Coopération régionale

L’aménagement : un puissant levier pour le co-développement solidaire

31 juillet 2006

Jeudi à Sainte-Suzanne, la visite de la délégation d’opérateurs et d’élus malgaches abordait les compétences des collectivités locales dans l’aménagement à travers une visite de terrain. Des échanges très instructifs qui apportent une nouvelle dimension à la coopération entre 2 peuples frères.

Arrivée le 23 juillet et pendant une semaine, une délégation en provenance de Madagascar a séjourné dans notre île dans le cadre d’une action de coopération. Il s’agit d’un programme de sécurisation foncière (INTERREG-SFAT). Lancé en 2004 pour une durée de 2 ans, il vise à en particulier à créer un pôle de compétence sur les questions du foncier et de l’aménagement du territoire à l’échelle du Sud-Ouest de l’océan Indien. Nos pays sont au cœur d’une transition démographique qui va augmenter considérablement leur population, ce qui implique une nécessaire anticipation pour que les habitants de nos îles puissent vivre dans un environnement qui leur laisse les moyens de se développer. À Madagascar en particulier, une autre transition se déroule en parallèle. Depuis 2004, le pays s’est engagé dans une réforme foncière qui a pour objet de sécuriser, c’est-à-dire de déterminer de la manière la plus juste possible qui sont les propriétaires fonciers. Pour cela, le pays cherche à se doter de moyens humains et matériels susceptibles de l’aider à relever ce défi considérable.
Dans cette optique, l’action INTERREG-SAFT rassemble différentes compétences d’institutions réunionnaises : Université, CIRAD, CNASEA, DAF, services fiscaux de l’État et APR. C’est le CIRAD qui a la responsabilité de coordonner cette action, soutenue par la Région et financée par les fonds européens.

"Nos frères malgaches"

Au cours de la semaine dernière, la délégation malgache forte de 8 membres dont 2 parlementaires est venue échanger avec ces différents partenaires.
Elle était jeudi sur le terrain dans 2 communes : Sainte-Marie et Sainte-Suzanne. Connaître les compétences des communes réunionnaises en matière de gestion du foncier et les outils utilisés, tel était le thème de la journée.
À Sainte-Suzanne, la délégation a été chaleureusement accueillie par le Maire Maurice Gironcel. Parmi les membres de la mission, Guy Rakotoarijaona est Maire de Moramonga, ville jumelée depuis 6 ans avec Sainte-Suzanne. Maurice Gironcel a tenu à rappeler les liens avec "nos frères malgaches", dans une perspective de coopération et d’enrichissement mutuel. Après un repas pris en commun, les partenaires de la Grande Île ont parcouru durant l’après-midi quelques équipements qui structurent la commune.

Énergies renouvelables

Direction le quartier de la ZAC Pente Bel Air pour une visite du lycée. Le déplacement s’est poursuivi sur le site d’enfouissement technique de Sainte-Suzanne. L’occasion de présenter des solutions réunionnaises de traitement et de valorisation des ordures. C’est par exemple la turbine à bio-gaz, où les déchets deviennent de l’énergie. Après un passage par la ZAC de Quartier-Français, la visite s’est prolongée par la ferme éolienne de Sainte-Suzanne. Un autre lieu de production d’énergie renouvelable, respectueuse de l’environnement.
Le séjour de la délégation malgache a été également marqué par une réunion de travail au cours de laquelle Maurice Gironcel a resitué le cadre de cette mission. Il a rappelé que "nos 2 pays se sont engagés résolument dans la voie du développement solidaire"."Compte-tenu des défis à relever et cela dans de nombreux domaines, la “Sécurisation foncière et l’Aménagement du territoire” constituent en effet un axe majeur de réflexion afin de relever le pari du développement", a-t-il ajouté avant de préciser que "ce thème est un des éléments fondateurs du socle de cette société que nous construirons ensemble". Et de conclure en réaffirmant que "cette vision anticipatrice autour du foncier et de l’aménagement est nécessaire pour mener encore plus loin la bataille d’un développement profitable à tous". Nul doute que cette mission ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte pour le co-développement solidaire des peuples de l’océan Indien.

