Après le sommet de la SADC : Les pays de l’océan Indien devant une situation aggravée

Que faisons-nous face au « tsunami silencieux » de la menace alimentaire ?

24 avril 2008

Le président de la Région Réunion, Paul Vergès, était le week-end dernier à l’île Maurice où se tenait le Sommet de la SADC, organisation communautaire de l’Afrique australe, sur la pauvreté et le développement durable : un programme inscrit dans les “Objectifs du Millénaire” tracés par l’ONU, visant à réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015. En prend-on vraiment le chemin ? Paul Vergès a rencontré des “voisins” inquiets, qui se tournent vers La Réunion pour savoir comment nous comptons faire face... Et à son tour, il se tourne vers les acteurs économiques et l’ensemble des concitoyens : Que faisons-nous pour mettre en commun, avec les pays de la zone, nos moyens et nos capacités ?

Qui à La Réunion a vraiment conscience de la gravité de la situation face aux menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire de la planète ? Dans la certitude - où sont beaucoup ici - de vivre dans une bulle qui les protège des fléaux dont sont frappés nos voisins, quelle prise de conscience peut-on espérer devant l’aggravation de la situation mondiale observée ces derniers mois ?
Le président de la Région a vu cette réalité de près, dans un Sommet qui revêt à ses yeux une « dimension historique et, à long terme, considérable » et dont il a rendu compte hier, en forme d’appel à projet collectif.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il a balayé les regrets de ne pas avoir été aux obsèques de son ami de Fort-de-France. Au moment des préparatifs, le président Sarkozy - qui devait se rendre en Martinique pour les obsèques nationales faites à Aimé Césaire - a demandé à être représenté au Sommet de la SADC par le président de la Région Réunion, qui a donc abandonné la destination de Fort-de-France pour celle de Port-Louis. « Je pense que dans la même situation, Aimé Césaire aurait fait la même chose », a-t-il dit.
Le Sommet de la SADC a revêtu une importance primordiale et ses organisateurs ont tout fait pour lui donner l’éclat et le retentissement à la hauteur des décisions à prendre.
La SADC regroupe aujourd’hui 14 pays dont ceux qui constituaient, du temps de la guerre contre l’Apartheid, les “pays de la ligne de front”, en butte aux agressions de l’armée sud-africaine - agressions sur lesquelles Paul Vergès, alors député au Parlement européen, avait demandé et obtenu une enquête. Une longue tradition de solidarité a soudé ce groupe, auquel a adhéré l’Afrique du Sud libérée de l’Apartheid, puis d’autres pays - dont Maurice et Madagascar - et jusqu’au Congo.
L’ensemble représente près d’un tiers géographique de l’Afrique et plusieurs centaines de millions d’habitants qui, malgré les ressources considérables de la région, vivent pour 45% d’entre eux avec « moins d’un dollar par jour » (voir ci-après).
Le Sommet a adopté des conclusions mettant au premier plan la sécurisation alimentaire, la lutte contre les effets des changements climatiques (eau, maladies, etc...), l’amélioration de la production et du transport de l’électricité, la mise en place d’un Observatoire SADC de la pauvreté... D’importants programmes d’actions ont été décidés, sur lesquels il faudra revenir plus en détail, domaine par domaine. Certains ont le soutien de pays extérieurs invités à ce Sommet, tels la Norvège, représentée par son Premier ministre et impliquée à hauteur de 1 milliard de dollars (US) dans un programme sur 10 ans pour la réduction de la mortalité infantile, d’un montant total de plus de 80 milliards.
Notre responsabilité de Réunionnais est de voir comment, à partir d’actions de co-développement et des échanges réalisés dans le cadre de la politique régionale, donner de l’essor à la solidarité avec ces pays et faire converger nos capacités à lutter contre les facteurs structurels et conjoncturels qui enfoncent ces pays dans des difficultés croissantes.

P. David


La pauvreté en Afrique australe

A l’ouverture de la conférence ministérielle, le vice-Premier ministre mauricien et ministre des Finances de l’île Maurice, Rama Seethanen, a donné un état de la situation des pays de l’Afrique australe. Plutôt sombre.

