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par le Dr Raymond Vergès

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Tapioca et manioc au menu quotidien

Louis Blard : un témoin de notre Histoire

mercredi 4 janvier 2006


Dès l’adolescence, Louis Blard, tamponnais de naissance, cultive la terre aux côtés de son père, sa mère, ses frères et sœurs. Puis, il apprend sur le tas le métier de maçon coffreur. Comme Thomas Louis Blard, son père, il a défendu le projet de loi pour que La Réunion devienne département français.


Le 6 mars 1933 à la Plaine des Cafres au Tampon, Léona Fontaine, l’épouse de Louis Thomas Blard, met au monde Louis Blard. La famille écourtera la scolarité du jeune enfant. Ses frères et sœurs iront au champ aux côtés du père. De grand matin avec des guenilles sur le dos en guise de pull-over, ils plantent de la pomme de terre, des poivrons, du géranium. Une à deux fois par mois, la famille achète du manioc. Elle l’enfouit dans la terre afin de le conserver.

Fils d’agriculteur...

Puis, Louis Thomas Blard acquiert un lopin de terre où il élève essentiellement des bovins. Louis Blard et Marceau, son frère, les traient et vendent le lait aux alentours, notamment à André Thien Ah Koon, l’actuel député-maire du Tampon. À cette époque, les parents de cet élu possèdent une cantine ou boutique où les habitants s’approvisionnent "en conserves et riz".
Du bois, Louis Blard en retire du charbon. Il sert pour les besoins des proches et il l’écoule aussi au sein du voisinage.

...puis maçon coffreur

Comme de nombreuses familles réunionnaises, les Blard connaissent une période de vaches maigres au cours de la seconde guerre mondiale. Ils s’alimentent essentiellement de tapioca et de manioc, la denrée incontournable pour les moins lotis. Ils vivent cette situation des années durant, après la fin de cette page tragique de l’Histoire.
Dans les années 50, les Blard déménagent pour le Guillaume à Saint-Paul. Ils continuent à cultiver la terre. Ils élèvent des cochons. "Il fallait surtout les déclarer au garde champêtre", se souvient Louis Blard. Sinon, les propriétaires étaient passibles d’une amende. Il leur arrivait "de saouler les bêtes, puis de les tuer et de distribuer la viande gratuitement avec les voisins", se rappelle-t-il.

Enfin retraité

Ensuite de 1952 à 1991, Louis Blard abandonne la terre pour le bâtiment comme maçon coffreur dans une entreprise privée. Il participe à la construction "de la Sécurité Sociale, de certains immeubles de la SIDR, du Novotel, du Stade Jean Ivoula...".
Depuis 1991, il est retraité. "Heureusement que j’ai gardé précieusement mes certificats de travail", précise-t-il. Avec Marie-Louise, sa bien aimée, il voyage régulièrement à Rodrigue, à Maurice et en France. Par ailleurs, le couple milite depuis toujours auprès des partisans de la départementalisation.

Jean-Fabrice Nativel


"Petit à petit, ma famille a bénéficié des congés payés et des prestations familiales"

Louis Blard se souvient du passage de Léon de Lepervanche et Raymond Vergès au Tampon. "Ils militaient pour La Réunion : Département français et revendiquaient les mêmes droits pour l’ensemble des citoyens de La République", souligne-t-il. "En apprenant la nouvelle le 19 mars 1946, mon père abandonnait sa gratte au champ pour rejoindre le défilé au centre-ville du Tampon", précise-t-il. "Elle doit s’y trouver encore", ironise Marie-Louise.
"Heureusement que j’ai gardé précieusement mes certificats de travail", insiste Louis Blard sur les conseils de son père. Ainsi, il a pu revendiquer ses droits pour bénéficier de la retraite. Du temps de la colonie, "certains employeurs ne déclaraient pas leurs salariés", indique-t-il. "Dans ces conditions, les employés ne peuvent prétendre à une retraite", continue-t-il. Lorsque La Réunion devient Département, il note des avancées au niveau social. "Petit à petit, j’ai bénéficié des congés payés et ma famille des prestations familiales", constate-t-il.

J.-F. N.


19 mars 1946 : la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane départements français

Une loi défendue par les élus des quatre vieilles colonies

Le livre “Loi du 19 mars 1946. Les débats à l’Assemblée Constituante” de la collection “Études et documents”, sous la direction du Collectif 1946-1996 dont l’introduction et la postface sont de Françoise Vergés, explique le contenu de cette loi qui abolit la colonie.

"Aux élections législatives d’octobre 1945, les premières depuis 1940, La Réunion a élu deux députés des Comités républicains d’action démocratique et sociale (CRADS) : Léon de Lepervanche et Raymond Vergès, qui s’inscrivent, lors de la constitution des groupes parlementaires, au groupe communiste. Un projet de loi pour la transformation des vieilles colonies en département français est déposé en janvier 1946. Ces propositions sont défendues par les élus des quatre vieilles colonies, dont quatre inscrits au groupe communiste : Léopold Bissol, Aimé Césaire, Léon de Lepervanche et Raymond Vergès.

Un rapport adopté à l’unanimité

La demande d’émancipation se fait devant l’Assemblée constituante, élue le 21 octobre 1945, au lendemain de la Libération (...). Des centaines de propositions de loi sont déposées devant l’Assemblée constituante. Parmi elles, les propositions n°295 (séance du 17 janvier 1946) et n°412 (séance du 12 février 1946) “tendant au classement comme département français” des quatre vieilles colonies. Ces propositions seront discutées à la Commission des territoires Outre-mer, constituée le 29 novembre 1945.

Nomination du premier Préfet, Paul Demange

Aimé Césaire, député de la Martinique, membre du groupe communiste à l’Assemblée, en est le rapporteur. Son rapport général est présenté à la Commission des territoires Outre-mer, le 26 février 1946 (...). Le rapport est adopté à l’unanimité par ladite commission le 8 mars. Il sera repris devant l’Assemblée le 12 mars 1946. Le texte de la proposition de loi est finalement adopté le 14 mars 1946. Le statut de colonie est enfin aboli. Le journal “Témoignages” titre en pleine page : “Réunion : Département français !”. “Le Progrès” du 18 mars publie un télégramme de Raymond Vergès et de Léon de Lepervanche adressé au gouverneur intérimaire Beyris : "Honneur annoncer Réunion Département".
Henri Lapierre, maire adjoint de Saint-Denis, appelle la population à fêter "cet événement qui a pour nous une valeur historique". Un défilé dans les rues de la capitale est organisé (...). Le premier Préfet, Paul Demange, arrive."


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