Coopération régionale

Le partage des connaissances pour construire durablement une île

13 mars 2007

Dans le domaine de l’enseignement agricole, La Réunion fait figure de modèle pour les îles de l’Océan Indien. D’ailleurs, un accord-cadre de coopération a été signé, il y a 2 ans, entre le Lycée d’Enseignement Général et Technologique Agricole (LEGTA) de Saint-Paul et le Lycée d’Enseignement Professionnel Agricole (LEPA) de Saint-Joseph d’une part, et le lycée agricole de Coconi (Mayotte) et de l’Université de Patsy (Anjouan), d’autre part.
Dans le cadre de cet accord, 15 étudiants de l’Université de Patsy, accompagnés de 2 professeurs, ont fait le déplacement dans notre île afin de découvrir nos techniques, nos méthodes en matière d’agriculture, mais aussi de développement durable, pour pouvoir les reproduire chez eux à Anjouan.

C’est la deuxième année où des étudiants d’Anjouan viennent dans notre île, et cela n’aurait pu se réaliser sans l’implication totale et le bénévolat de nombreuses personnes, notamment Daniel Saugues, professeur au lycée agricole de Saint-Joseph et initiateur du projet.
En 2005, après la signature de l’accord de coopération, et comme l’a souligné le proviseur du LEPA de Saint-Joseph de l’époque, « il appartiendra à chaque établissement de construire des partenariats particuliers avec l’Université de Patsy ». En effet, travailler avec les pays de la zone Océan Indien fait partie des missions du lycée agricole de Saint-Joseph. Cette coopération permet aux étudiants de s’ouvrir sur le monde, d’apprendre à se connaître, partager les expériences sur le plan de l’enseignement, mais aussi sur celui des techniques agricoles. Agro-tourisme, environnement, agriculture sont les thèmes sur lesquels sont basés ces échanges.

La collaboration date de 2002

C’est en 2002 que débute cette collaboration. En effet, nous raconte Daniel Saugues, « nous sommes allés aux Comores, à la demande de la région, pour effectuer 2 missions. Nous avons constaté que là-bas, l’Université est toute seule, et que de plus, elle n’évoluait pas au même niveau que la nôtre ». Les liens se sont tissés au fur et à mesure, et la collaboration a pu se mettre en place.
« A partir de 2003, nous avons sollicité le lycée de Saint-Joseph pour harmoniser nos programmes, nous donner des appuis pour créer nos BTS », souligne Ahamadi Allaoui, professeur à l’Université de Patsy. En quête de professionnalisation, ils sont donc venus voir sur place, il y a quelques années, ce qui leur a permis de créer les BTS agriculture et agro-tourisme. « Il existe à La Réunion des institutions de recherche qui n’existent pas à Anjouan, et tous ces échanges ont été très positifs pour nous », ajoute le professeur.
Dans la continuation de ces échanges, le groupe de 15 Anjouanaises et Anjouanais est arrivé dans notre île le 1er mars dernier et repart aujourd’hui.
Durant leur séjour, ils ont donc pu rencontrer de nombreux partenaires institutionnels tels que l’ONF, la DAF, le CIRAD, etc..., avec qui ils ont partagé les connaissances concernant des problématiques liées à l’agriculture. La pratique sur le terrain n’était pas en reste, puisque les étudiants ont pu côtoyer les professionnels de la Sicalait, des propriétaires de Gîtes de France, un guide pays, mais aussi une association de Saint-Leu, “Sentier lontan”. Ces rencontres, très enrichissantes, ont même fait naître des vocations chez certains et ont pu leur faire voir d’éventuelles perspectives de carrière.

