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par le Dr Raymond Vergès

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’Le début de la décolonisation officielle de notre île’

La Réunion sous la 4ème République, entre Colonie et Département

jeudi 20 octobre 2005


Aujourd’hui s’achève un colloque fort intéressant sur une transition capitale dans l’histoire de La Réunion. Le 19 mars 1946, La Réunion devient Département français d’Outre-mer, en même temps que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. La France intègre ses 4 vieilles colonies.


Plusieurs historiens, géographes et économistes restituent leurs travaux sur la période 1946 à 1958. La Réunion laisse derrière elle son système colonial pour devenir Département français. Les spécialistes, durant 2 jours, font la lumière sur la réalité de cette transition. Du statut de Colonie à celui de Département, 12 ans ont été nécessaires pour concrétiser cette idée d’égalité sociale. 12 ans d’attente seront nécessaires pour que la population réunionnaise, la plus nécessiteuse, ressente “partiellement” les avancées économiques, sociales et sanitaires, certes notables, pour notre pays. "De 1946 à 1958, la départementalisation se met en place doucement", note le géographe, Wilfrid Bertile. La Réunion vivra ses plus profondes mutations. "Ces 12 ans, c’est le début de la décolonisation officielle de l’île", déclarera Paul Vergès, président de la Région Réunion. Peut-on en effet aussi facilement effacer les conséquences de l’esclavage, de l’engagisme et du colonialisme ? Nous y œuvrons sûrement encore.

Une bataille politique

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la colonie réunionnaise, inégalitaire, paupérisée, est profondément rurale et régentée par la monoculture sucrière, qui profite aux riches propriétaires terriens. La misère touche à peu près 80% de la population réunionnaise, vivant dans des conditions sanitaires alarmantes, sous-nourries. 53% des terres “fertiles” appartiennent à 45 gros propriétaires. 11% des foyers ont l’électricité, 22% l’eau courante. Les lois françaises n’atteignaient que faiblement, sinon jamais, les côtes coloniales réunionnaises. La Réunion essuie alors un retard structurel affligeant.
Alors que gaullistes et vichystes s’affrontent, le mouvement syndical se reconstruit. Le 11 mars 1945, le Comité républicain d’actions démocratiques et sociales, le CRADS, est créé, rassemblant la classe ouvrière, la petite bourgeoisie de service - autrement dit les fonctionnaires - et les planteurs. On retrouve par ailleurs toutes les tendances politiques. Des Réunionnais connus pour leur appartenance à la droite, tels que Roger Payet, Fernand Collardeau et Roger Serveaux, mènent la lutte aux côtés de Raymond Vergès, Léon Lépervanche et Evenor Lucas. Tous veulent mettre à bas "la misère coloniale". Le CRADS s’investit en politique, enlève 12 communes aux municipales du 27 mai 1945, obtient 22 sièges sur 36 au Conseil général, le 7 octobre de la même année. Le 21 octobre, Raymond Vergès et Léon Lépervanche gagnent les législatives, et leurs sièges à l’Assemblée constituante. "Pour sortir du régime des décrets et bénéficier des lois françaises, il fallait que nous soyons Départements", explique Paul Vergès. Le 19 mars 1946, un autre combat est gagné. Les 4 vieilles colonies deviennent Départements français.

Quelques avancées...

Le recensement général de population du 1er juillet 1954 à La Réunion permet de jauger les concrétisations de la départementalisation, selon René Squarzoni, professeur de Sciences de l’éducation. Certes, le secteur primaire occupe encore 55% de la population active. Il faut attendre les années 1970 pour noter un virement de tendance, avec 60% de la population active affairés dans le secteur tertiaire. On peut toutefois noter une nette augmentation de la production de canne à sucre. 106.000 tonnes en 1950, 175.000 en 1954, 193.000 en 1956. La Réunion compte 14 usines sucrières. Les planteurs pour la première fois se voient rémunérer pour la richesse en sucre, qui, comme le tonnage, est au rendez-vous. "La croissance économique est portée par l’ensemble des secteurs d’activité, de 1952 à 1957", indique Hai Quang Ho, maître de conférences d’économie. La départementalisation n’était pas souhaitée par tous. Moult gros propriétaires avaient manifesté leur ferme opposition au changement de statut. Mais force est de constater qu’ils ont su adapter leur stratégie économique à cette mutation institutionnelle.
"La départementalisation fait de l’État, un acteur économique de la croissance économique", continue-t-il. La Réunion voit disparaître son chemin de fer, privilégiant le réseau routier. La Réunion, aidée par l’État, s’équipe en bâtiment public, installe les administrations. L’éducation reste l’enfant pauvre, sous la 4ème République, à La Réunion, générant parfois le surpeuplement des classes. Il faudra attendre les années 1980 pour que le bâti scolaire soit boosté.

Situation sanitaire

La situation sanitaire évolue doucement. Entre 1952 et 1956, les Réunionnais assistent à la construction des hôpitaux de Saint-Joseph, de Saint-Pierre et de Saint-Louis. Le CHD de Bellepierre, livré en 1957, est l’hôpital le plus moderne de l’océan Indien. Pourtant, la population réunionnaise reste dans un état de misère. Le paludisme, la malnutrition continuent de faucher des vies. La croissance démographique est pourtant fulgurante. Les femmes réunionnaises ont en moyenne 7 enfants. Plusieurs familles comptent, c’est à qui 12, c’est à qui 20 enfants. Et un constat : on n’arrive pas à nourrir “toute” la population réunionnaise. "Bonpé té i manz banane èk la po", lance Sudel Fuma, lors de son intervention. C’est un comble, en effet, quand on sait que, pourtant, de 1938 à 1958, la consommation de riz et de viande a augmenté. Mais bon nombre de familles réunionnaises vivent sous le seuil de pauvreté. Et d’indiquer : "La mémoire orale garde en mémoire ses années difficiles, et les Réunionnais qui ont vécu cette transition racontent, décrivent leur quotidien".

Bbj


Plus de 100 personnes

Nous ne pouvons que féliciter les 10 doctorants qui ont organisé ce colloque "La Réunion sous la 4ème République, entre Colonie et Département", à l’occasion du 60ème anniversaire de l’élection de Raymond Vergès et de Léon Lépervanche. Hier, la salle Vladimir-Canter était comble. Plus d’une centaine de personnes y étaient présentes. Étudiants, chercheurs, enseignants, élus et lycéens ont répondu à cette invitation. Des lycéens de Vincendo ont même fait le “long” chemin pour participer à la 1ère journée de session. Aujourd’hui, vous êtes tous invités à participer à ce colloque, ouvert dès 8h45, à la salle Vladimir Canter, au campus universitaire du Moufia.


Aujourd’hui : “La Réunion : une île politique”

Dans l’édition de demain, nous nous pencherons davantage sur le contexte politique de la départementalisation, et les ravages du cyclone Jean Perrault-Pradier. Dès 8 heures 45, les chercheurs traiteront du thème “La Réunion : une île politique”.


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