Manuel Marchal


Maurice Gironcel : "Mener encore plus loin la bataille d’un développement solidaire"

Nous reproduisons ci-dessous quelques extraits de l’allocution prononcée par Maurice Gironcel, Maire de Sainte-Suzanne, en clôture de la réunion de travail de jeudi soir.

"(...) Depuis quelques années - et nous nous en félicitons -, nos deux pays se sont engagés résolument dans la voie du développement solidaire. Et, c’est dans ce cadre que s’inscrit ce projet de coopération régionale initié avec Madagascar grâce à l’appui de la Région en associant les compétences d’un certain nombre d’organismes réunionnais, notamment le CIRAD, le CNASÉA, la SAFER, la DGI, l’APR, l’Université de La Réunion. (...)
Votre séjour a été une occasion supplémentaire et privilégiée de réaffirmer les liens unissant nos deux îles mais également notre volonté commune de continuer à œuvrer pour asseoir ce nécessaire développement solidaire.
Une volonté commune réaffirmée en 2000 à travers le Jumelage entre les villes de Sainte-Suzanne et de Moramanga et qui s’est par ailleurs traduite par les accords de coopération entre Madagascar et les Collectivités locales de La Réunion (...)
Et, les échanges d’expertises et d’expériences ayant jalonné cette mission sont une nouvelle illustration de notre attachement commun à poursuivre dans cette voie du développement solidaire.
Compte-tenu des défis à relever et cela dans de nombreux domaines, la "Sécurisation foncière et l’Aménagement du territoire" constituent en effet un axe majeur de réflexion afin de relever le pari du développement.
Ce thème étant un des éléments fondateurs du socle de cette société que nous construirons ensemble.(...)
Au nom du Conseil municipal, au nom de la Ville de Sainte-Suzanne et au nom de tous les Réunionnais, je vous renouvelle à toutes et à tous encore une fois mes remerciements pour votre contribution à travers vos échanges à cette vision anticipatrice autour du foncier et de l’aménagement, nécessaire pour mener encore plus loin la bataille d’un développement profitable à tous !"


Guy Rakotoarijaona, Maire de Moramonga

Comme l’aigle qui attrape la tortue

Maire de la ville jumelée à Sainte-Suzanne, Guy Rakotoarijaona a rendu un hommage appuyé à l’accueil chaleureux des Réunionnais depuis le début de la visite.

"(...) Plus particulièrement sur Sainte-Suzanne, cette demi-journée était très intense. Nous avons la tête pleine d’idées, mais nous sommes comme l’aigle qui a attrapé une tortue. Des idées ont été avancées mais devant tant de difficultés à régler concernant le foncier, nous sommes comme l’aigle désemparé devant la carapace d’une tortue. (...)
Nous avons discuté de logement social, et visité la commune et y compris les kalbanons. On est un peu encore à l’échelle des kalbanons, mais on a cette volonté d’avancer (...). Ce jumelage doit se poursuivre. Nous avons la volonté d’avancer dans ce partenariat. Nos deux pays ont des liens historiques et culturels.
La visite en 2004 d’une délégation d’agriculteurs réunionnais conduite par Angélina Imira, (adjointe à la Culture de Sainte-Suzanne - NDLR) a bénéficié à énormément de personnes au-delà de Moramonga : les hôpitaux, une grande opération de dératisation, des livres, des vêtements...
Nous espérons vous accueillir prochainement et en particulier lors des festivités du 29 mars prochain."


Sécurité foncière et développement durable

"À Madagascar, la sécurisation foncière occupe une place fondamentale parmi les enjeux du développement.
Garante de la paix sociale : elle participe à l’augmentation de la production agricole et des revenus paysans, rassure les investisseurs, incite les usagers à bonifier leurs parcelles et à les exploiter durablement.
Elle peut également devenir le moteur du développement des communes, en leur fournissant le support nécessaire à la réalisation de Schémas d’Aménagement du Territoire et à la relance de la fiscalité locale."
(Source Projet INTERREG-SFAT)


Zot la di

o Guy Rakotoarijaona, Maire de Moramonga

Nous espérons que cette visite puisse apporter un sang neuf à la coopération entre La Réunion et Madagascar. Notre objectif est de continuer à nous développer mutuellement.

