La longue marche vers la départementalisation de La Réunion - 11 -

Le combat des Réunionnais pour le respect des libertés

30 mars 2006

Dans les précédents articles sur la longue marche des Réunionnais pour faire appliquer la loi d’égalité Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946, Eugène Rousse nous a notamment présenté les dures batailles qu’il a fallu mener pour l’alignement du SMIC, des allocations familiales, de l’indemnisation du chômage et des autres prestations sociales de La Réunion sur celles de France. Aujourd’hui, l’historien évoque un autre type de combat pour faire appliquer les principes de la République : celui pour faire respecter les libertés publiques et les droits humains dans une société de type totalitaire.

Au cours des décennies qui ont suivi le vote de la loi du 19 mars 1946 et singulièrement après le vote de la Constitution du 4 octobre 1958, on assiste à La Réunion à une volonté de priver les communistes et leurs sympathisants de tout moyen d’expression.
Dès 1949, la droite majoritaire après le scrutin du 9 octobre décide d’exclure les communistes et apparentés de toutes les commissions de l’assemblée départementale. Ils resteront frappés par une telle mesure jusqu’en 1988. En séance plénière, ils ne peuvent donner leurs points de vue sur d’importants dossiers, comme l’envoi de 136 familles réunionnaises à la Sakay (à Madagascar) en 1952, ou l’implantation de la route dite “en corniche” en 1954, dont nous payons encore aujourd’hui très lourdement les conséquences.

Paroles interdites

Lors de l’examen de ce dernier dossier, le président Roger Payet n’hésite pas à sommer le conseiller général communiste Henri Lapierre de se prononcer pour ou contre le projet de l’administration, en le privant de la possibilité de donner son avis, ni avant, ni après le vote.
Lorsqu’éclate en 1957 le scandale de l’AMG (Aide médicale gratuite), c’est le préfet Jean Perreau-Pradier qui se permet de couper brutalement la parole à Paul Vergès, conseiller général de Saint-Paul.
La même année, à l’occasion d’une mission à Paris d’une délégation du Conseil général, Jean Perreau-Pradier est irrité de l’initiative du député Raymond Mondon de se joindre à la délégation ; il déclare au moment des présentations dans les ministères : "Le député Mondon s’est invité lui-même".

Fraude électorale à grande échelle

Mais le meilleur moyen d’affaiblir l’audience des communistes aux yeux des gouvernants et de leurs soutiens, c’est de les priver de tout mandat électif. On assiste alors - et cela dès 1949 - au recours à la fraude électorale à grande échelle.
Ces fraudes sont sanctionnées parfois par les juridictions administratives. Ainsi, les scrutins sont annulés dans les communes de Saint-Denis, de Saint-Louis, de L’Étang-Salé et de L’Entre-Deux après les Municipales du 26 avril 1953.
Toutefois, ces fraudes et autres violations grossières du code électoral ne sont jamais sanctionnées par la juridiction pénale. Celle-ci apporte ainsi sa caution au non-respect du suffrage universel et des lois de la République.

Croisade anticommuniste

Pendant près d’un quart de siècle, les “départementalistes” - muets comme des carpes jusqu’en 1960, lorsque le gouvernement refusait d’appliquer à La Réunion les lois françaises - s’engagent dans une croisade anticommuniste. Celle-ci aboutit à priver les Réunionnais de la liberté de choisir leurs élus.
Mais il est aussi arrivé aux adversaires de l’égalité et de la liberté d’échouer dans leur entreprise machiavélique. Ce fut le cas par exemple aux élections législatives de 1956, aux cantonales de 1967 (à Saint-Paul) et aux municipales de 1971 (au Port, à La Possession, à Saint-Louis et à Saint-Philippe). Ces échecs des ultra-conservateurs étaient dus au rassemblement, à la mobilisation et à l’extrême vigilance des démocrates.

Eugène Rousse

(à suivre)


En effet, nous célébrons déjà le 20 décembre 1848, date anniversaire de l’abolition de l’esclavage qui a permis à plus de 60.000 esclaves de sortir de leur statut d’objet, et d’être, enfin, reconnus comme des êtres humains.

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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