.
Concernant les DOM, c’est à plusieurs reprises que le Président de la République s’est publiquement prononcé en faveur de l’Égalité.
Le 26 avril dernier, il déclarait, sur le parvis de la mairie des Abymes, en Guadeloupe : "L’Égalité, cela doit être entrepris avec énergie. C’est dans les moyens de la France".
Sur la base de cet engagement, Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais et Réunionnais portaient massivement leurs suffrages sur le nom de François Mitterrand.

Il est de notre devoir aujourd’hui d’appliquer ce principe d’Égalité en le faisant entrer dans la vie concrète des familles des Départements d’Outre-mer.
Ne pas satisfaire à cette puissante aspiration à l’Égalité signifierait alors qu’il existerait une profonde contradiction entre le discours et la pratique. Cela signifierait également la perpétuation d’un système discriminatoire qui dure depuis plus de 40 ans. Discriminations qui font que, dans les DOM, ce sont toujours les plus pauvres qui payent, les plus défavorisés qui se voient refuser les modestes moyens d’accéder à une élémentaire dignité.
Perpétuer cette inégalité serait légaliser l’injustice. Perpétuer cette inégalité serait tenter de faire fi du combat engagé - voici 40 années - par Raymond Vergès, Aimé Césaire et tous leurs amis.

(...) Ce débat sur l’application du Revenu minimum d’insertion permet d’évoquer également les problèmes de la protection sociale dans les DOM, de la situation de l’emploi, de la nécessaire revalorisation du SMIC, des importantes disparités entre les revenus, du déséquilibre de la balance commerciale, des moyens à mettre en œuvre pour favoriser l’investissement sur place des capitaux, etc., en un mot, une accumulation d’incohérences et de contradictions.
Cette situation existe sans le RMI. Mais il serait inadmissible de suivre la tradition selon laquelle, chaque fois qu’il est question d’étendre aux DOM le bénéfice de telle ou telle disposition, aussitôt lui sont opposés des problèmes préexistants et dont la solution ne dépend nullement de l’application ou pas de cette disposition ; en l’occurrence aujourd’hui le Revenu minimum d’insertion.

Eh bien, ces problèmes de fond, nous devons avoir le courage de les affronter enfin.
Dans les 12 mois qui viennent, nous disons au gouvernement qu’il faut que nous mettions en œuvre les instruments de l’indispensable révision globale que, dans les DOM, tout le monde attend.
C’est dans ce but que nous renouvelons ici notre proposition d’organiser dans nos pays des Assises du Développement chargées d’élaborer des solutions de nature à nous placer enfin sur la voie du développement. Et ce sont ces solutions qui seraient ensuite proposées au gouvernement et discutées afin qu’elles entrent dans les faits.
Ainsi serait appliqué à nos pays un processus analogue à celui qui est intervenu en Nouvelle-Calédonie : amener tout d’abord Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais et Réunionnais à s’entendre respectivement entre eux sur des solutions d’avenir avant d’en discuter avec le gouvernement et d’en organiser ensemble l’application.

Il faut sortir de l’ère de l’assistance et entrer dans celle de la responsabilité et du partenariat.
Nous voulons croire que le processus proposé sera effectivement mis en œuvre dans ce délai d’un an. Tous, nous devons savoir que, passé ce délai, si rien n’avait changé, alors la déception serait à la mesure des immenses espoirs massivement exprimés au cours de ces derniers mois.
Nous-mêmes serions alors, et comme toujours, du côté des victimes".


“Cependant, l’Histoire a révélé que, du fait de l’existence du statut colonial, nos ancêtres ont continué à subir, avec l’engagisme et la colonisation directe, les conditions de vies héritées du régime esclavagiste. Cela a duré 1 siècle.”

Extrait de "Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou" :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février 2006 à Sainte-Suzanne.

Raymond VergèsLéon de LépervancheLaurent Vergès

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