Paul Vergès, président du Conseil régional

’Échapper à la dictature de l’urgence’

10 décembre 2004

Comment l’élu peut-il à la fois faire face à la “dictature de l’urgence” tout en prenant en compte les grands défis, les rendez-vous de l’avenir incontournables ? D’entrée de jeu, Paul Vergès pose le problème du court terme et du long terme, des décisions que l’on prend aujourd’hui et des conséquences qu’elles engendreront pour les générations futures.

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Pour le président de la Région, les réflexions du colloque auquel la Région est associé avec l’université et les Forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI), sous le patronage de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), peut apporter des éléments de réponse. De quoi alimenter ce souci permanent qu’affiche le président de la Région de "distinguer le temps politique, électoral, et le long terme".
La mondialisation, ce ne sont pas seulement les conséquences économiques, sociales, culturelles, l’uniformisation et le “prêt-à-penser”. C’est aussi, explique Paul Vergès, le réchauffement climatique dont les effets se feront sentir sur l’ensemble de la planète aussi bien sur le monde animal, végétal que sur les populations humaines.
Tous les efforts que les experts souhaitent voir mis en œuvre doivent permettre de maintenir ce réchauffement à 2 degrés pour ce siècle. Déjà, des signes inquiétants apparaissent : fonte des glaciers ou encore apparition de poissons tropicaux en Méditerranée, cyclones plus fréquents et plus meurtriers, dont la mondialisation de l’information et les TIC permettent d’avoir des images quasiment en temps réel...
Ces propos pessimistes peuvent prêter à sourire. Mais, rappelle Paul Vergès, si l’on appliquait à la lettre les résolutions prises à Kyoto concernant les émissions de gaz à effet de serre, il faudrait cinq siècles pour que l’atmosphère retrouve sa composition d’origine...

"Voir plus loin que l’immédiat"

La mondialisation, c’est également la transition démographique mondiale. Et les réponses ne pourront plus être celles auxquelles ont a pu avoir recours par le passé. Ainsi, l’émigration vers les États-Unis ou, dans une moindre mesure, vers l’Amérique du Sud, ont apporté il a deux siècles une solution à une population européenne en pleine augmentation.
Or, en 2050, l’Europe se retrouvera avec 14 millions d’habitants de moins qu’en 2004. À l’inverse, d’autres pays “émergents” voient leur population croître. On assistera également à un basculement du centre de gravité de l’Islam qui ne se situera plus au Moyen-Orient, mais à l’autre extrémité de l’océan Indien...
"La Réunion est à sa façon, un petit laboratoire du monde. Nous avions 250.000 habitants en 1945 et nous en aurons un million dans moins de vingt ans. Malgré tous les appuis techniques, sociaux, sanitaires et financiers, nous avons du mal à gérer notre transition démographique. Que dire alors de tous les pays qui ne disposent pas des mêmes moyens ?", s’interroge Paul Vergès.

Pas de réponse toute faite

"Nous voyons naître sous nos yeux un monde nouveau et cela nous oblige à voir plus loin que l’immédiat. Aujourd’hui, la mondialisation est rapide et brutale. Elle crée et aggrave les inégalités", souligne le président de la Région qui appuie ses dires par des exemples qui nous concernent au premier chef.
Ainsi, les nouvelles dispositions de l’OCM - sucre nous prédisent une baisse de 33% du prix du sucre. Autre exemple : la péripétie du marché du viaduc de Saint-Paul. Les nouvelles directives européennes placent désormais ce genre de marché non plus dans les appels d’offre européens, mais internationaux.

Plus près de nous, nos voisins mauriciens, dont le modèle de développement économique repose sur les zones franches avec le textile, le sucre et le tourisme, se voient menacés. Dès le 1er janvier prochain, le textile mauricien va devoir affronter, avec l’accord “multifibres”, la concurrence chinoise, indienne ou du Maghreb.
Face à tous ces défis, il n’est pas de réponse toute faite et seule une réflexion commune peut permettre d’envisager des réponses. Mais, conclut le président de la Région, une chose est certaine : "Personne ne pourra définir à notre place notre mode de développement dans notre zone."

S.D.


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