Insertion et solidarité régionale au Port avec Pass’port et le PLIE

Ensemble pour le Boutre du savoir

7 septembre 2004

Douze jeunes Portois, à l’initiative de Pass’Port et du PLIE (Plan local pour l’insertion et l’emploi) de la ville, construisent un boutre de huit mètres destiné à une association malgache qui gérera cette bibliothèque flottante au profit des habitants des villages disséminés sur les rives du canal de Pangalanes (Est de Madagascar). Une manière d’associer insertion sociale et solidarité régionale.

"Je ne réalisais pas que ce bateau était si grand", s’exclame Alexis Velna, directeur pédagogique de Pass’Port, en découvrant le gabarit du boutre de 8 mètres sur 2,5 mètres dans l’atelier du charpentier de marine, Christian Stein, sur la zone artisanale du Port. Il est vrai que l’embarcation qui prend forme est imposante.
Autour de l’esquisse de la carcasse du bateau, une douzaine de jeunes s’affairent. Certains poncent, d’autres travaillent une pièce de bois ou ajustent un élément sur le gabarit. Ces jeunes travaillent à un projet d’insertion né sur le bord du canal des Pangalanes, lors d’une visite de découverte de la culture malgache initiée par Pass’Port dans le cadre du jumelage de Tamatave avec Le Port.
Au cours de contacts avec la population, les responsables sur Pass’Port qui accompagnaient des jeunes se sont rendus compte de l’absence d’ouvrages scolaires dans les écoles et de l’enclavement des villages uniquement desservis par voie terrestre.
"L’idée de construire un bateau bibliothèque a intéressé le PLIE parce que l’on sait que la remobilisation des jeunes est plus facile quand le support présente un intérêt public", note Alexis Velna. Alors que le chantier a commencé depuis un peu plus de deux mois, les jeunes on déjà progressé. "Mwin té déza dan lébénistri. La mi dékouv dot soz dan lo travay lo bwa. So staz i aprann amwin ankor pli d’zafèr an ménuizri", affirme Garry Tableau, 18 ans.
"Lé byin parti. Mi pansé pas sré konmsa. Lo travay i avans. Déza la nou la apri in ta dzafèr", renchérit Ritchy Latchoumaya, 18 ans.

Acquérir une attitude professionnelle

Mais tout n’est pas simple. "J’ai déjà eu des apprentis, mais pas douze d’un coup. Au début, c’était un peu dur. Ça va de mieux en mieux. Quelques-uns bougent, d’autres, il faut les bouger et leur faire acquérir une attitude professionnelle (ponctualité, respect du matériel...). Après six mois passés ici, ils ne verront plus les choses de la même manière", affirme Christian Stein. "Les jeunes ont beaucoup de qualités. Cinq ou six sont très bons et les autres évoluent très vite. Ils commencent à acquérir de bonnes bases de travail", note de son côté, Jean-Michel Emmerich, formateur sur le chantier.
La formation pratique à l’atelier est complétée par un module de formation théorique. Une remise à niveau en fonction des besoins. Au programme : visite d’entreprises et intervention de personnes ressources (Affaires maritimes, médecins...). Les jeunes bénéficieront également d’une formation au permis côtier.
Un plus pour Judickaël Marata, 20 ans. Il assure que "lo pti pèrmi i intérès amwin. Mi vé fé pésèr profèsyonèl. I aranz amwin byin". Les jeunes iront en effet livrer le boutre aux autorités concernées. Il sera géré par l’association malgache “Mitia” qui aura pour mission de générer des utilisateurs et donc des consommateurs de l’outil (Alliance française, Ordre des médecins, Association contre le SIDA...) afin de pérenniser l’outil.
Dans cette opération qui associe insertion sociale et solidarité régionale, l’association Pass’Port et le PLIE de la ville ont su engager une démarche partenariale. Elle va permettre à ces douze Portois d’enclencher un parcours d’insertion. Et cela va vite puisque à l’heure d’aujourd’hui, plus de la moitié d’entre eux ont déjà exprimé un projet de vie.