o Jeannot Ranaivason, Député de la circonscription

Le Député Jeannot Ranaivason rappelle qu’à Madagascar, le rapport à la propriété foncière est diamétralement opposé à ce que connaissent les Réunionnais. Contrairement à notre île, à Madagascar, l’État est de loin de premier propriétaire des terrains agricoles et viabilisés. Cela est dû à des facteurs culturels et lié à l’histoire récente du pays. Néanmoins, cette situation provoque des conflits qui menacent de s’intensifier. Le résultat, c’est qu’une grande partie de la population utilise et vit sur des terres sans reconnaissance officielle. Les Malgaches ont de fait créé des systèmes de gestion foncière qui ne sont pas encadrés par des textes de lois, mais utilisés au quotidien.

o Sigrid Aubert, Chercheuse du CIRAD

La visite de la délégation s’inscrit dans le développement d’un pôle de compétence à vocation régionale dans le domaine de l’aménagement sécurisé du territoire. La première étape est ce lien entre La Réunion et Madagascar.
Nous avons balisé le chemin en 4 étapes parmi lesquelles tout d’abord la constitution de ce pôle, l’appui à la mise en place d’un guichet unique sur le foncier à Moramanga. Il s’agit en particulier de participer à la réforme foncière dans la Grande île. Depuis peu, Madagascar s’est engagé dans la décentralisation de la compétence de la gestion foncière. C’est une très grande réforme qui est porteuse de bouleversements.
Enfin, le dernier point est le rapprochement des opérateurs réunionnais et malgaches. C’est dans ce cadre que se situe la venue de la délégation de 8 personnes : Ce projet devrait trouver une perspective future, nous souhaiterions trouver des moyens pour le continuer.


Explications sur la réforme foncière à Madagascar

À la Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural qui s’est tenue à Porto Alegre du 7 au 10 mars 2006, il a été question de "l’expérience du Programme National Foncier à Madagascar". voici quelques extraits qui permettent de situer le contexte de la visite de nos partenaires malgaches.

"L’histoire du foncier à Madagascar a été marquée par les grands changements politiques survenus depuis le 19ème siècle. Depuis l’indépendance, le cadre juridique est basé sur le monopole de l’État et la propriété privée attestée par le titre foncier. Toutefois, les droits fonciers coutumiers ont continué à survivre et à évoluer en marge de la légalité foncière.
Actuellement, le contexte foncier peut être considéré comme en “transition” : La gestion foncière traditionnelle recule face à l’individualisation et à la marchandisation de la terre. Les citoyens malgaches se tournent vers l’État et ses services fonciers pour faire valoir leurs droits sur le sol. Cependant, le dispositif législatif réglementaire complexe est mal compris, voire rejeté et souvent inaccessible à la majorité des usagers car, non ajusté aux réalités pratiques et économiques. Le décalage entre le besoin de sécurité foncière des individus et la capacité de l’État (pouvoir central) à délivrer des titres de propriété constitue un frein important au développement.
Depuis mars 2004, le Ministère de l’Agriculture de l’Élevage et de la Pêche malgache en charge de la Direction des Domaines et des Services Fonciers, a initié un vaste programme appelé Programme National Foncier (PNF) destiné à sortir le pays de cette crise foncière et domaniale. La réforme présente des innovations.
Il s’agit, d’une part, de la décentralisation de la gestion foncière concrétisée par la mise en place de guichets fonciers communaux et intercommunaux ; d’autre part, d’une sécurisation foncière améliorée par la reconnaissance légale sous la forme de certificats fonciers, des "droits de propriété coutumiers". (...)
En 2005, les avancées ont été considérables : le gouvernement malgache a promulgué la Loi de cadrage 2005-019 (17 octobre 2005) qui modifie les principes régissant les statuts des terres à Madagascar ; le 07 juillet 2005 a été inauguré le premier Guichet Foncier de l’île et le 2 février 2006 les premiers Certificats Foncier ont été délivrés.
Les premières analyses montrent combien le processus participatif, bien que difficile à instaurer, est primordial dans la mise en œuvre d’une politique foncière.
De plus, si les premiers résultats sont significatifs, la poursuite du processus reste conditionnée à une volonté politique réaffirmée d’œuvrer pour développement rural, afin de garantir à tous et notamment aux plus démunis les droits de tenures et d’accès à la terre et aux ressources naturelles."


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