Commémoration du 60ème anniversaire de l’élection de R. Vergès et L. Lépervanche

Une période de répression violente et sauvage

21 octobre 2005

On fête aujourd’hui le soixantième anniversaire de l’élection de Raymond Vergès et de Léon Lépervanche à la première Assemblée constituante. Elle débouchera sur la départementalisation de notre île le 19 mars 1946.

Notre édition d’hier faisait état de l’union syndicale, au sein du Comité républicain d’actions démocratiques et sociales (CRADS), qui permit aux deux Réunionnais de siéger à l’Assemblée constituante. Le point d’orgue de leur action amènera la départementalisation tant espérée.
Toutefois, sous la 4ème république, la départementalisation n’emmènera pas la liberté d’expression et de vote. "Ceux qui ont vécu cette période gardent le souvenir d’une semi-dictature", note Robert Gauvin, lors du colloque "La Réunion sous la 4ème République, entre Colonie et Département". "Lorsque le 19 mars 1946, les Réunionnais arrachent pour leur île le statut de département français, ils sont fondés à penser que désormais il leur sera enfin possible de choisir librement leurs représentants au sein des diverses assemblées", écrit Eugène Rousse, dans "Combat des Réunionnais pour la liberté".
C’était sans compter sur le cyclone Jean Perreau-Pradier, qui arrive sur La Réunion, le 13 juin 1956, et fera la pluie et le beau temps, 81 mois durant. Ce "préfet-gouverneur", comme l’appelle Eugène Rousse, veut "gouverner" les Réunionnais, les menant à la baguette. Il n’ira pas de main morte et générera une campagne anticommuniste sévèrement prononcée, qu’il engage dès son arrivée. Les maires communistes se voient, arbitrairement, chassés des mairies, qu’ils détenaient depuis 1945 par voie démocratique, par le vote.

Le tan margoz, la répression

Le 15 septembre 1957, est signé le coup d’envoi de vingt années de fraudes électorales, violentes et brutales, immondes. Suite au décès du docteur Raymond Vergès, de nouvelles élections municipales sont organisées à Saint-André. Certes, "depuis le début de son histoire électorale, La Réunion est marquée par la fraude électorale", faisait remarquer Robert Gauvin, mais force est de constater que le climat de violence et d’insécurité de cette période a été nourri, "engraissé", par le représentant de l’État, Jean Perreau-Pradier, si bien que La Réunion voit des bandes armées troubler les réunions politiques, les urnes surtout.
Ce qui est consternant, et l’assemblée constituante critiquera plus tard cette situation délétère, c’est le véritable étouffement des libertés démocratiques dans l’île aux fraudeurs. L’église de La Réunion - même si elle réagira plus tard, par une lettre de l’évêque Georges Guibert, à la fraude électorale - nourrira cette situation, en appelant les Réunionnais à "bien voter", entendons à droite. Son influence reste en tout point notable, puisque la grande majorité des Réunionnais sont de confession catholique. Rapidement, Jean Perreau-Pradier trouve du soutien dans sa lutte anticommuniste et initie une véritable chasse de sorciers rouges, virant les maires communistes et exilant les fonctionnaires à "mauvaise" opinion. "Le fonctionnaire est un homme de silence ; il travaille, il sert, il se tait", dira Michel Debré. Il avait trouvé son Jean le Baptiste pour préparer le terrain de l’anti-démocratie. "Pour d’élit d’opinion, de nombreux fonctionnaires seront frappés par l’ordonnance du 15 octobre 1960", indique Eugène Rousse dans son édifiant ouvrage.
Nous n’allons pas accorder plus d’encre à Jean Perreau Pradier, si ce n’est pour dire qu’il quittera l’île de La Réunion dans une totale indifférence, le 2 mars 1963. il poussera quand même sa bêtise plus loin, en se présentant le 14 juin 1981, candidat à la deuxième circonscription de l’île. Il n’obtiendra que 2% des voix. On sait pourquoi...


Participation nombreuse au colloque de l’université

Hier, s’achevait le colloque "La Réunion sous la 4ème République, entre Colonie et Département". Il aura permis de fêter, d’étudier un événement marquant de l’histoire de La Réunion, l’élection de deux députés communistes à la première assemblée constituante de la 4ème république. La tenue du colloque n’aurait sûrement pas été possible, sans le partenariat entre le Centre de recherche sur les sociétés de l’océan Indien (CRESOI), de la Chaire de l’UNESCO à l’Université de La Réunion, des services universitaires en général. Mais surtout, les doctorants doivent doublement être félicités pour cette initiative remarquable. La deuxième journée de ce colloque a été encore largement soutenue, en présence de férus d’histoire, de lycéens, d’étudiants et de chercheurs. Pour le soixantième anniversaire de la départementalisation, l’université compte publier les actes du colloque.


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