L. M.


Alexis Velna, directeur pédagogique de Pass’Port

"Promouvoir l‘Homme portois dans son environnement..."

"Nous avons une mission de développement social et culturel à l’échelle du Port", note Alexis Velna. Il ne s’agit pas d’animation socioculturelle, mais bien "de promouvoir l‘Homme portois dans son environnement afin qu’il devienne le premier acteur de son développement, de son évolution, de sa promotion".
L’association a donc un rôle de facilitateur, d’accompagnateur de projets dans la perspective d’une accession à la citoyenneté. Ce qui sous-entend une notion de bien-être social, humain, économique, culturel. "Derrière le concept de développement, il y a la personne... donc l’insertion des jeunes. Dans l’opération du Boutre du savoir, Pass’port est un des partenaires du PLIE. Nous agissons avec lui dans le cadre d’une convention à partir de deux axes : préparer les jeunes à l’appropriation de leur démarche d’insertion et animer leur projet global de vie. Nous agissons, à côté de la personne. Dans cette opération, Pass’port agit comme un déclencheur du désir d’insertion, un maillon du parcours d’insertion. Nous agissons dans le cadre de la mission que nous a attribué la ville", souligne encore Alexis Velna.
Le Boutre du savoir est le deuxième grand projet que mène l’association portoise en partenariat avec le PLIE, après celui qu’elle a conduit sur le suivi, l’orientation et la réinsertion pour toxicomanes.


Découverte et solidarité

"Nou va aport azot in lèd, in solidarité..."

Les douze jeunes Portois livreront le Boutre du savoir en décembre aux autorités et à l’association gestionnaire. Cela leur permettra de voir concrètement à quoi va servir ce qu’ils auront construit de leurs mains. Pour eux, dont la grande majorité n’est jamais sortie de l’île, ce sera une aventure et une découverte. Beaucoup parlent de solidarité. "Nou va aport azot in lèd, in solidarité", souligne Ritchy Latchoumaya. "Zot bann vilaz lé loin la vil, napwin somin. I pé aport azot kèksoz", dit Stéphane Moellon. "Lé bon aport dé trwa zafèr po banna", affirme Didier Germain. "Nou sava aminn liv pou banna", lâche Jeannick Blagnac.
Et puis tous s’attendent à découvrir une culture à la fois proche et éloignée d’eux. Proche parce qu’elle a irriguée leur propre culture, et lointaine parce que cet apport à la culture réunionnaise n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur. "Nou va dékouv zot kiltir, zot manièrviv", dit l’un. "Mwin la fine vi Madagascar dann télé, mé mwin la zamé parti. Nou va dékouv innot péi", déclare Emmanuel Morney. "Je vais quitter l’île pour découvrir une autre culture que je ne connais que par ouï-dire", affirme Sully Jules.


An plis ke sa...

Photos et vidéo
Cette action d’insertion sociale et de solidarité régionale sera immortalisée. En effet, le projet global du Boutre du savoir sert également de support à une formation pratique pour Harry Salmacis, qui se destine au métier de vidéaste. Ce dernier, après avoir été opérateur de cinéma, s’est familiarisé avec le montage, le cadrage, etc. Aujourd’hui, il approfondit sa formation pratique. Caméra et appareil photo à la main, il suit pas à pas les jeunes Portois dans les différentes phases de leur chantier d’insertion. À la sortie, il présentera une exposition de photographies et un film vidéo.

Actions à Tamatave
Dans le cadre du jumelage du Port avec Tamatave, Pass’Port soutient diverses actions réalisées dans l’Est de Madagascar. Il s’agit de l’aménagement d’une bibliothèque et d’un terrain de football. Deux projets sont dans ses cartons : la réalisation d’un CD de contes et de musique commun à des jeunes du Port et de Tamatave, et l’accueil de jeunes Malgaches dans le cadre de la célébration du 20 décembre.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus