Non à l’immigration sélective

Des migrations dans un développement harmonieux

20 janvier 2005

Le gouvernement engage une politique rigoureuse de maîtrise de l’immigration légale en France. Des mesures qui sont aux antipodes des objectifs de rapprochement des peuples avancés par la COI et de ceux de la coopération régionale défendue par la Région Réunion.

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Ils s’entendent pour défendre une immigration "choisie". Le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, et le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, veulent l’application de "quotas par métiers ou par type de formation". C’est donc en fonction des besoins de la France que le gouvernement compte maîtriser le volume et la nature de l’immigration, en partenariat avec les pays d’origine.
Les associations françaises de défense des immigrés accusent une "conception utilitariste du migrant" qui ne freinera en rien l’immigration illégale.
Philippe Andriantavy, président du “Collectif pour Madagascar”, rejoint cette position et estime que cette politique de l’immigration "très, très sélective" est à l’opposé des spécificités géographiques et culturelles de La Réunion dans l’océan Indien.

Appliquer les méthodes américaines

Recruter les immigrants selon les besoins du territoire français, comme ce fut déjà le cas dans les années 50-60 en France avec l’immigration massive d’une main d’œuvre étrangère bon marché, c’est appliquer les méthodes américaines de délivrance de titre de séjour.
"C’est un choix qualitatif (...). Le gouvernement risque de tabler sur la masse qualifiée", augure Philippe Andriantavy. En tant que médecin et au vu de la pénurie de professionnels de santé en France, il présage un recrutement de médecins pour le secteur hospitalier dans les pays de l’Est (comme l’on peut déjà le constater en France), et dans les pays francophones. Des mesures qui privilégient l’intérêt économique de la France au détriment de l’intérêt humain.
"Nous sommes conscients que la France ne peut pas accepter toute la misère du monde, mais fermer toutes ses frontières n’empêchera pas la clandestinité", poursuit le président du Collectif pour Madagascar.

Des écarts de développement trop importants

Philippe Andriantavy rappelle que beaucoup d’immigrés ne quittent pas leur pays de gaieté de cœur. "On les accuse de venir profiter des allocations, mais rappelons que les personnes en situation irrégulière n’en perçoivent pas. Quant à ceux qui ont des titres de séjour, ils travaillent, ont une famille, des enfants scolarisés, ils paient des impôts et participent à la vie économique locale".
Certains quittent la misère, se coupent de leurs racines, pour travailler dans l’illégalité et envoyer de l’argent à leur famille restée dans leur pays. "Cela signifie bien que l’économie clandestine existe, qu’elle profite à chacun et qu’elle permet aussi la poursuite de cette situation", constate alors Philippe Andriantavy.
Avant les années 70, la communauté malgache n’existait pas à La Réunion, à peine quelques opérateurs. Par contre, beaucoup de Réunionnais étaient établis à Madagascar, pour y vivre ou suivre des études. Le pays était alors prospère.
Après son indépendance, Madagascar s’est appauvri et le flux migratoire vers La Réunion progressivement accentué. Prenant le cas des Comores qui souffrent d’un sous-développement chronique et de Mayotte qui se développe à la vitesse grand V, Philippe Andriantavy estime que l’on ne pourra pas régler le problème de l’immigration clandestine avec des écarts de développement aussi importants entre les pays de la zone. "Si l’on ne permet pas un développement harmonieux, forcément les flux migratoires vont augmenter".
Cette politique de l’immigration, mise en place par le gouvernement, va ainsi à l’encontre des priorités énoncées par la Commission de l’océan Indien et du développement de la coopération régionale dans la zone.

"Leur permettre de former leurs jeunes"

