Conseil des ministres de la COI : stratégie commune pour négocier avec l’Union Européenne

La solidarité permet le rassemblement sur l’essentiel

12 octobre 2007, par Manuel Marchal

Les ministres de la COI ont adopté une déclaration commune, véritable feuille de route de leur stratégie de négociation d’un Accord de partenariat économique spécifique avec l’Union Européenne. Ils demandent également de « renforcer la coopération avec La Réunion, Région Ultrapériphérique de l’Union Européenne ».

Création d’un groupe composé de l’Union des Comores, de Madagascar, de Maurice et des Seychelles pour accélérer la conclusion d’un Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union Européenne, appel à la prise en compte de spécificités communes lors de l’intégration des pays de la COI à la mondialisation ultra-libérale et volonté de renforcer les liens avec La Réunion, Région ultra-périphérique de l’Union Européenne : le Conseil des ministres de la Commission de l’Océan Indien s’est achevé sur une déclaration commune adoptée à l’unanimité. Elle pose de nouveaux jalons pour le développement solidaire de la région. Pour Paul Vergès, « cette solidarité dans l’épreuve augmente de façon très significative la crédibilité même de la COI ».
C’est en effet un pas important qui vient d’être franchi par les pays de la COI. Prenant acte de la difficulté de signer un accord avec l’Union Européenne à l’échelle de l’Afrique australe et orientale, les îles de l’Océan Indien créent un nouveau bloc qui remettra des propositions à l’Europe afin que l’Accord de partenariat économique soit signé avant le 31 décembre. Cette date est l’échéance fixée par l’OMC et la Commission européenne.

Faire valoir l’insularité

« Le Ministre Pillay a tenu à préciser que ce groupe CMMS (Comores, Maurice, Madagascar, Seychelles) au sein de la COI ne signifie pas un désengagement envers le processus de l’Afrique orientale et australe, mais que la situation exige des solutions de repli à l’approche de la date fatidique du 31 décembre 2007 », précise le journal seychellois "Nation".
La Réunion était invitée à participer à cette rencontre décisive. Président du Conseil régional, Paul Vergès représentait la France/Réunion. Patrick Pillay, Ministre seychellois des Affaires étrangères et Président du Conseil des ministres de la COI, n’a pas manqué de souligner la présence de La Réunion, et cela dans une déclaration dès le début de la rencontre. Cela « témoigne une nouvelle fois de l’esprit de solidarité qui caractérise notre Commission », a-t-il dit.
Au cours de son intervention, le président du Conseil des ministres a d’ailleurs insisté sur l’importance de prendre en compte au plus haut niveau les spécificités des pays insulaires : « Il nous faut aussi inlassablement redire que même si nous partageons les difficultés générales des pays en développement, nous faisons face à d’autres défis qui sont spécifiques aux pays insulaires. C’est une réalité qui, malheureusement, n’a pas toujours été prise en compte sur la scène internationale et qui devrait pourtant peser de tout son poids dans l’agenda du développement tel que l’ensemble des parties doit le concevoir, avec justice et équité ». Il a poursuivi en « demandant une réflexion approfondie sur ce sujet au sein de la COI », indique "Nation".
Un point de vue abondé par exemple par le ministre mauricien des Affaires étrangères pour qui « nous devons être réalistes en défendant nos spécificités d’Etats insulaires, et c’est ce que nous avons fait aujourd’hui ».

« Coopération renforcée avec La Réunion »

La rencontre s’est poursuivie par l’examen de la déclaration finale. Adoptée à l’unanimité, elle donne naissance au groupe CMMS qui parlera d’une seule voix avec l’Union Européenne afin de négocier un Accord de partenariat économique spécifique. Elle demande ensuite à la COI de proposer des mesures spécifiques liées à l’application d’un APE dans des pays insulaires.
La déclaration finale indique aussi que les ministres des États de la COI « décident également de développer une coopération renforcée avec La Réunion, Région Ultrapériphérique de l’UE ».
À la sortie du Conseil des ministres, les déclarations des différents chefs de délégation mettent en avant un des enseignements de l’issue positive de la rencontre. C’est la solidarité qui a donné la force de dégager une position commune dans les discussions avec l’Union Européenne. C’est ce rassemblement sur l’essentiel qui permet à la Commission de l’Océan Indien de sortir renforcée de cette conférence extraordinaire. Un rassemblement auquel La Réunion est invitée à participer.

