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Madagascar-La Réunion : partage entre des étudiants de l’Université d’Antananarivo et Témoignages

Conférence sur « Le quotidien du journalisme » au Campus d’Ambohitsaina

jeudi 15 septembre 2022, par Manuel Marchal


Ce 7 septembre à l’initiative de l’Université d’Antananarivo a eu lieu un moment de partage entre des étudiants en Licence COMMO, de la Mention COMMO dirigée par le Dr. Lanto Charlys Rasoanilana, et Manuel Marchal, rédacteur en chef de Témoignages. Ce fut lors d’une conférence organisée dans un amphithéâtre de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines sur le thème « Le quotidien du journaliste », sous la modération de Faly Rakotoarivony, directeur de la communication et du marketing de l’Université d’Antananarivo.


Ce 7 septembre était une journée très animée au Campus d’Ankatso de l’Université d’Antananarivo. C’était en effet le Salon de l’étudiant. Des étudiants des plus de 80 mentions de l’Université présentaient leurs formations aux nouveaux bacheliers. C’était également un jour de délibération pour les jurys d’examen. La rentrée universitaire n’avait donc pas encore eu lieu.
Une cinquantaine d’étudiants en Licence COMMO ont répondu ce 7 septembre 2022 à une initiative de la Mention COMMO, dirigée par le Dr. Lanto Charlys Rasoanilana. Ces jeunes suivent un cursus dans le domaine de la communication, et le journalisme constitue un débouché possible. Ils ont participé à une conférence tenue par Manuel Marchal, rédacteur en chef de Témoignages, et modérée par Faly Rakotoarivony, directeur de la communication et du marketing de l’Université d’Antananarivo. Le thème était « Le quotidien du journalisme ». Ce fut l’occasion pour le rédacteur en chef de Témoignages de partager les acquis de plus de 20 ans d’expériences dans le journalisme.

Quand des milliers de Malgaches perdirent leur nom

Après la présentation de l’intervenant, ce dernier donna quelques éléments sur l’histoire de La Réunion. Il souligna les liens qui unissent Madagascar et La Réunion. Ils se trouvent dans le peuplement de notre île. Ceci se traduit notamment par un apport important des Malgaches à la constitution du peuple réunionnais. Cela se manifeste également dans les noms des lieux de l’intérieur de La Réunion : Mafate vient de Mahafaty, lieu qui tue ; Tampon de Tampony, sommet ; Belouve de Be lova, grand héritage ; Maduran de Maty harana, falaise des morts donc lieu sacré… Cette toponymie rappelle l’existence à l’intérieur de notre île de royaumes où les Malgaches révoltés contre l’esclavage reconstituèrent leur organisation sociale, et donnèrent aux lieux des noms en fonction de leur utilité.
Le rédacteur en chef de Témoignages expliqua également l’impact du colonialisme français dans le mental des Réunionnais. Pour les Malgaches, cela commença par la perte du nom et de la langue du pays d’origine. Cela se poursuivit par le poids de l’assimilation qui voulait faire croire aux descendants d’immigrés, notamment malgaches ou indiens, qu’ils n’avaient pas d’histoire en dehors de la France. Cela se traduisit par une grande misère qui plaça la revendication sociale comme priorité, d’où la mobilisation pour obtenir la citoyenneté française dans le cadre du département à partir des années 1930. Dans ces conditions, une revendication d’indépendance ne pouvait être comprise. Manuel Marchal rappela que l’abolition du statut colonial le 19 mars 1946 découlait de la victoire du CRADS, front de libération anti-colonial, aux législatives d’octobre 1945, et du soutien des communistes français qui constituaient alors le plus important groupe parlementaire à l’Assemblée en France.

120000 illettrés à La Réunion : grand étonnement des étudiants malgaches

Ceci permit l’arrivée à La Réunion de la Sécurité sociale mais la population restait dans la misère. A la fin des années 1950, La Réunion était toujours un des pays les plus pauvres du monde, d’où la revendication d’autonomie portée par le Parti communiste réunionnais qui venait de naître. L’objectif était de donner aux Réunionnais les moyens politiques de régler les problèmes auxquels Paris refusait de s’attaquer, d’où la lutte pour La Réunion autonome, démocratique et populaire. Ce combat a permis la reconnaissance de l’existence du peuple réunionnais et de sa langue, le créole.
Les luttes des syndicats et des partis progressistes permirent aux Réunionnais d’obtenir peu à peu l’égalité sociale promise dès le 1er janvier 1947 : égalité du SMIC en 1995, du RMI en 2001… mais le poids du néocolonialisme français maintient les Réunionnais dans une situation de sous-développement avec une très forte aliénation, malgré le fait que le créole soit la langue de communication à La Réunion.
Cela se manifeste tout d’abord par un taux de chômage proche de 30 %, et plus de 50 % pour les jeunes, ensuite par un coût de la vie nettement plus important qu’en France. Près de 40 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté et beaucoup n’ont plus rien quand arrive le 15 de chaque mois. L’indicateur qui étonna le plus les étudiants fut celui-ci : 120.000 Réunionnais illettrés sur une population de 850.000 habitants, alors que ces Réunionnais ont fréquenté pendant au moins 10 ans le système scolaire français.

S’inscrire dans un monde en constant changement

Le rédacteur en chef de Témoignages rappela la ligne éditoriale de ce journal fondé en 1944 : aider à la prise de conscience que les Réunionnais sont un peuple, avec comme application la solidarité avec les autres peuples en lutte. Ceci se manifesta notamment dès 1947, avec la solidarité avec les victimes de la répression de la révolte à Madagascar.
Manuel Marchal a ensuite partagé ses expériences professionnelles. Il présenta comment se construit un journal quotidien, de la conférence de rédaction à la diffusion, et les différents métiers du journalisme. Il fit part de qualités nécessaires à l’exercice de cette profession, en particulier la capacité d’anticiper l’évolution technologique, ainsi que l’importance de veiller à l’autonomie financière du média, garant de l’indépendance de la ligne éditoriale.
La conférence se conclut par un appel : l’importance de former des professionnels de la communication, dont des journalistes, pour faire entendre la voix de nos peuples dans un monde en plein bouleversement. Ceci permettra au monde de connaître les initiatives positives dans nos pays. Madagascar et La Réunion se situe en effet au cœur de la région la plus dynamique du 21e siècle, entre la Zone de libre échange continentale africaine et le RCEP. L’océan Indien est le lien entre les deux plus importants blocs économiques du monde.

Développer la coopération

Le rédacteur en chef de Témoignages a rappelé que les étudiants connaîtront Madagascar peuplée de plus de 50 millions d’habitants en 2050, et que leurs enfants vivront dans Madagascar qui dépassera 100 millions d’habitants en 2100, tandis que la Tanzanie toute proche abritera 300 millions d’habitants, l’équivalent de la population actuelle des USA. Il a insisté sur l’importance d’anticiper ces échéances inéluctables.
La conférence s’est conclue par un message de remerciement des étudiants, qui ont fait part de leur reconnaissance pour ce moment de partage très enrichissant.
Ce partage en appelle d’autres, et il est amené à s’inscrire dans la durée. C’est le meilleur prolongement qui soit à la conférence du 7 septembre 2022 à l’Université d’Antananarivo.

M.M.


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