Philippe Andriantavy croit au bien-fondé d’une coopération régionale qui mettrait l’accent sur les échanges culturels, éducatifs, économiques, humains et qui permettrait une aide au développement pour les pays voisins. "La coopération régionale doit permettre de meilleurs échanges entre les pays de la zone, un partage des savoirs avec ceux qui n’ont pas d’enseignement supérieur, pour leur permettre de former leurs jeunes, pour le développement de leur pays".
Sur le plan économique, il constate qu’il est encore très difficile pour les pays de la zone de nouer des relations économiques avec La Réunion. "On reçoit des produits d’Espagne, d’Afrique du Sud, mais pas de Madagascar", constate Philippe Andriantavy, qui estime que, s’agissant des denrées, la question des normes sanitaires peut être dépassée.
"La France avait annoncé un rapprochement avec Madagascar, mais dans les faits...!" Pourtant, Philippe Andriantavy est assuré que "lorsque Madagascar connaîtra un développement économique, il y aura inversion des flux".
Et en attendant, même si les Malgaches ne sont pas des touristes très riches, de grands consommateurs familiers des hôtels, il faut au moins leur permettre de visiter leur famille installée à La Réunion, estime le président du “Collectif pour Madagascar”.
Mais la fermeture annoncée des frontières françaises permettra-t-elle encore le développement de ces échanges ? Le gouvernement prendra-t-il en compte nos spécificités locales ou entravera-t-il les objectifs de coopération régionale défendus par le président de la Région Réunion ?
Quoi qu’il en soit, pour Philippe Andriantavy, "ce ne sont pas ces mesures administratives, policières, qui vont régler le problème et convaincre les émigrés de rester chez eux".

Estéfany


La clandestinité se nourrit d’absence de visa

Volontairement provocateur, le docteur Philippe Andriantavy estime qu’"il n’y a pas d’immigration clandestine à La Réunion". On ne retrouve pas les cas de Comoriens qui périssent dans des embarcations de fortune pour se rendre à Mayotte, ou ces clandestins qui perdent la vie dans les trains d’atterrissage pour tenter de rejoindre l’Europe.
C’est avec un visa touristique ou un titre de séjour que l’on entre à La Réunion. Ce n’est qu’à l’expiration du délai autorisé que des irrégularités peuvent intervenir. "Les étrangers actuellement pris en grippe sur notre territoire n’ont aucune chance de faire valoir leur cas (...) C’est le pot de terre contre le pot de fer".
Le Collectif pour Madagascar dénonce les conditions d’attribution très difficiles de ces titres provisoires, ici comme ailleurs. Il dénonce les spécificités locales d’obtention des visas. Un Malgache obtiendra un visa d’un mois en Métropole contre huit jours à La Réunion. Plus ces conditions seront difficiles, plus elles favoriseront la clandestinité.


Débat sur l’immigration clandestine

Le 1er février 2005, à 18 heures 30 au centre Saint-Ignace de Saint-Denis, se tiendra une conférence-débat sur le thème de l’immigration clandestine à La Réunion. Philippe Andriantavy, président du “Collectif pour Madagascar”, Monique Couderc, membre de l’Union des Femmes de La Réunion (UFR), et Maître Saïd Larifou (qui abordera les aspects juridiques), interviendront durant 40 minutes, après quoi s’ouvriront les échanges avec la salle. Débat ouvert à tous.


Droit d’asile refusé pour un footballeur tchadien

Suite à un refus de droit d’asile, Loth Ndingatoloum, ancien capitaine de l’équipe de football du Tchad, est menacé d’expulsion du territoire français. Il fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière de la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Le recours déposé par son avocat, maître Mikaël Goubin, a été rejeté.
Joueur et éducateur bénévole dans un club amateur de la banlieue de Rennes, Loth Ndingatoloum, marié et père d’une petite fille de 4 ans, est abattu par une telle décision. Arrivé en France en 2000, Loth était menacé dans son pays après avoir dénoncé certaines pratiques des autorités.
"J’avais été battu, menacé et emprisonné. J’ai ensuite bénéficié d’une libération provisoire après l’intervention d’organisations internationales. J’en ai profité pour m’enfuir", explique Loth. Les autorités françaises les ont sommés, lui et sa femme, employée à la mairie de la ville, de quitter leur travail.
Bénévole au sein de l’Olympique club cessonnais (OCC), Loth est soutenu désormais au sein d’un collectif. "C’est quelqu’un qui fait l’unanimité au sein du club pour sa gentillesse et ses qualités humaines", souligne le président Serge Angebault. "Depuis 3 ans, on essaie de l’aider, on a fait appel aux politiques".
Maître Mikaël Goubin, qui dénonce les refus systématiques des autorités s’agissant de titre de séjour ou de droit d’asile, va intenter un recours devant la Cour administrative d’appel de Nantes.


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