Vétérans du PCR pour la commémoration du 19 mars

Pour transmettre la mémoire et le sens de nos luttes

13 février 2006

Le bocage de Sainte-Suzanne a accueilli hier le rassemblement de quelque 1.200 vétérans des luttes anti-colonialistes menées à La Réunion avant et après le vote de la loi du 19 mars 1946 qui a fait, de notre ’vieille colonie’, un département français.
À l’approche du 19 mars, la Direction du PCR a voulu rappeler le rôle déterminant joué par ce parti politique dans les transformations économiques, politiques et sociales de ces 60 dernières années, en honorant ceux qui en ont été les acteurs.

Ce 19 mars 2006, la loi connue à La Réunion sous le nom de “loi Vergès-Lépervanche” (2 députés communistes réunionnais), aura 60 ans. Cette loi, présentée devant l’Assemblée constituante d’après-guerre par les députés de l’Outre-mer français, visait à transformer les territoires de la première colonisation - celle issue de l’ouverture des grandes voies maritimes et du “colbertisme” - en département français de plein exercice.
Dans le grand élan de la Libération, elle a été adoptée à l’unanimité. L’histoire de sa mise en application a façonné l’histoire politique contemporaine de La Réunion et, à l’approche du 60ème anniversaire, le PCR lance un appel pour faire du 19 mars "une date commémorative aussi importante que le 20 décembre", qui célèbre à La Réunion l’abolition de l’esclavage (1848). Le lien entre ces 2 événements majeurs dans la courte histoire réunionnaise devait d’ailleurs être souligné par Paul Vergès, vétéran s’il en est de toutes les luttes anti-colonialistes et président de la Région - l’Éxécutif réunionnais - depuis 1998.

25 bus pleins

Les anciens - de 65 à près de 95 ans - sont arrivés de toute l’île, en bus ou par covoiturage. Les sections du PCR avaient réservé 25 bus pour l’occasion, tous pleins.
"C’est une décision du secrétariat élargi, validée par le comité central, qui a donné le feu vert aux sections pour une recherche, dans toute l’île, de ceux qui ont vécu dans les rangs du PCR, les plus grandes batailles de ces 60 dernières années", explique Sylvie Mouniata, chargée avec d’autres de l’organisation de la rencontre.
Arrivés avant 10 heures, les participants se sont regroupés dans l’enceinte du stade du Bocage, où les attendaient des tentes et d’immenses tablées dressées pour le repas de midi.
Ils ont été accueillis par quelques mots de bienvenue de Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne qui, bien que “chikungunyé”, a tenu à être présent et à leur présenter celui qui allait présider la rencontre, Roland Robert, “doyen” communiste des maires de La Réunion, élu à La Possession sans discontinuer depuis 1971.
Le maire de la commune d’accueil n’était pas le seul à avoir subi un assaut “aérien”, et un certain nombre d’anciens sont, comme lui, venus malades. Dans les sections, les organisateurs ont aussi constaté qu’une centaine de vétérans a dû renoncer à venir, pour la même raison, leurs symptômes étant plus violents.
Mais pour des hommes et des femmes qui ont connu la situation sanitaire de la colonie, les dégâts du chikungunya restent assez marginaux. Ils viennent juste très opportunément rappeler à tous que, même après 60 ans de transformations, il ne faut jamais baisser la garde.
Les anciens ont pris place sous les tentes pour écouter les allocutions des dirigeants du PCR (voir ci-après l’intervention d’Élie Hoarau et Paul Vergès).

"Aucune réforme n’a autant transformé La Réunion"

Le sens de cette rencontre a été plus profondément explicité par Élie Hoarau, secrétaire général du PCR, et par Paul Vergès, co-fondateur en mai 1959 de ce parti qu’il a dirigé comme secrétaire général jusqu’en 1992, puis présidé de 1992 à 2003.
Ce rassemblement des vétérans communistes est la contribution du PCR à l’appel lancé en novembre 2005 par des membres de la société civile et traduit la volonté, constante dans le mouvement communiste réunionnais, d’œuvrer à la construction d’un rassemblement politique majoritaire des forces vives du pays. C’est ce rassemblement, constitué depuis les années du Front populaire et baptisé C.R.A.D.S à la Libération, qui a remporté les victoires politiques de l’après-guerre et permis le vote de la loi du 19 mars, a rappelé Paul Vergès. "Aucune réforme n’a autant transformé La Réunion que le 19 mars 1946", a dit le président de l’Alliance (la majorité politique à la Région). "Sans cette loi, nous serions aujourd’hui comme les Comores ou comme Wallis et Futuna".