Manuel Marchal


Paul Vergès : La COI renforcée par la solidarité de ses membres

À la sortie du Conseil des ministres, Paul Vergès a été interrogé par le journal seychellois "Nation". Voici ce qu’a déclaré à notre confrère le président de la Région :

« Je suis impressionné à la fois par l’ambition et le réalisme des pays de la COI : d’un côté, il y a l’attachement légitime avec l’Afrique et, de l’autre côté, il y a la réalité de nos États insulaires. Comment éviter cette issue négative tout en maintenant le cap ? C’est ça le résultat formidable de ce Conseil !
En attendant, à défaut d’un accord avec nos frères africains, les pays de la COI préparent à juste titre la possibilité d’un accord COI-Union Européenne. Cette solidarité dans l’épreuve augmente de façon très significative la crédibilité même de la COI. Dans l’hypothèse qu’il n’y a pas d’accord entre l’AFOA et l’Union Européenne, la France soutiendra l’initiative des pays de la COI. La France est inquiète du retard pris dans la négociation l’AFOA avec l’UE ».


L’urgence d’un accord avec l’Union Européenne

Le Ministre seychellois des Affaires étrangères, Patrick Pillay, est revenu sur les raisons qui amènent les pays de la COI à créer le bloc CMMS. L’enjeu est essentiel pour Maurice et les Seychelles qui, à la différence de Madagascar et des Comores, ne sont pas éligibles à l’initiative "Tout sauf les armes" qui permet d’ores et déjà d’exporter vers l’Europe quasiment tout produit sans quota, ni droit de douane :
« Sans un accord sur l’accès aux marchés, opérationnel le 1er janvier 2008, ces deux Etats (Maurice et les Seychelles - NDLR) ne pourront pas continuer à exporter leurs produits, hors taxes et sans contingent, vers les pays européens, ceci en raison des nouvelles normes imposées par l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC) à la date du 31 décembre 2007. Vous pouvez imaginer les conséquences sociales et économiques désastreuses d’une telle éventualité pour les Seychelles et Maurice, dont l’Union Européenne est le principal partenaire commercial.
Par voie de conséquence, l’impact sur le développement durable de la sous-région serait aussi des plus préoccupants. Oui, je parle bien de notre sous-région, car l’onde de choc d’une telle catastrophe se répercuterait au-delà des frontières nationales même si les conséquences seraient bien sûr de portée différente d’un pays à l’autre ».


Déclaration finale adoptée par la session extraordinaire du Conseil de la COI

« Les Ministres de l’Union des Comores, de la République de Madagascar, de la République de Maurice et de la République des Seychelles (le Groupe CMMS), en présence du Président du Conseil régional de La Réunion, tous pays membres de la Commission de l’Océan Indien (COI) :

1. Décident de constituer au sein de l’AFOA un sous-groupe (CMMS - Comores, Madagascar, Maurice, Seychelles) afin d’accélérer le processus de négociation et la conclusion d’un APE dans les délais prescrits ;

2. Décident de s’assurer que tout APE prendra en considération les spécificités des îles de l’Océan Indien ainsi que leurs besoins de développement durable ;

3. Décident d’adopter à titre conservatoire et dans l’hypothèse où les négociations AFOA-UE n’aboutiraient pas avant le 31 décembre 2007, une offre collective du groupe CMMS sur l’accès au marché et une position commune sur l’aspect développement de l’APE, y compris les ressources additionnelles afférentes afin d’aider les CMMS à mieux s’adapter à la situation que posent la libéralisation du commerce et la réforme économique ;

4. Décident de se réunir à la fin du mois d’octobre 2007 pour un constat sur l’état d’avancement des négociations de l’APE au sein de l’AFOA, et prendre, en conséquence, les mesures qui s’imposent dans le but d’éviter toute rupture dans les relations commerciales entre le CMMS et l’UE ;

5. Demandent au secrétariat de la COI d’explorer et de proposer les mesures appropriées pour canaliser les ressources pour le financement de l’ajustement des CMMS liées à la mise en œuvre de l’APE et aux contraintes que pose leur insularité ;

