Colloque sur la mondialisation dans notre région

’L’océan Indien subit plus qu’il ne profite’

10 décembre 2004

Le colloque ayant pour thème “La mondialisation dans l’océan Indien : état des lieux, enjeux et perspectives” a débuté hier à la Région. Selon le président de l’université Serge Svizzero, ’la solution passe par le développement de la coopération régionale’ et par la promotion des valeurs démocratiques.

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La mondialisation : un mot, un concept vague et insaisissable pour nombre de nos concitoyens. Pourtant, on en parle tous les jours sans en imaginer la complexité et l’ampleur. Pour Serge Svizzero, économiste et président de l’université de La Réunion, la mondialisation, qui fait actuellement l’objet d’un colloque à Saint-Denis, pourrait se résumer, sans que cela soit restrictif, en un "processus d’interconnexion des personnes et des activités, avec une intégration croissante des marchés".
Ce processus, ajoute Serge Svizzero, "est à la fois complexe, variable en intensité, et surtout multidimensionnel, car si l’on pense généralement à l’économie, la mondialisation a également des répercussions sur la politique, le social ou encore la culture".
Et puis, histoire de tordre le cou à une idée reçue, la mondialisation n’est pas en soi un phénomène récent, même si elle s’est considérablement accrue ces deux dernières décennies. Lorsque dans l’Antiquité, les Grecs et les Phéniciens colonisaient la Méditerranée et commerçaient avec les pays de la zone, ce n’était rien moins que les prémices d’une mondialisation qui s’ignorait.
Si, au fil de l’Histoire, on peut noter çà et là quelques signes de cette mondialisation rampante, comme la création de la Compagnie des Indes, pour Catherine Boivineau, ambassadrice de France à Madagascar, les signes tangibles apparaissent entre 1860 et jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, en 1913, avec une "ère de spécialisation des économies".
Une période où la colonisation aboutit à un commerce particulier entre colonies et puissances colonisatrices qui se fournissent en matière première et trouvent dans ces territoires de nouveaux marchés pour écouler leur production.

Mondialisation, confusion...

Autre sursaut de la mondialisation, selon Mme Boivineau : la signature, au lendemain de la seconde guerre mondiale, du GATT, accords sur le commerce mondial, devenu au fil des décennies, l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les différents “rounds”, comme on nommait alors les discussions internationales, commencent à poser la question des barrières douanières. Un mot nouveau apparaît : “multinationale”, dans les années soixante.
Et puis, l’impulsion donnée par les techniques de l’information et de la communication dans les années 80 conduisent à ce que l’on nomme maintenant “mondialisation”, un terme autour duquel règne une certaine confusion, explique Serge Svizzero qui y voit deux explications.
En premier lieu, il y a cette masse incalculable d’informations que nous n’arrivons pas à gérer de façon rationnelle et dont les conséquences peuvent être multiples. Exemple : l’épidémie de grippe aviaire en Asie, avec toutes les craintes suscitées en Europe et les retombées sur les échanges économiques...

Une certaine forme d’ethnocentrisme

Autre explication, selon le président de l’université : aussi paradoxal que cela puisse paraître, la mondialisation conduit à une certaine forme d’ethnocentrisme. Ainsi, on se met à "raisonner local dans un univers global" alors que l’économie de marché conduit à une uniformisation, et que la mondialisation conduit à une libéralisation traduite, entre autres, par un recul des services publics ouvertement prôné par l’OMC.
La mondialisation, "l’océan Indien (la) subit plus qu’il n’en profite", selon le président de l’Université. D’abord parce que la zone attire peu de capitaux, qu’elle enregistre peu de flux de biens et services, alors que les flux humains se caractérisent par “une fuite des cerveaux”. Enfin, la zone océan Indien se caractérise par de fortes disparités dans le niveau de développement des différents pays.
Face à une mondialisation subie, quelle stratégie pour l’océan Indien ? "Il n’existe pas de stratégie ou de loi universelle", explique le président de l’université. Il y a ceux qui, à l’instar de Maurice, ou à une autre échelle la Chine, ont choisi leur propre voie. Il nous faut réfléchir ensemble à une stratégie originale pour l’océan Indien, autrement, le risque est grand d’un repli sur soi ou d’un éparpillement.
La solution passe par le développement de la coopération régionale et l’université, assure son président, joue et souhaite jouer davantage un rôle d’interface en développant ses pôles d’excellence. Il s’agit aussi, assure Serge Svizzero, de répondre aux besoins de La Réunion et des pays voisins, et également de "promouvoir des valeurs démocratiques". Car la loi du marché génère inégalités et exclusions et seule la démocratie peut faire contrepoids, conclut le président de l’université.

S. D.

Le colloque “La mondialisation dans l’océan Indien : état des lieux, enjeux et perspectives” se poursuit aujourd’hui à la salle Canter du Moufia.


Général Patrick Marengo, commandant des FAZSOI

"La mondialisation nous a aidés à lever la tête"

"La mondialisation ? Une grande carte d’état-major, un nouvel espace de manœuvre au service du développement durable". Par cette formule, le général Patrick Marengo résume l’approche qu’il a de la mondialisation. Pour lui, la participation des Forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien s’inscrit justement dans cette nouvelle approche, pragmatique.
"Parfois, l’armée a déserté le champ de la réflexion, notamment en raison de son devoir de réserve". Mais, ajoute-t-il, le partenariat avec l’université et la Région ne peut qu’être fructueux. "Le croisement de la pensée militaire et universitaire peut donner des résultats intéressants."
Dans la pratique, l’armée, sous toutes ses composantes, coopère avec divers pays de la zone et intervient aussi dans le domaine de la solidarité, en cas d’aléas climatiques. "Une solidarité naturelle, car nous formons une communauté de destin", résume le général Marengo.
Moins vaste que l’Atlantique ou le Pacifique, l’océan Indien est aussi un creuset de peuples, de cultures et de religions. Dans cette zone, la mer n’a jamais été une barrière, mais un vecteur de communication, note le commandant des FAZSOI, qui déclare : "la mondialisation nous a aidés à lever la tête, à nous frotter à d’autres cultures".
Et le général de terminer par cette citation du maréchal de Lattre de Tassigny : "Ne pas subir ce qui semble irrémédiable, mais l’utiliser pour avancer".


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