Il a rappelé le cadre des Objectifs du Millénaire et réclamé un appui massif de la communauté internationale. Le taux moyen de croissance économique est de 3%. Le niveau moyen des très pauvres - soit 45% des habitants des pays de la SADC - cache de fortes disparités puisque la proportion varierait de 1% à 60% selon les pays. L’indice de développement humain (dont la référence est à 1) varie entre 0.384 pour le Mozambique et 0.674 pour l’Afrique du Sud. « Des millions de gens pauvres doivent surmonter des problèmes de maladies et des millions d’enfants n’ont pas accès à l’éducation », a dit aussi le vice-Premier ministre mauricien.
« 36% de la population souffrent de malnutrition et la mortalité infantile y est de 50‰ », a ajouté Paul Vergès hier, rappelant que sur les 42 millions de personnes porteuses du VIH-SIDA dans le monde, 30 millions vivent en Afrique subsaharienne.
Les pays de la SADC comptent parmi les pays à faibles revenus pointés par le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, lorsqu’il a averti sur les conséquences, dans ces pays, du doublement des prix des aliments survenu ces 3 dernières années : « Il pourrait pousser environ 100 millions de personnes à une situation de pauvreté plus profonde », a-t-il dit.
Une partie de ces 100 millions de très pauvres vit à nos portes, à commencer par nos voisins malgaches.


Des solidarités mutuelles

Paul Vergès ne se déplace jamais dans la région sans resserrer ses contacts avec les chefs d’État ou de gouvernement des pays voisins, avec lesquels les rencontres sont continues.

Quoi faire ensemble ? « Comment construire des politiques solidaires et nous épauler mutuellement ? ».
Selon ce que le président de Région a rapporté de ses derniers contacts, nos solidarités peuvent s’exprimer à trois niveaux :
1/ Celui du cadre national français et les questions soulevées par la LOPOM.
2/ Tout ce qui relève du cadre communautaire et des changements annoncés dans la politique européenne : la réforme sucrière, la politique des aides européennes et des subventions ; l’Octroi de mer...
3/ Le cadre des Accords de partenariat économique entre l’UE et les pays ACP de la Région.
Mais les Réunionnais ont-ils assez largement pris conscience de ces solidarités possibles et des dangers qui menacent ?


Agenda

Mai (14-15) : Les Régions Ultrapériphériques (RUP) européennes - dont La Réunion - participeront à la rencontre de Bruxelles avec Mme Danuta Hübner, commissaire à la Politique régionale. La Réunion y sera représentée par une vingtaine d’experts appelés à donner leur vision du développement des RUP (production, commerce, fiscalité, recherche, énergie...).
En prévision de cette rencontre, Madeleine de Grandmaison, députée pour l’Outre-mer au Parlement européen, sera dans notre île du 26 au 30 avril.

Juin (11-14) : Rencontre des pays de la COI pour définir une politique commune de développement à court, moyen et long termes. La rencontre commence par un Séminaire et motivera plusieurs déplacements importants.
D’une part, la venue du scientifique français Joël de Rosnay, conseiller spécial du gouvernement mauricien, pour des échanges sur les projets énergétiques de La Réunion 2030 et de Maurice 2030.
D’autre part, le commissaire au Développement et à l’Aide humanitaire, Louis Michel, a annoncé sa venue.
En juin, sont également attendues les conclusions des négociations sur les APE, qui ont donné lieu à deux rencontres importantes entre les pays du groupe CMMS (Comores, Madagascar, Maurice, Seychelles) et auxquelles La Réunion (RUP de l’UE) a été invitée. De là sont nés plusieurs projets, tels la constitution d’une compagnie maritime régionale, des échanges pour les relations aériennes et pour l’innovation dans les énergies renouvelables.

Juillet (8-11) : Rencontre de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) dont le comité français organise la venue dans notre île de 400 scientifiques interpellés par les moyens à déployer pour faire face aux menaces sur la biodiversité (mer, coraux...) du fait des changements climatiques.
Cette conférence internationale va motiver le déplacement d’une représentation de la présidence française de l’Union européenne et de plusieurs commissaires européens.

Emeutes de la faimPaul Vergès

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