Une France réduite au rang d’observatrice ne pourra pas défendre les intérêts réunionnais

Le respect et la représentation de La Réunion dans la COI : question de survie

26 février 2016, par Manuel Marchal

Lors de sa conférence de presse mercredi, le Parti communiste réunionnais avait donné un coup de projecteur sur l’absence de représentation de La Réunion dans la COI. Un accord de libre-échange se prépare entre l’Union européenne et les États d’Afrique orientale. Ce sont les voisins de La Réunion et leurs marchandises et services pourront venir concurrencer sans taxe les productions de notre île, si les intérêts de La Réunion ne sont pas défendus. Ce n’est pas avec la France réduite au rang d’observatrice que La Réunion pourra être entendue. Il est donc urgent de corriger le tir, sous peine de voir le nombre de travailleurs privés d’emploi dépasser celui des actifs à La Réunion.

La menace qui pèse aujourd’hui sur la canne à sucre s’étendra à tous les secteurs si La Réunion est maintenue à l’écart des négociations de l’Accord de partenariat économique définitif. (Photo Toniox)

L’INSEE vient de dévoiler le contenu d’une étude sur l’évolution du nombre d’emplois dans le secteur marchand lors du troisième trimestre 2015. Il apparaît qu’au cours de ces trois mois, le nombre de personnes employées dans le privé a augmenté de 1,8 %, et de 3,6 % au cours des 12 mois précédents. Elles montrent un dynamisme dans ce domaine plus grand qu’en France. À 10.000 kilomètres de La Réunion, les créations d’emploi dans le secteur marchand stagnent depuis 6 ans. Il est à noter qu’au cours de cette période, les aides de l’État aux entreprises ont augmenté à La Réunion, avec la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Les données de cette enquête de l’INSEE sont à rapprocher de la courbe du chômage. Entre septembre 2014 et septembre 2015, le nombre de Réunionnais totalement privés de travail pendant un an a augmenté de 1,3 %. Quant au nombre total de demandeur d’emplois, il avait alors connu une hausse de 3,3 % sur la même période.

Cela signifie que malgré une croissance de 3,6 % du nombre d’emplois dans le secteur privé, cela reste insuffisant pour compenser l’augmentation de la population active.

Dans le secteur public et parapublic, l’État dépense plus de 200 millions d’euros par an pour soutenir les embauches d’emplois aidés. Tous ces efforts n’arrivent pas à faire reculer le chômage.

Accord de partenariat économique à l’horizon

Ces données décrivent une économie très fragile. La croissance de la population active va encore durer de nombreuses années. La Réunion se stabilisera autour d’un million d’habitants aux alentours de 2030. D’ici là, le nombre de Réunionnais en âge de travailler continuera à croître. C’est pourquoi la négociation d’un accord de partenariat économique entre les pays voisins et l’Union européenne peut brutalement aggraver la situation. Ce type d’accord se conforme aux directives de l’OMC. L’Organisation mondiale du commerce préconise en effet une ouverture des marchés à l’essentiel du commerce, ce qui correspond à au moins 90 % des marchandises. Ce volume peut être asymétrique. Pour prendre un raccourci, cela signifie qu’un pays peut très bien ouvrir son marché à 100 % et son partenaire à 80 %. La moyenne arrive alors à 90 %.

Dans la discussion entre l’Union européenne et les pays voisins, les 28 États de l’UE sont prêts à ouvrir à la concurrence 100 % de leurs produits. Nos voisins ont la possibilité de placer des produits qu’ils jugent sensible en dehors de l’accord. Cela ne remet pas en cause le fait que les échanges portent sur « l’essentiel du commerce ». Pour les pays européens, la confrontation avec les économies de l’Est de l’Afrique et de ses coûts de production défiant toute concurrence peut apparaître lointaine. Mais pour La Réunion, elle est immédiate, et concerne quasiment tout ce qui est produit dans notre île, marchandises et services.

La concurrence est déjà là

En effet, La Réunion, comme ses voisins, se situe dans une zone de climat tropical. Ce qui pousse dans notre île pousse également à Maurice, Madagascar ou aux Comores. C’est pourquoi l’agriculture est menacée. Car les îles de notre région ont un coût de production moins élevé, du fait notamment de la non-application de lois sociales qui ont cours à La Réunion. Le SMIC y est beaucoup plus faible. Aujourd’hui, des taxes douanières et l’octroi de mer renchérissent ces produits. C’est ce qui permet à l’économie réunionnaise de soutenir encore la comparaison. Mais d’ores et déjà, des agriculteurs ont du mal à vendre leur production à La Réunion. C’est déjà arrivé à la Plaine des Cafres. Un maraîcher a dû arracher ses choux et les jeter. Il n’arrivait pas à les vendre à cause de l’importation à La Réunion de produits identiques mais moins chers malgré le transport, les taxes douanières et l’octroi de mer : des choux d’Afrique du Sud.

Quand l’accord de partenariat économique entrera en vigueur, il n’y aura plus de taxes pour les importations venant des pays d’Afrique orientale et des îles voisines.

