Madagascar-La Réunion : illustration concrète du co-développement

’L’aménagement du territoire : la condition du développement de chaque pays’

31 juillet 2006

Séjour très enrichissant pour la délégation malgache qui présentait vendredi à la Région les premières impressions de sa visite d’une semaine.

INTERREG-Sécurisation foncière et aménagement du territoire est une action de coopération régionale coordonnée par le CIRAD. Elle est financée à hauteur de 218.000 euros sur ses 2 ans d’existence par la Région (118.000 euros) et des fonds européens d’INTERREG (100.000 euros).
"Ce programme est un exemple très concret de la coopération régionale", note Wilfrid Bertile, Vice-président de la Région. Il touche en effet une question d’actualité, dont l’issue dépend le développement d’un pays qui comptera 40 millions d’habitants dans 20 ans.
Vendredi à la Région, les partenaires de la délégation malgache ont tiré les premiers enseignements de leur séjour d’une semaine à La Réunion. Depuis le 24 juillet dernier, ils ont été successivement reçus au CIRAD, à la Direction générale des impôts, à l’Établissement public foncier régional, à la Direction de l’Agriculture et de la Forêt, par la municipalité de Sainte-Marie et la commune de Sainte-Suzanne (voir pages 4 et 5) et enfin par la Région.

"Vu et entendu beaucoup de choses"

Comme dans tous les pays, la question foncière occupe une place importante à Madagascar. Dans la Grande île, elle se pose sous un angle commun à de nombreux pays dans le monde : celui de la sécurisation foncière. Car il est difficile d’investir dans l’aménagement d’un terrain si l’on ne sait pas à qui il appartient. C’est là un des principaux défis que veulent relever les Malgaches, car sécurisation foncière rime avec sécurisation des investissements et développement.
Depuis 2004 est lancé le Programme national foncier à Madagascar. Conjointement à une décentralisation de la gestion foncière de l’État vers les collectivités locales, il vise à répondre à ce défi.
À La Réunion, "nous avons vu et entendu beaucoup de choses", explique le Député Jeannot Ranaivoson. En effet, la semaine dernière, la délégation malgache (voir encadré) a pu voir ce qui se fait à La Réunion dans le domaine de l’aménagement du territoire. "On a vu des outils de gestion du foncier et nous avons vu comment cela était planifié, de haut en bas : Schéma d’Aménagement Régional (SAR), Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT), Plan Local d’Urbanisme (PLU) sont des outils que nous ne connaissons pas", poursuit-il avant de préciser en substance qu’ils peuvent être une source d’inspiration "pour améliorer nos textes de lois et le cadre réglementaire".
Pour sa part, Iandry Ranarison, Directeur des Domaines et des services fonciers, note que la gestion foncière obéit à des logiques différentes dans ces 2 pays de l’océan Indien. "À La Réunion, elle est orientée vers l’aménagement du territoire alors qu’à Madagascar, elle est dirigée vers la sécurisation du monde rural". Le responsable malgache a pu aussi constater qu’à La Réunion, "les notaires et les communes ont beaucoup plus de pouvoir".

"Il faut qu’il y ait une suite"

"Savoir comment cela fonctionne", "quelles leçons pouvons-nous tirer ?", "des exemples qui vont inspirer notre réflexion" : voici les premières impressions de nos partenaires de coopération. Et déjà des premières conclusions selon le Maire de Moramanga, Guy Rakotoarijaona. "En visitant la Direction générale des impôts, nous avons vu que la population envoie elle-même sa déclaration. C’est un exemple à suivre, et lors de la délivrance d’un permis de construire, nous fournirons aussi une déclaration à remplir par le propriétaire", explique le premier magistrat de la ville jumelée avec Sainte-Suzanne. Il constate aussi que sur la question de l’aménagement du territoire, La Réunion "met beaucoup d’importance sur le logement et l’emploi alors qu’à Madagascar, la priorité c’est l’assainissement". Cette visite "est une première étape, il faut qu’il y ait une suite". Un point de vue que rejoint le Vice-président de la Région qui affirme que dans l’aménagement du territoire, "le projet actuel le montre, l’expertise réunionnaise est appréciée". "Nous devons travailler à une suite, vers d’autres collectivités malgaches", ajoute-t-il, "demain, Madagascar aura besoin de géomètres par exemple, cet aspect du co-développement peut créer des emplois". Et comme pour réaffirmer l’importance de cette question, le Député Jeannot Ranaivoson conclut en soulignant que : "l’aménagement du territoire, c’est la condition du développement de chaque pays".

