Création du CERIS

Comprendre les relations internationales pour définir les stratégies régionales

15 décembre 2007, par Edith Poulbassia

La Réunion vient de se doter d’un centre d’études de relations internationales et stratégiques (CERIS). Objectif, répondre aux besoins d’expertise et de compréhension de ces relations pour définir des stratégies d’intégration régionale, et se faire une place dans le contexte de mondialisation. La première conférence-débat a eu lieu hier à la Région sur les enjeux stratégiques de l’intégration dans l’Océan Indien.

La Réunion doit aujourd’hui faire face à la mondialisation, à la libéralisation des échanges, elle n’a pas le choix. La question est comment doit-elle s’y prendre, comment peut-elle tirer son épingle du jeu pour que non seulement son économie ne soit pas anéantie, mais surtout pour que le développement durable soit au rendez-vous. Car l’enjeu n’est pas de limiter les dégâts que peuvent entraîner la mondialisation (comme l’accentuation des inégalités) mais bien de réussir à s’intégrer à ce contexte.
Vraisemblablement, notre île n’y arrivera pas seule. Au jeu de la mondialisation, elle ne peut se distinguer qu’en choisissant la carte de la régionalisation. Jean-Raymond Mondon, le soulignait hier lors de la première conférence-débat du CERIS, un vrai changement est en train de se produire dans la mentalité réunionnaise, une vraie volonté de se fait entendre, qu’elle soit politique ou économique. L’ouverture est incontournable, et les autres îles de la zone Océan Indien y sont tout aussi favorables. Les négociations, certes longues, des APE (Accords de Partenariats Economiques) sont là pour en témoigner. Reste à définir ensemble des stratégies d’intégration régionale. Chaque pays avec ses intérêts, son statut, ses points forts et ses faiblesses, ce qui rend complexe les échanges quant à ses stratégies pour intégrer la mondialisation.
La création du Centre d’études de relations internationales et stratégiques (CERIS) répond à un besoin de compréhension et d’expertise de ces relations. Il est même fondamental, selon la SR21 qui apporte son soutien technique à la création du CERIS, « parce que la définition des stratégies d’intégration régionale et de développement local influence à terme le degré d’attractivité de la région économique et de ses partenaires pris individuellement. Et il l’est d’autant plus compte tenu de la place singulière qu’occupe La Réunion dans l’Océan Indien. »
Le CERIS veut être un centre d’expertise interdisciplinaire, rassemblant aussi bien hommes et femmes politiques, universitaires, entreprises, organismes divers. Il a vocation à « devenir un centre de ressources incontournable pour les opérateurs qui doivent se développer dans un contexte international de plus en plus réactif et complexe », devenir un outil d’aide à la décision.
Le CERIS va ainsi s’appuyer sur l’expérience d’un centre d’études national, l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques) pour satisfaire à ses objectifs. Son directeur Pascal Boniface, avait rencontré les acteurs économiques locaux en avril dernier, et l’idée d’un centre d’étude dans l’Océan Indien répondait à une vraie préoccupation locale.

Maurice

Le CERIS devrait être opérationnel dès 2008. Mais une première conférence-débat a eu lieu hier à la Région, réunissant des acteurs de la zone Océan Indien : Raj Mohabeer Mauricien chargé de mission au secrétariat général de la COI, Jérémie Bonnelame, ancien ministre des affaires étrangères des Seychelles, Raj Makkond, directeur du Joint Economic Council à Maurice, Sultan Chouzour, ambassadeur des Comores à Bruxelles, Serge Zafimahova, président du Club Développement et Ethique à Madagascar, etc. Le thème de la conférence, « Entre mondialisation et régionalisation : enjeux stratégiques de l’intégration dans l’Océan Indien » n’a pas été épuisé en une seule journée, car c’est un débat auquel le CERIS devra contribuer avec les études qu’il va mener, les rencontres qu’il va organiser. Mais cette première séance du CERIS a au moins permis à chaque île d’apporter son propre éclairage de la problématique et d’apporter des éléments de compréhension du contexte économique. Paul Vergès a ainsi rappelé, en début de séance, que le développement durable, qu’on le veuille ou non, ne se fera pas sans un rassemblement des pays de la zone.
Une intervention cependant n’est pas passée inaperçue. Celle de Jean-Claude de L’Estrac, ancien Ministre et ancien Ambassadeur de Maurice. Alors que la mondialisation suscite plus de crainte que d’espoir, il déclare « je crois que la mondialisation est une chance pour les régions éloignées du monde économique ». Le ton est donné, et il invite tout simplement La Réunion à suivre l’exemple de... Maurice. A prendre des risques. « Je comprends cette peur, ce besoin de protéger les petites entreprises réunionnaises, de les surprotéger de la compétition mondiale mais j’affirme que s’il y a des risques immédiats, les bénéfices à long terme sont beaucoup plus importants. »

Une compagnie maritime régionale est primordiale

Il est ainsi revenu sur les débuts de l’économie mauricienne. Les grands économistes de la planète, raconte-t-il, prédisaient « une catastrophe nationale ». « Le pouvoir colonial pointait les faiblesses de ce pays improbable » : une économie à monoculture vivrière, soumise aux aléas climatiques, une démographie galopante qui confronterait l’île à la famine, des tensions ethniques, l’absence de matières premières, un manque d’expertise industriel, un marché étroit, et pour couronner le tout, l’éloignement. Toutes les conditions de l’échec étaient réunies. Aujourd’hui, les économistes parlent de « miracle ». L’Europe, les Etats-Unis, l’Asie du sud y investissent plus de 200 millions d’euros par an dans le tourisme, les services financiers, les TIC, la pêche industrielle. « Le secteur touristique devra même importer de la main d’oeuvre », car l’activité ne cesse de croître. L’industrie sucrière se transforme en industrie cannière. La démonstration de Jean-Claude de l’Estrac n’avait pour but que d’expliquer que la Réunion dispose des qualités pour un essor économique comparable. « Les atouts de la Réunion sont indéniables et même infiniment plus forts que Maurice quand elle a débuté ». Et d’énumérer ces points forts, les compétences, les infrastructures, la diversité ethnique et culturelle, la diaspora. Cette diversité, « c’est un trésor que nous avons en commun, une clé pour comprendre et conquérir le monde », conclut-il. Un discours qui a semblé à certains « offensif », même s’il n’a pas manqué de s’en prendre au passage au maintien de l’Octroi de mer.
Des discours, il faut passer à l’action, envisager les possibilités d’adaptation à la mondialisation. L’idée d’une compagnie maritime régionale a une fois de plus été évoquée. C’est un des axe de travail de l’UCCIOI (Union des Chambres des Commerces et d’industrie de l’Océan Indien). Guy Dupont, Président de l’Agence de Développement, a signalé que ce serait « un énorme pas vers la mondialisation » pour le transport des marchandises et des matières premières, puisque la région est à l’écart des grandes voies maritimes, et selon lui il faudrait s’y engager dès 2008. « C’est la problématique de l’oeuf et de la poule depuis 25 ans », a répondu Jean-Claude de L’Estrac. Le débat ne date donc pas d’aujourd’hui, mais cette fois, une entente semble se dégager pour qu’on n’attende plus que des échanges se développent avant d’équiper la région en bateaux. C’est au contraire grâce à une compagnie maritime régionale que les îles pourront développer des échanges économiques avec des pays éloignés. Reste maintenant à se mettre d’accord pour le financement.

Edith Poulbassia

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