Une question capitale pour l’avenir de La Réunion pas abordée lors du Conseil des ministres

L’Accord de partenariat économique pas dans les discussions à la COI

27 février 2016, par Manuel Marchal

Pas de discussion sur l’APE lors du premier Conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien présidé par la France et organisé ce 26 février à La Réunion. Cette absence préjudiciable confirme toutes les craintes du PCR sur la capacité à faire entendre la voix de La Réunion au sein de cette institution. Les priorités de la présidence française sont différentes, et elles n’ont donné lieu à aucune information, aucun débat ni consultation à La Réunion.

31e Conseil des ministres de la COI
Mohamed Abdoulkarim, ministre des Affaires étrangères des Comores, Béatrice Attalah, ministre des Affaires étrangères de Madagascar, Alain Vallini, secrétaire d’État français au Développement, Jean-Claude de l’Estrac, secrétaire général de la COI, Etienne Sinatambou, ministre des Affaires étrangères de Maurice, et Joël Morgan, ministre des Affaires étrangères des Seychelles saluent l’adoption du relevé de conclusions du Conseil des ministres de la COI.

En août 2014, le Sommet des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien donnait une feuille de route à l’organisation. La déclaration finale adoptée à Moroni disait ceci :

« Le Sommet salue le rôle joué par la COI dans la conclusion des négociations de l’Accord de Partenariat Economique (APE) intérimaire avec l’Union européenne. Il demande une mise en œuvre efficace de cet accord avec le soutien de la COI et de ses partenaires. Les chefs d’Etat et de gouvernement souhaitent une conclusion rapide d’un APE complet dans lequel le groupe Comores – Madagascar – Maurice – Seychelles (CMMS) pourrait jouer un rôle significatif. Ils souhaitent également que la COI participe activement à sa mise en œuvre. La France y participera en qualité d’observateur. »

L’Accord de partenariat économique est un document qui fixe les règles des échanges de biens et de services entre l’Union européenne et des regroupements régionaux d’États. Les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles sont dans le groupe Afrique orientale. C’est un ensemble de plus de 600 millions d’habitants. L’objectif de l’Accord de partenariat économique est d’abattre les frontières. Les 28 États de l’Union européenne ne sont pas en contact direct avec les signataires de l’APE. Mais en tant que région de l’Union européenne, La Réunion n’a pour voisins immédiats que des États parties dans l’APE. Autrement dit, une fois l’accord signé, La Réunion sera traitée comme n’importe quelle autre région de l’Union européenne. Son marché devra être totalement ouvert aux marchandises venant de ce bloc de plus de 600 millions d’habitants qui est son environnement géographique.

L’APE grave menace pour l’emploi

Le problème est que ce qui est produit dans les pays de notre région entre directement en concurrence avec ce qui est fait à La Réunion, en particulier dans l’agriculture. La proximité géographique rend également possible la délocalisation dans un pays voisin d’une industrie réunionnaise, car la production de l’usine délocalisée pourra entrer à La Réunion sans taxe ni quota, tout en ayant été fabriquée à un coût bien moindre. C’est en particulier la conséquence de normes sociales différentes.

La mise en œuvre de l’Accord de partenariat économique fait donc peser une lourde menace sur les dernières productions de La Réunion, si notre île ne bénéficie pas d’un traitement différencié. Elle ne pourra alors que déboucher sur des licenciements massifs, une forte augmentation du chômage et la fin de toute possibilité de développement.

Test pour la présidence française

C’est pourquoi la question de l’APE est capitale pour La Réunion. Les États de la COI sont impliqués dans les négociations avec l’Union européenne. Ils peuvent faire entendre leur voix afin d’obtenir que des secteurs qu’ils jugent stratégiques puissent rester protégés. Ce n’est pas le cas de La Réunion, intégrée à la France. Aussi, le premier Conseil des ministres de la présidence française de la Commission de l’océan Indien était donc attendu sur ce point.

Mais hier après-midi à l’heure de la conclusion, force est de constater que la question de l’Accord de partenariat économique n’a pas été abordée. L’APE n’était pas dans les discussions, a déclaré Alain Vallini, membre du gouvernement et président de la COI.

Rappelons que mercredi en conférence de presse, le Parti communiste réunionnais avait alerté sur la manière dont La Réunion est traitée dans ce conseil des ministres. Alors que la France est devenue membre de la Commission de l’océan Indien au titre de La Réunion, elle a tenu à prendre la présidence de la COI, et donc de la refuser à La Réunion.

Et La Réunion ?

Le Conseil des ministres d’hier était donc un test sur la capacité de la France de faire entendre les intérêts de La Réunion dans la discussion. Force est de constater que c’est un échec sur ce plan, confirmant les craintes du PCR. Les priorités fixées par la présidence française sont les suivantes : sécurité maritime, application des orientations de la COP21, croissance économique en s’appuyant sur la connectivité entre les îles. Elles sont le résultat de discussions avec les États membres de la COI, et prennent également en compte les intérêts de la France dans la région. Mais le choix de ces trois priorités n’a donné lieu à aucun débat à La Réunion, la population n’est pas informée et encore moins consultée. La négociation de l’APE ne figure pas dans les priorités de la présidence française alors qu’elle est inéluctable, et inscrite noir sur blanc dans la Déclaration de Moroni signée par les chefs d’État en août 2014. Elle menace la survie de la production de biens et de services à La Réunion, mais ce n’est pas discuté lors du premier Conseil des ministres de la COI présidé par la France.

Cet échec sur un point aussi important amène à se demander si les intérêts de La Réunion seront pris en compte lors de la présidence française de la COI. Il est urgent de corriger cela qu’il ne soit trop tard.

M.M.

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