Lors de sa conférence de presse jeudi, le PCR avait souligné un effet de cet accord. Un acteur économique réunionnais pourra délocaliser la production dans un pays voisin et vendre à La Réunion au même prix ou en le baissant légèrement. Il est assuré d’augmenter considérablement ses profits, mais cela augmentera le chômage à La Réunion. C’est pourquoi le Parti communiste réunionnais demande que les Réunionnais puissent pouvoir défendre leurs intérêts dans les discussions préalables à la signature de l’accord de partenariat économique définitif. L’application mécanique de cet APE ouvre en effet la voie à la ruine de l’économie et des emplois à La Réunion.

Urgence de corriger le tir

La dernière enquête de l’INSEE montre que le dynamisme de l’économie réunionnaise reste insuffisant pour réduire le chômage. Il suffit alors d’un grain de sable dans la mécanique pour que le chômage déjà trop élevé augmente encore plus rapidement. L’accord de partenariat économique annonce donc une accélération de la crise, ce qui rendra très difficile le maintien de ce qui reste de cohésion dans la société réunionnaise. Il est donc primordial que La Réunion puisse être respectée et représentée dans les accords de voisinage. Malheureusement, le 31e Conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien montre que du côté de Paris, il n’y a pas la volonté de corriger le tir. Ce n’est pas avec une France simple observatrice dans les négociations que les intérêts de La Réunion seront défendus.

M.M.

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Messages

  • Créer une zone de libre échange incluant la Réunion entre les pays membres de la commission de l’océan indien pourrait faire de la Réunion un tremplin vers l’Europe pour tous ces pays . Les produits mauriciens , malgaches et comoriens , pourraient entrer librement à la Réunion pour y recevoir un peu de valeur ajoutée et être ensuite être expédiés vers l’Europe par les réunionnais à un prix compétitif par rapport aux prix des produits européens .

    Cette perspective de faire de la réunion une étape qui permettrait de valoriser des produits venant des îles voisines permettrait certainement de réduire le chômage des réunionnais , et si le libre échange inclut la liberté de circulation des hommes et des capitaux comme cela a été le cas lors de la création de la Communauté économique européenne à l’origine en 1957 , ce serait également une possibilité pour les 138000 demandeurs d’emplois de la Réunion , surtout à ceux qui ont un excellent niveau de formation professionnelle d’ aller se faire embaucher dans les pays de la zone ou d’aller y créer des entreprises dans lesquelles ils pourront développer leur savoir faire et promouvoir une autre façon de vivre et de partager . .

    Mais si cette zone de libre échange permet une liberté de circulation des biens et des personnes , nos voisins auront également le droit de venir s’installer à la Réunion pour y créer leurs propres entreprises, et profiteront de la plateforme réunionnaise pour conquérir les marchés européens, cette zone de libre échange qui leur serait très bénéfique , pourrait devenir , une zone de libre étouffement, de libre écrasement , et en définitive de libre enterrement de l’économie Réunionnaise .

    Par conséquent si cette zone de libre échange peut apparaitre comme la mise en oeuvre par la France d’une nouvelle politique de développement vis à vis de l’espace francophone de l’océan indien , une nouvelle politique qui aurait la bénédiction de l’opinion publique française et du parlement français, il ne faut pas que cette politique soit appliquée au détriment des 850000 français de la Réunion qui vivent déjà en situation d’inégalité par rapport aux français de métropole. La France peut passer par les réunionnais pour tirer vers le haut les économies des pays de la zone de l’océan indien ,mais l’inverse ne peut être acceptable . Il ne faut pas que le développement de cette zone tire vers le bas les réunionnais, qui bien qu’ils appartiennent à la nation française sont déjà très bas par rapport aux français de métropole puisque leurs revenus annuels par habitant n’atteint même pas la moitié du revenu moyen national français par habitant .

    Un libre échange à 100% pourrait être une catastrophe économique pour l’île de la Réunion sans pour autant être une solution miracle pour nos voisins s’ils ne révisent pas leur mode de vie et surtout de partage des richesses acquises entre leurs concitoyens .

    La mondialisation oblige les pays les pays à se regrouper dans des ensembles régionaux mais elle les oblige aussi à harmoniser leur législation .Le passage d’une communauté européenne comprenant uniquement 6 pays à une Union européenne comprenant 28 pays , s’est fait progressivement et avec l’obligation pour les nouveaux membres de faire évoluer leur législation .

    La zone de libre échange que l’on souhaite créer dans l’océan indien n’a aucune chance de réussir , et ne pourrait qu’être désastreuse pour ceux qui ont déjà une certaine avance , si elle n’implique pas l’application d’un minimum de lois sociales par tous ses membres , et si elle couvre immédiatement tous les secteurs à 100%. Ceux qui sont forts doivent soutenir les faibles et les aider à progresser et non pas être affaiblis par ces derniers et tirés vers le bas . Il y a certainement beaucoup de précautions à prendre de part et d’autre .


Témoignages - 80e année


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