Les 25 ans de la COI - 2 -

La marche vers le co-développement durable

10 janvier 2009, par Manuel Marchal

Les 12 et 13 juin 2008, des représentants des pays de la COI et la Direction de l’organisation s’étaient donné rendez-vous à la Région. Deux thèmes principaux étaient à l’ordre du jour : l’énergie et la sécurité alimentaire. Ce sont deux piliers du développement. L’évolution du contexte international et les défis communs auxquels doivent faire face les peuples de nos îles soulignent la nécessité d’élaborer ensemble une stratégie de co-développement durable, dont les bases ont été construites lors de ce séminaire.

En 2007, constatant le blocage des négociations d’un accord de partenariat économique, quatre pays ACP membres de la COI, les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles, décident de créer le groupe CMMS afin de tenter de signer malgré tout un accord intermédiaire avec l’UE. En octobre 2007, réunis à Mahé aux Seychelles, les pays ACP de la COI ont décidé ensemble de s’unir jusqu’à ce que leur voix soit entendue par l’Union européenne. Ils ont décidé d’associer La Réunion à cette démarche.
Entre cette rencontre et le 31 décembre 2007, des accords intermédiaires ont été signés entre les pays du groupe CMMS et l’Union européenne. Ils garantissent le maintien de relations commerciales sur une base d’ouverture totale du marché européen aux produits venant de ces quatre pays, en échange d’une ouverture progressive plafonnée à une très grande partie des marchés intérieurs des pays du groupe CMMS aux produits européens (voir encadré), c’est-à-dire entre 80% (Comores et Madagascar) et 97,5% (Seychelles). De plus, les quatre pays ont obtenu d’exclure de l’accord plusieurs produits, ce qui veut dire qu’ils ont obtenu que des secteurs essentiels pour leur économie ne seront pas soumis à la concurrence directe des produits européens. Sur ces biens précis, les taxes douanières destinées à protéger la production locale seront maintenues.

L’impact du libre-échange

C’est dans ce contexte nouveau qu’a commencé l’année 2008. L’application de l’accord intermédiaire signifie donc qu’à l’exception du sucre, tous les produits de nos voisins peuvent entrer sans quota, ni droit de douane à La Réunion.
Dans de telles conditions, la conséquence est, à plus ou moins brève échéance, la mise en concurrence sur le sol réunionnais des produits locaux avec les importations venues de notre région, tel est le libre-échange. Poursuivre dans cette voie, c’est maintenir les structures économiques issues de la colonisation qui ont fait de nos économies des concurrentes. Comme "Témoignages" le rappelait hier, l’exploitation des pays de la région s’est d’abord faite pour satisfaire les besoins en produits tropicaux des puissances coloniales. Ce qui a amené des îles voisines à produire les mêmes marchandises, parce qu’elles étaient colonisées par des pays différents qui avaient comme point commun la demande de ce produit.
Le libre-échange selon les orientations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne remet pas en cause cet héritage, bien au contraire. Il fait toujours de nos petits pays de simples fournisseurs de produits à bas prix pour l’Occident, et des territoires d’exportation de produits à forte valeur ajoutée issus de la manufacture des pays riches.

Tourner définitivement le dos à la colonisation

Les thèmes abordés lors du séminaire de Saint-Denis tournent le dos à cette logique issue de la colonisation. En effet, l’énergie et l’autosuffisance alimentaire sont deux questions qui concernent d’abord l’intérêt général de nos pays.
Il s’agit de partir des besoins partagés par nos îles, et d’élaborer une stratégie commune visant à répondre à cette demande qui nous est propre en nous appuyant sur les ressources que nous pouvons nous-mêmes maîtriser. Nos cinq pays sont confrontés à l’accroissement démographique, à l’impact du changement climatique, à la dépendance des hydrocarbures et des importations de produits alimentaires. Il importe de régler rapidement ces problèmes avant que chacun d’entre nous ait terminé sa transition démographique. Puisque ces défis sont partagés, une stratégie de mise en commun de nos potentiels semble la plus adaptée, tout en faisant renouer avec des racines culturelles communes que les colonisateurs ont tenté de diviser.
Des pistes sont proposées. Pour gagner la bataille de l’autosuffisance alimentaire dans notre région, pourquoi ne pas faire de Madagascar le grenier de l’océan Indien ? Puisque nos cinq îles disposent d’énergies renouvelables en abondance, pourquoi ne pas créer une Agence énergie COI pour coordonner la marche de notre région vers l’autonomie énergétique ?
Cette recherche de complémentarités pour que tous les peuples de la région s’approprient collectivement leur avenir, c’est un pas vers le co-développement durable de nos îles. C’est l’alternative au libre-échange de la mondialisation ultra-libérale.

(fin)

Manuel Marchal


Ce que prévoit l’accord intermédiaire

Un communiqué de la Commission européenne daté du 19 décembre dernier rappelle les conditions d’application de l’accord intermédiaire signé par les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles. Il s’applique depuis le 1er janvier 2008 et concerne La Réunion en tant que région de l’Union européenne.

« L’accord permet une libéralisation à 100%, en valeur, par l’UE à compter du 1er janvier, sauf pour le riz et le sucre qui bénéficieront de périodes de transition. Les Seychelles libéraliseront 97,5% de leurs importations issues de l’UE d’ici 2022 (62% après 5 ans, 77% d’ici 2017, les 20,5% restants devant être libéralisés pour 2022).
L’Ile Maurice, quant à elle, libéralisera 95,6% de ses importations issues de l’UE : 24,5% en 2008, 53,6% d’ici 2017 ; les 42% restants seront libéralisés pour 2022).
La couverture est au-delà de 80% des importations issues de l’UE pour les Comores et Madagascar. Dans le cas des Comores, 21,5% des importations seront libéralisées après cinq ans, les 59,1% restants seront progressivement libéralisés d’ici l’année 2022. Madagascar libéralisera 37% de ses importations issues de l’UE d’ici les cinq prochaines années ; les 43,7% restants seront progressivement libéralisés d’ici 2022.

Les biens exclus

Plusieurs produits issus de différents secteurs ont été exclus de la libéralisation, principalement en raison de la nécessité de protéger les produits sensibles ou les industries naissantes des divers pays.
Dans le cas des Seychelles, la liste contient la viande, les produits de la pêche, les boissons, le tabac, les articles en cuir, le verre, la céramique et les véhicules.
Maurice a quant à elle exclu les animaux vivants et la viande, les produits comestibles d’origine animale, les graisses, les préparations comestibles et les boissons, les produits chimiques, les articles en plastique et en caoutchouc, les peaux en cuir et les fourrures, le fer et l’acier ainsi que l’électronique de grande consommation.
Dans le cas des Comores, les produits exclus sont majoritairement les produits d’origine animale, le poisson, les boissons, les produits chimiques et les véhicules.
La liste des produits exclus de la libéralisation à Madagascar comprend entre autres la viande, le poisson, les produits d’origine animale, les légumes, les céréales, les boissons, le plastique et le caoutchouc, les articles en cuir et les fourrures, le papier et les métaux. »

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