En 1958, la caducité de la loi d’annexion a décidé que l’État malgache comprenait les îles malgaches du Canal du Mozambique

Îles malgaches : la France empêche la décolonisation de Madagascar

22 mai 2020, par Manuel Marchal

La lecture des textes qui ont organisé l’annexion de Madagascar puis sa décolonisation fait apparaître des décisions contradictoires de la France au sujet de la souveraineté des îles malgaches du Canal du Mozambique. En effet, quand en 1958, la France rend caduque « la loi déclarant Madagascar et les îles qui en dépendent colonie française », elle reconnaît l’État malgache comprenant « l’île de Madagascar avec les îles qui en dépendent » comme succédant à la « colonie française » de Madagascar. Il revient donc à l’État malgache d’administrer ces îles. C’est deux ans après la création de la République de Madagascar, et à 24 heures de la signature de l’accord restaurant Madagascar dans sa totale souveraineté, qu’un décret scélérat a enlevé à la République de Madagascar l’administration des îles malgaches du Canal du Mozambique. Or en 1960, selon la loi française, Madagascar n’était plus une colonie mais un État reconnu par la France, et cela depuis presque deux ans. La France n’a donc pas respecté l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. La seule réparation consiste à restaurer la souveraineté de Madagascar sur ces îles.

Voici le contenu de la loi d’annexion du Royaume de Madagascar à la France, publié dans « le Journal officiel » :

« LOI déclarant Madagascar et les îles qui en dépendent colonie française.

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article unique,
- Est déclarée colonie française l’île de Madagascar avec les îles qui en dépendent.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Brest, le 6 août 1896.
FÉLIX FAURE.
Par le Président de la République
Le ministre des colonies, ANDRÉ LEBON.
Le ministre des affaires étrangères, G. IIANOTAUX. »

Les îles intégrées dans l’État malgache restauré en 1958

Ceci montre que la colonie de Madagascar, qui est substituée par la France au Royaume de Madagascar, comprend également « les dépendances », c’est-à-dire les îles malgaches du Canal de Mozambique.
Après la Seconde guerre mondiale, Madagascar devient un Territoire d’Outre-mer. La vague de la décolonisation contraint la France à accorder plus d’autonomie. L’Union française regroupant la France et ses colonies devient alors une fédération, la Communauté. Le 18 octobre 1958, la République malgache est proclamée à Antananarivo. Le lendemain, 19 octobre 1958, le Haut commissaire de la France à Madagascar proclame caduque la loi d’annexion du 6 août 1896.
Cette décision de la France signifie donc que la « colonie française » de « l’île de Madagascar avec les îles qui en dépendent » devient l’État malgache. Cette date de 1958 ne restaure pas intégralement l’indépendance, car la France n’avait pas transféré la totalité des compétences d’un État souverain à la République de Madagascar. Mais de fait, la caducité de la loi d’annexion fait de Madagascar un État indépendant, sur la base des frontières que la France avait choisi pour délimiter la colonie de Madagascar. La France a donc décidé que l’État malgache comprenait les îles malgaches du Canal du Mozambique.

Le décret scélérat du 1er avril 1960

Le 2 avril, Michel Debré, Premier ministre français, et Philibert Tsiranana, président de la République de Madagascar signaient des accords stipulant que désormais, Madagascar était un État indépendant et souverain, soit la restauration de l’indépendance totale de Madagascar. Mais la veille, le même Michel Debré était signataire d’un décret affirmant que « les îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas das India sont placées sous l’autorité du ministère des départements d’outre-mer et des territoires d’outre-mer ». Ce texte fut promulgué dans « le Journal officiel » du 14 juin 1960. La cérémonie officielle de restauration de l’indépendance malgache eut lieu quant à elle le 26 juin 1960.

Décolonisation inachevée de Madagascar

Depuis cette date, la France persiste à refuser de rendre à Madagascar l’administration des îles malgaches du Canal du Mozambique. Ces derniers mois ont d’ailleurs vu la montée des provocations. Il y eut tout d’abord la déclaration péremptoire d’Emmanuel Macron, affirmant en posant le pied à Glorieuse que « ici c’est la France ».
Sans doute le président français ignorait-il qu’il marchait sur une terre où sont enterrés des Malgaches. Or, il est évident que si des Malgaches ont décidé d’enterrer un compatriote sur une île proche de leur pays, c’est que pour eux, cette terre ne peut qu’être que Malgache. Ce manque de respect pour un peuple et ses ancêtres a soulevé une légitime indignation qui n’a malheureusement pas calmé les ardeurs françaises.
En réponse à la réaffirmation de la revendication malgache de souveraineté sur ces îles exprimée la semaine dernière sur France 24 par le président de Madagascar, la France n’a rien trouvé d’autre à faire que d’annoncer un décret faisant de Nosy Sambatra une « réserve naturelle ». Ce nouvel acte d’ingérence sur un territoire malgache montre combien les séquelles de la colonisation sont encore bien présentes dans les esprits des dirigeants français. Elles ont une conséquence dans cette affaire : la décolonisation inachevée de Madagascar.

M.M.

A la Une de l’actuMadagascar

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Merci à Témoignages et aux Réunionnais pour leurs soutiens dans la lutte de Madagascar pour la décolonisation totale et la RESTITUTION TOTALES DES ILES MALAGASY (ou îles éparses). Pour cela nous comptons surtout sur votre solidarité. Merci et merci encore.
    J.V. Rajosoa
    Madagascar

  • "les îles qui en dépendent" : c’est vague. Et on se rend compte en se renseignant sur chacune de ces îles que leur histoire est un peu plus compliquée que celle que vous rapportez. Les Glorieuses par exemple étaient possession française et rattachées à Mayotte bien avant 1896. A ce compte, pourquoi ne pas inclure les Comores voire la Réunion ? N’y a-t-il pas un document qui précise ce que le législateur de l’époque entendait pas "les îles qui en dépendent" ?

  • Manuel Marchal, votre tribune est bien peu et bine mal documentée.


Témoignages - 80e année


+ Lus