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par le Dr Raymond Vergès

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Les succès de la revendication d’autonomie

La longue marche vers la départementalisation de La Réunion - 20 -

lundi 10 avril 2006


Samedi dernier, Eugène Rousse nous a expliqué comment, à partir de 1959, le P.C.R. a lutté pour lever les obstacles à l’application de la loi d’égalité Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946. Parmi ces combats, il a mis en avant la revendication de l’autonomie. Malgré la répression et la fraude électorale ayant marqué la vingtaine d’années qui a suivi, cette lutte des communistes et des autres démocrates a-t-elle été payante pour La Réunion et les Réunionnais ? Voici la réponse de l’historien.


La question que chacun ne peut manquer de se poser est la suivante : la revendication d’autonomie a-t-elle accéléré ou freiné le processus de départementalisation ?
Lors du débat du 14 mars 1946 à la Chambre des députés, le ministère des Finances n’avait pas caché que, pour des raisons budgétaires, il était difficile "d’appliquer aux 4 territoires intéressés la législation française".
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner de la faible progression - ou même de la diminution - des transferts financiers publics de la métropole vers La Réunion au cours de la décennie 1950. Voyons le tableau de ces transferts publics pour cette période. Exprimés en francs lourds.
1952 : 18,5 millions
1955 : 34,8 millions
1956 : 49,3 millions
1957 : 44 millions
1958 : 32,7 millions
1959 : 35 millions
1960 : 132,5 millions

Une chute sensible

De l’examen de ce tableau, il ressort que les transferts publics ont chuté sensiblement en 1957, 1958 et 1959. La honteuse et ruineuse guerre d’Algérie est certainement en partie responsable de cette baisse. En partie seulement, car dès le mois de décembre 1956, le gouvernement avait annoncé son intention de réduire de 12% sa participation aux dépenses de l’AMG (Aide médicale gratuite) et de l’aide sociale dans les DOM (Départements d’outre-mer), en raison des vols qui y ont été commis.
À la tribune du Palais-Bourbon, le ministre de la Santé signale qu’un médecin de La Réunion prétend avoir examiné le 22 avril 1955 pas moins de 203 malades. Ce praticien a donc dû, en consacrant 7 minutes à chacun de ses patients, travailler pendant 24 heures, sans observer la moindre pause.

L’État complice du pillage des fonds publics

Lorsque cette scandaleuse affaire est examinée par le Conseil général en séance publique le 2 mai 1957, le préfet Jean Perreau-Pradier, président de la Commission départementale de Contrôle de l’aide médicale, ainsi que les 3 conseillers généraux qui en font partie ne paraissent pas particulièrement surpris par les mesures gouvernementales. Tout indique qu’ils étaient parfaitement au courant des abus commis par ce médecin.
Le préfet avait donc le devoir de suspendre, voire de radier ce dernier du service de l’aide médicale. Mais il s’est bien gardé de le faire.
Aussi, le conseiller général de Saint-Paul, Paul Vergès, dénonce-t-il avec force les magouilles, les malhonnêtetés dont les victimes sont les plus pauvres de nos compatriotes.
Le préfet n’hésite pas à lui couper brutalement la parole en s’écriant : "La justice est saisie". En fait, tout porte à croire qu’aucune information judiciaire n’a été ouverte. Cela montre jusqu’à quel point l’appareil d’État a été complice du pillage des fonds publics.

Une lutte payante pour La Réunion

En 1960, année qui suit la naissance du PCR et sa revendication d’un changement de statut, les transferts publics progressent de 266%. Ces crédits vont désormais poursuivre leur courbe ascendante pour se chiffrer à 1 milliard 813,8 millions de francs en 1975, 4 milliards 138 millions en 1981 et 13 milliards 116 millions en 1991.
Mais plus qu’à la masse de crédits, c’est au pourcentage du PIB (Produit intérieur brut) de l’île que ces crédits représentent, qu’il nous faut nous arrêter.
En 1959, les transferts publics représentaient 7,1% du PIB ; 10 ans plus tard, ils représentaient 35,4% du PIB.
Ces dernières années, ces transferts publics ont représenté en moyenne quelque 40% du PIB de La Réunion.

Un "climat d’angoisse" pas toujours "bénéfique"

Autre question que tout Réunionnais est fondé à se poser : "Michel Debré est-il l’homme providentiel, sans lequel La Réunion n’aurait pas obtenu les transferts publics lui permettant de s’équiper et d’améliorer les conditions de vie de sa population ?".
Il est permis d’en douter lorsque l’on examine les progrès réalisés dans les autres DOM et la courbe toujours ascendante des transferts publics à La Réunion après 1981, alors que l’ancien Premier ministre n’était plus en mesure de jouer qu’un rôle très minime sur la scène politique.
Ce qu’il est par contre possible d’affirmer sans risque de se tromper, c’est qu’en laissant se creuser un fossé entre soi-disant "nationaux" et "séparatistes", Michel Debré s’est rendu responsable de la fragilisation de la cohésion sociale dans notre île. Et l’historien Gilles Gauvin a raison d’affirmer que "le climat d’angoisse volontairement entretenu pour réussir à mobiliser la population contre l’autonomie n’a pas eu que des effets bénéfiques au plan économique".

 Eugène Rousse 

(à suivre)


"En effet, nous célébrons déjà le 20 décembre 1848, date anniversaire de l’abolition de l’esclavage qui a permis à plus de 60.000 esclaves de sortir de leur statut d’objet, et d’être, enfin, reconnus comme des êtres humains".

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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