Le témoignage de Louis Séry, 87 ans, un militant du Tampon

Léopold se souvient

11 février 2006

Marie-Hélène Berne a fait parvenir à “Témoignages” quelques souvenirs d’un militant du Tampon qui a été un acteur de la décolonisation de La Réunion à travers le statut de département. Il a notamment été délégué du docteur Raymond Vergès aux élections de novembre 1946.

Louis Séry, qu’on appelle tout le temps Léopold, habite au Tampon dans un petit chemin au 14ème km, une jolie maison créole blanche aux volets verts ; comme il fait chaud en cet après-midi du 9 février, il nous fait asseoir sous la tonnelle de raisins "Isabelle". Là, il fait bon et on entend roucouler les inséparables qui sont dans une cage à côté de nos sièges. Sans se faire prier, Léopold raconte et remonte le temps.

"Je suis né le 11 juin 1918 au Tampon. En 1939, j’ai été mobilisé et me suis retrouvé à Fréjus. Après l’armistice, le bateau qui me ramenait avec 300 Malgaches et 300 Réunionnais a été capturé par les Anglais le 1er mars 1941 et on est resté prisonniers sur une île au large du Cap pendant 28 jours puis on est retourné à La Réunion sur un bâtiment portugais de 3.000 tonnes. Ce fut un voyage éprouvant car on dormait à terre dans les cales.
J’ai failli repartir en Extrême-Orient en 1944, mais je souffrais de fortes fièvres et je suis resté à La Réunion. La vie était dure, c’était le régime colonial, tout ce qui nous était nécessaire s’obtenait avec les tickets, le pain comme le tissu. Il fallait faire des heures de queue pour se nourrir, on se relayait et quand notre tour arrivait, il ne restait parfois plus rien car les privilégiés passaient par derrière et se servaient avant nous.
J’étais pour la départementalisation car j’avais le cœur à gauche comme ma mère, qui était du côté des “blocards” (de gauche) et pas des “requins” (de droite). Bien sûr, elle n’avait pas encore eu le droit de voter.
C’est elle qui m’a appris à lire, écrire et compter pendant les jours de pluie car par beau temps, j’étais dans les champs avec mon père et ma petite pioche.

Aucune loi sociale n’était appliquée

Nous aspirions à devenir des Français à part entière et ne voulions plus être des Français entièrement à part... Aucune loi sociale n’était appliquée ici...
Je me souviens d’un meeting avec Léon de Lépervanche au Tampon. Il a parlé dans un carreau de chiendents en face de la Sica-lait.
En novembre 1946, j’ai été délégué de Raymond Vergès aux élections générales et j’étais très fier de le représenter dans un bureau de La Plaine des Cafres. Mon suppléant est parti à 15 heures car il avait peur. Certains électeurs refusaient de passer dans l’isoloir, les colons tremblaient en voyant le gérant du gros propriétaire dans le bureau de vote....
Les grandes communes étaient dans nos mains et le docteur Vergès a été élu maire de Saint-Denis et de Saint-André... C’était un homme simple qui buvait le café assis sur un petit tabouret au milieu des gens, on l’appelait “Papa Vergès”.

J’ai vécu avec peu d’argent

À cette époque, on se déplaçait beaucoup à pied et on n’avait pas peur de faire plusieurs kilomètres pour assister à une réunion politique.
Ensuite, Debré qui n’avait aucune chance d’être élu en France s’est fait élire député ici. Avec le préfet Jean Perreau-Pradier, il a fait dissoudre toutes nos municipalités, c’était la fraude organisée et la population a vu ses votes bafoués.
L’égalité sociale a mis longtemps à vraiment s’installer, la droite a toujours voulu freiner l’application totale des lois françaises. J’ai vécu avec peu d’argent, qu’il fallait bien gérer pour finir le mois et le minimum vieillesse est à peine suffisant. Maintenant, je me déplace difficilement et je ne pourrai pas participer au rassemblement du 12 février, ce qui est bien dommage".

Eh oui, nous aussi trouvons qu’il est dommage que Léopold, dont la mémoire est encore bien vivace, ne puisse se rendre à Sainte-Suzanne pour y retrouver tous ceux et celles qui ont été les acteurs authentiques de ce grand moment qu’a été la départementalisation.

Marie-Hélène Berne


Pas d’inquiétude au sujet des moustiques

Jean-Max Hoarau, une des chevilles ouvrières du rassemblement des vétérans communistes réunionnais organisé ce dimanche à partir de 10 heures à Sainte-Suzanne, tient à rassurer tous les participants : il n’y a pas d’inquiétude à avoir au sujet des moustiques.
Tout d’abord, la commune de Sainte-Suzanne a mené déjà plusieurs opérations de démoustication pour protéger la population.
Ensuite, le site du Bocage Lucet Langenier a été démoustiqué au milieu de cette semaine et de nouveau ce samedi matin.
Enfin, demain, dans toute la salle du rassemblement, il y aura des répulsifs à la citronnelle et divers produits seront mis à la disposition des participants pour éviter qu’ils soient piqués.
Donc, à toutes et à tous, bienvenue demain à Sainte-Suzanne pour ce rassemblement très important dans notre histoire.


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