 "Tout a été arraché par la lutte" 

Encore a-t-il fallu se battre durement pour obtenir l’application de la loi. Dans les luttes contre les tenants de l’ancienne société, les communistes réunionnais se sont révélés des combattants émérites. "Tout a été arraché par la lutte", a rappelé Élie Hoarau, après une évocation des principales batailles qui ont marqué la sortie du statut colonial. "C’est ce combat qui a donné au PCR ses lettres de noblesse", a-t-il ajouté. L’ensemble de son intervention visait à faire la différence entre une action politique simplement inscrite dans son temps - et destinée à passer avec lui - et une action politique "qui transcende les générations parce qu’elle est puisée à l’histoire du pays". Parmi ces invariants de l’action politique réunionnaise, le secrétaire général du PCR a évoqué :

- la soif d’égalité ;

- le besoin d’exister en tant que Réunionnais, dans une construction identitaire complexe et indispensable ;

- la volonté des Réunionnais de conduire eux-mêmes leur destinée par la conquête de compétences nouvelles ;

- le désir d’ouverture au monde.

À son époque, et dans le contexte ouvert par le vote de la loi de 1946, le PCR a su répondre aux exigences des luttes et proposer des objectifs adaptés. La plupart de ces axes de nos combats d’hier sont aujourd’hui reconnus, appuyés et soutenus par une très large majorité de Réunionnais. "Ce qui a guidé les communistes depuis le début continue à nourrir sa réflexion", a conclu Élie Hoarau.

Continuité historique

Paul Vergès a développé des arguments montrant en quoi cette réunion des vétérans du PCR peut éclairer les prochaines commémorations du 19 mars, discréditant par avance ceux qui seraient tentés de reprendre les outrances anti-communistes du passé. Il a rappelé toutes les répressions qui se sont abattues sur les syndicalistes (pendant la guerre, notamment, de 1940 à 1943), puis sur les militants communistes, avant et après la constitution d’un parti communiste autonome en 1959. Le contexte de l’après-guerre a nourri dans l’île une réflexion inspirée de l’ensemble des luttes anti-colonialistes de l’époque - Sétif (1945), Haïphong (1946) et Madagascar (1947), entre autres - pour déboucher sur la question : “Comment trouver une voie réunionnaise de décolonisation ?”
Le mot d’ordre de “département français” surgi dans les vieilles colonies, a eu ici des adversaires acharnés - contre l’arrivée de la sécurité sociale, contre l’impôt sur le revenu, contre la retraite des vieux, etc... Et ce sont les retards mis à l’application de la loi de 1946 qui ont accéléré le processus de revendication de “l’autonomie” portée par le PCR à sa création : "pour dénoncer une départementalisation truquée", a dit Paul Vergès en rappelant que ces fraudes se sont généralisées dès les années 50. Il a aussi fait comprendre pourquoi, à La Réunion, le clivage “droite-gauche” n’a aucune chance de permettre l’émergence d’un front majoritaire, toutes les victoires arrachées par les luttes qu’inspiraient les communistes réunionnais ayant été combattues à l’époque par tous les gouvernements - de “droite” comme de “gauche”. C’est notamment un gouvernement socialiste qui, ayant pris ombrage du succès des communistes réunionnais en 1956, a envoyé le préfet Perreau-Pradier...
Ce qui permet d’inscrire les luttes des Réunionnais dans une continuité historique et de renforcer la légitimité d’un projet politique porté par une très large majorité de Réunionnais, c’est un dialogue et une transmission transgénérationnels, a estimé Paul Vergès en prenant ses exemples dans le contexte de la mondialisation actuelle.
Dans ce contexte, a-t-il dit, les mots d’ordre d’“égalité” et d’“identité” - "Nou lé pa plis, nou lé pa moins, rèspèkt anou" disait le défunt Laurent Vergès - sont "plus que jamais révolutionnaires"... pas seulement à La Réunion.
Telles sont les réflexions que les communistes réunionnais vont pousser plus avant dans la préparation du 19 mars.

P. David


An plis ke sa

o Un “vétéran” de “L’Humanité”
Le secrétaire général du PCR, Élie Hoarau, a commencé son intervention en saluant la présence, dans l’assistance de Roland Leroy, ancien directeur du journal “L’Humanité”, de 1974 à 1994.

o Collecteurs de mémoire
Dès le début de la rencontre et aussi pendant le repas, une équipe de 13 “collecteurs de mémoire” de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR) s’est répandue dans l’assistance pour recueillir le témoignage de nombreux anciens.

o Concurrence mémorielle
Après le chikungunya, la principale cause de défection à la réunion des anciens du PCR était hier un rassemblement des Anciens combattants à la Plaine des Palmistes.


Solidarité

La famille de la petite Zoé Ourave, 1 an, a lancé lors du rassemblement un appel à la solidarité. La fillette doit être opérée en France du plexus bracchial gauche suite à un accident survenu à la naissance : ses nerfs du bras gauche ont été endommagés pendant l’accouchement et son bras ne répond pas. Une greffe des nerfs est envisagée. Le départ est prévu pour le 22 février prochain. Une assistante sociale de la Caisse de sécurité sociale suit le cas de cette enfant. Le voyage et l’opération de la fillette sont pris en charge, ainsi que le billet d’une personne accompagnatrice. Reste à faire face aux aléas d’un séjour découlant d’une hospitalisation de 3 semaines, au moins.
La famille est de condition très modeste et a lancé un appel à la générosité pendant le rassemblement de dimanche.
Ceux et celles qui veulent aider la petite Zoé et sa maman peuvent contacter le 0692.59.96.95.

Parti communiste réunionnais PCR

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