6. Décident également de développer une coopération renforcée avec La Réunion, Région Ultrapériphérique de l’UE. »


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Voici les déclarations des chefs des délégations des Seychelles, de Maurice, de Madagascar et des Comores recueillies par le quotidien seychellois "Nation" à la fin du Conseil des ministres de la COI :

• Madan Dulloo, Ministre des Affaires étrangères de Maurice

« Être réalistes en défendant nos spécificités d’Etats insulaires »

« La déclaration adoptée aujourd’hui est un grand pas pour mettre fin à une situation d’incertitude dans laquelle Maurice et les Seychelles se trouvent : le danger de ne plus pouvoir exporter nos produits vers l’Union Européenne à partir de l’année prochaine sans se faire lourdement taxer.
C’est la survie de nos deux pays qui est en jeu. Vous vous rendez compte du désordre économique, social et politique que cette situation va provoquer si elle ne trouve pas une solution avant décembre prochain !
Nous avons une lourde responsabilité devant nos peuples, et c’est pourquoi nous n’avons pas le temps de tergiverser. Et ce Conseil des ministres vient à point nommé, car avec les pays de l’Afrique orientale et australe (AFOA), ça traîne trop. Il nous faut être réalistes : bien que nous préservons nos liens très étroits avec les pays de l’AFOA, nous devons être réalistes en défendant nos spécificités d’Etats insulaires, et c’est ce que nous avons fait aujourd’hui ».

• Harison Edmond Randriarimanana, Ministre de l’Economie de Madagascar

« Une nouvelle épaisseur à l’action de la COI »

« Je pense que les pays de la COI commencent vraiment à avoir une vision économique de nos relations. Cette dimension économique est très encourageante, car elle ne peut qu’être gagnante dans un monde de plus en plus tourné vers le commerce.
Depuis sa création, la COI a consolidé ses actions au niveau politique et social. Ce Conseil des ministres aux Seychelles donne une nouvelle épaisseur à l’action de la COI. C’est pourquoi, je félicite le gouvernement seychellois pour avoir pris l’initiative d’un tel Conseil extraordinaire. Concrètement, je voudrais voir plus d’échanges entre nos pays. Je prends par exemple les fruits et légumes : nous avons le volume pour exporter vers nos pays frères de l’Océan Indien, mais des obstacles de logistique et de règlements freinent ce commerce. Je peux citer d’autres produits des autres pays membres qui peuvent ainsi être échangés. C’est donc le temps de traduire ces intentions en réalité ».

• Hussan Hamadi, Ministre de l’Economie de l’Union des Comores

« Cette solidarité nous permet de confirmer notre union »

« D’abord, je suis très heureux de l’attitude des pays de la COI envers l’Union des Comores en ce qui concerne le problème avec l’île d’Anjouan. Cette situation n’a que trop duré, et cela nous freine dans notre objectif de développement économique et social.
En ce qui concerne l’Accord de Partenariat Economique avec l’Union Européenne, notre gouvernement est totalement solidaire avec les Seychelles et Maurice. Cette solidarité nous permet de confirmer notre union dans cette sous-région. Vous savez, aujourd’hui, la situation dans le monde est telle qu’aucun pays ne peut jouer solo. Toute réussite passe par la force des négociations globales ».

• Patrick Pillay, Ministre des Affaires étrangères des Seychelles

Pour davantage de liens aériens et maritimes

« Je suis tout à fait satisfait des soutiens de Madagascar, de l’Union des Comores et de la délégation de La Réunion sur ce dossier. Cette solidarité nous donne la possibilité de rehausser le statut de la COI. Je suis d’autant plus heureux et fier que ce sont les Seychelles qui ont pris l’initiative d’une telle session extraordinaire du Conseil des ministres. La COI doit assumer son rôle d’outil économique au service de ses États membres. Pour ce faire, il faut davantage de liens aériens et maritimes. Il faut aussi éliminer les barrières au mouvement des biens et services entre les pays. Ce Conseil des ministres aux Seychelles a démontré, s’il en était besoin, que la COI est avant tout une organisation regroupant des peuples frères qui savent se serrer les coudes durant les temps difficiles ».

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