Développer l’agriculture et l’agro-tourisme aux Comores

Dans une île où 80% de la population vivent en milieu rural et où l’agriculture occupe une place importante, il est essentiel de changer les idées reçues et de faire évoluer les choses. Soiffaouiddine Sidi, professeur à l’Université de Patsy, nous explique qu’il ne faut pas répéter les erreurs du passé. « Il est essentiel aujourd’hui de former les jeunes en fonction de la demande et de mettre en place des formations professionnalisantes en adéquation avec les besoins du pays », indique le professeur. Les différents voyages effectués dans notre île leur ont permis d’élargir leur offre de formation, notamment en agro-tourisme, secteur encore méconnu chez eux. « Nous avons pu tirer des leçons, dont une qui nous a marquée, c’est que l’on peut être agriculteur tout en vivant d’une activité touristique. Nous l’avons vu ici avec les gîtes » et cela constitue une très grande nouveauté pour ces étudiants.
Le groupe compte des étudiants de différentes régions de l’île d’Anjouan pour une simple raison : « que les expériences vécues ici puissent profiter à toutes les régions de l’île, nous explique Soiffaouiddine Sidi. Cela est destiné aussi à réduire la charge de la fonction publique, montrer que le secteur privé peut aussi très bien se développer ». Aux Comores, on a l’habitude de penser que seul l’accès à fonction publique va permettre de très bien vivre. Malheureusement, pour les uns, ou heureusement, pour d’autres, la fonction publique ne peut pas prendre tous les étudiants.
Les visites dans les gîtes leur ont permis de voir que l’on peut aussi bien vivre du tourisme, de l’agriculture, bref, du secteur privé. Mais il est primordial que la formation dispensée soit en adéquation avec les besoins.
Quant aux professeurs accompagnateurs, ils repartent avec de nouvelles idées pour enrichir leur programme de formation. Ils se sont rendus compte que La Réunion savait très bien valoriser son patrimoine et que là-bas, aux Comores, ils passaient à côté d’un certain nombre de choses.
Pour compléter ses connaissances, le groupe d’Anjouanais repart avec des livres scolaires vétustes, mais qui restent adaptés à leur formation, mis à disposition par l’association des parents d’élèves FCPE de Saint-Joseph.

Cependant, pour arriver à notre degré de développement, le chemin est encore long pour les Comores. Mais grâce à ce genre de coopération avec le LEPA de Saint-Joseph, on peut avoir confiance en l’avenir, et nous espérons voir les Comores se développer durablement en matière d’agriculture et de tourisme.
L’archipel dispose désormais des moyens humains et techniques afin de mener à bien cette mission.

Sophie Périabe


Témoignages

• Saïd Douad, étudiant en agriculture

Notre séjour à La Réunion nous a permis de joindre la pratique à la théorie que nous avions vue dans notre Université à Anjouan. Beaucoup de choses ici n’existent pas là-bas, comme la DAF, l’ONF, etc... tout cela est très bien organisé. Tous les partenaires se réunissent et travaillent ensemble, ce qui fait qu’ici, l’agriculture est bien plus développée, plus en avance que chez nous. Après mon BTS, j’aimerais bien venir à La Réunion pour continuer mes études, nous avons encore tellement de choses à apprendre de vous.

• Binti Ali Catherine, étudiante en agro-tourisme

Nous avons découvert beaucoup de choses, notamment les produits et les services touristiques. Chez vous, il y a une législation touristique, avec des chartes de qualité, tout cela n’existe pas chez nous.
Les paysages sont également très proches entre nos deux îles, et là-bas, il n’y a presque pas de protection de l’environnement. Nous nous rendons compte du potentiel que l’on a en matière d’agro-tourisme. Pourquoi pas ouvrir un gîte après les études ? C’est une idée qui me plait bien.

• Ankid Anlihamidi, étudiant en agro-tourisme

Pour beaucoup d’entre nous, c’était la première fois qu’on prenait l’avion. Cela nous a permis de voir comment fonctionne un aéroport, la structuration des billets d’avion, les démarches pour les Visas, tout cela nous a enrichi personnellement.
On a pu ensuite comparer La Réunion et les Comores. Nous avons appris beaucoup de choses au niveau du tourisme, par exemple les tables d’hôtes, on n’avait jamais vu ça. L’accueil est également très important pour attirer le touriste.
Nous allons donc prendre modèle sur La Réunion pour essayer d’attirer le touriste aussi chez nous, avec une île plus propre, une meilleure hygiène, prendre en considération notre environnement, etc...

• Mirghane Madjidi, étudiant en agriculture

De tout ce qu’on a pu apprendre durant notre séjour, on n’est pas obligé de tout reproduire chez nous, mais prendre quand même un maximum d’informations qui seront adaptées à Anjouan. Il me semble très important de remercier Daniel Saugues et le lycée agricole de Saint-Joseph qui ont déployé des efforts pour nous accueillir, et nous espérons renforcer encore plus cette coopération pour améliorer nos connaissances et développer durablement l’île d’Anjouan.

Propos recueillis par Sophie Périabe


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