Manuel Marchal


La délégation des partenaires malgaches

Guy Rakotoarijaona, Maire de Moramanga, Jeannot Ranaivoson, Député de Moramanga, Jean-Georges Botou, Député de la circonscription de Sainte-Marie, Iandry Ranarison, Directeur des Domaines et des services fonciers, Patrick Rasolofo, Administrateur, Rivo Ramboarison, Consultant au Programme national foncier (PNF), Prisca Randrianarison, Consultante au PNF, Lalaoarisoa Raheliarijaona, chef du Service de conservation foncière.


Madagascar est "notre principal partenaire"

La visite de la délégation malgache a été l’occasion pour le Vice-président de la Région de rappeler les relations de co-développement qui unissent Madagascar et La Réunion.

Wilfrid Bertile explique que Madagascar "est un pays immense, plus grand que la France, avec d’importantes richesses naturelles mais surtout un potentiel humain considérable".
Le Vice-président de la Région précise que Madagascar est "notre principal partenaire dans le co-développement". Une coopération qui se fait "dans tous les domaines". Parmi ces derniers, l’éducation tient une place de choix avec le PARSEM, Programme d’appui au système éducatif malgache. Autres domaines déclinés : la lutte contre la pauvreté, la culture et la participation de jeunes Réunionnais au développement du pays avec le programme des Volontaires du progrès.
Ces actions s’appuient sur une forte volonté politique manifestée au plus haut niveau dans les 2 pays. Depuis 1998, la Région a contribué pour plus de 3 millions d’euros dans le co-développement avec le peuple malgache. Pour sa part, le programme INTERREG a permis d’investir 965.000 euros.
Avec la nouvelle programmation des fonds européens pour la période 2007-2013, Wilfrid Bertile appelle à une mobilisation plus importante de ces ressources pour aller vers l’intensification des relations d’enrichissement mutuel entre Madagascar et La Réunion, 2 îles où vivent 2 peuples frères par l’histoire et la culture.
Il est un domaine essentiel pour Madagascar, c’est la sécurisation foncière, affirme en substance Wilfrid Bertile. La sécurisation foncière, c’est savoir qui est propriétaire de quoi. Ce problème existe dans beaucoup de pays en développement. Pour cela, le projet INTERREG-SFAT se situe dans un secteur important.
INTERREG-SFAT signifie la création d’un pôle de compétence régional dans le domaine de l’aménagement du territoire. C’est un des 4 thèmes de ce programme, annonce Sigrid Aubert du CIRAD. "L’action phare est la mise en place d’un service foncier de proximité par l’association HARDI sur l’un des sites pilotes du Programme national foncier, à Miandanandriana", quant au 4ème objectif, il consiste à la venue d’opérateurs malgaches à La Réunion.


Décentralisation et nouveau statut de propriétaire

Jeannot Ranaivoson, Député de la circonscription de Moramanga, rappelle que le foncier est un problème ancien et récurrent à Madagascar. "À Madagascar, le terrain ne manque pas mais le mode d’appropriation n’est pas sécurisant", affirme le parlementaire malgache, "tout Malgache installé sur un terrain se croit propriétaire. Or, tout ce qui n’est pas titré ou borné appartient à l’État". Et cela est source de conflit et complique la mise en valeur de ces nombreuses parcelles. "Le gouvernement malgache prend à bras le corps le problème", poursuit-il. Et de préciser qu’"en 2003 et en 2005 ont été votée 2 lois sur le foncier. Un autre projet est en gestation".
Prisca Randrianarison, Consultante du Programme national foncier, détaille l’évolution du cadre législatif. Jusqu’à présent existaient 2 modes d’appropriation : la propriété privée titrée et les domaines appartenant à l’État. La loi crée "un nouveau statut, celui de la propriété privée non titrée". Cette nouveauté s’accompagne du "processus de décentralisation de la gestion du foncier vers les communes", qui peuvent être compétentes dans la propriété privée non titrée.


"Réforme primordiale"

Jean-Georges Boutou, Député de l’île Sainte-Marie, explique que dans sa circonscription, il est confronté à "beaucoup de problèmes de foncier". Pour lui, "la réforme de la sécurisation foncière est primordiale pour sécuriser les investissements". Dans l’île de Sainte-Marie, c’est l’occupation traditionnelle qui est majoritaire. Des terrains privés non titrés deviennent un patrimoine familial. De ce fait, dans l’île, on voit des occupations et ventes illicites.
Sainte-Marie partage un point commun avec La Réunion : l’insularité. Ce qui amène le parlementaire malgache à s’interroger : "ce qui est fait à La Réunion, est-ce applicable, surtout à Sainte-Marie ?".
Régler ces problèmes fonciers revête le caractère de l’urgence puisque si aujourd’hui l’île compte 19.000 habitants, dans 20 ans, sa population aura doublé. D’où la nécessité de penser dès maintenant à des moyens de préserver le droit au développement de cette génération qui arrive.


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