La Commission de l’océan Indien (1984-2004) : 20 ans au service de la coopération régionale - 2 -

Un fonds européen pour le développement des îles de l’océan Indien

13 janvier 2005

Après avoir exposé hier les différentes étapes de création de la Commission de l’océan Indien (C.O.I), nous publions ci-après la suite de l’historique réalisé par le géographe et universitaire Wilfrid Bertile sur les structures et moyens de cette organisation.

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1 - Les structures de la C.O.I.

La structure mise en place après l’Accord général de coopération de Victoria était des plus rudimentaires et se voulait "souple, légère et répondant aux critères de pragmatisme et de rentabilité".
Elle se limitait à un organe permanent de liaison créé dans chaque État, chargé de la coopération régionale et de la correspondance avec ses homologues situés dans les autres pays membres. Selon les thèmes abordés, les ministres compétents se réunissaient en “Commission”, d’où le nom de l’organisation régionale. Celle-ci est présidée pour une durée d’un an par chaque État-membre en suivant l’ordre alphabétique.
Les projets lancés étaient financés par la Commission européenne sur les ressources du Fonds européen de développement (FED), et ce dès l’origine.
Il fallait aller plus loin dans la structuration de l’organisation et la définition de ses activités. Le “Colloque de Mahé” qui s’est tenu du 9 au 14 janvier 1989 aux Seychelles, a défini un "un Plan d’action pour la Coopération entre les îles de l’océan Indien". Celui-ci a été adopté par la session ministérielle du 14 avril 1989, qui a aussi signé le “Protocole additionnel” qui complète et adapte l’Accord général de coopération de Victoria.
C’est donc à partir de 1989 que les institutions actuelles de la COI sont établies. Comme dans la plupart des organisations régionales, l’organe de décision est une conférence ministérielle. La réunion ministérielle annuelle devient Conseil de la COI et ne regroupe désormais que les ministres des Affaires étrangères des pays membres, à l’exception de la France pour laquelle la représentation est plus complexe. Elle est, en principe, représentée au Conseil des ministres par le préfet de La Réunion, accompagné du président du Conseil régional. À partir de 1992, le président du Conseil général fait aussi partie de la délégation française au Conseil des ministres. Afin que ce Conseil ne soit pas présidé par un fonctionnaire, fut-il d’autorité, quand la France préside la COI, c’est un ministre français qui conduit alors la délégation ou le président d’une des collectivités locales (Département ou Région), cas qui ne s’est pas encore produit, Paris voulant marquer de sa présence les travaux du Conseil. Celui-ci fixe les orientations et prend les décisions.

Un sommet tous les 4 ans

Les organes de liaison prennent la forme des Officiers permanents de liaison (OPL), fonctionnaires responsables dans leurs pays respectifs de la coopération régionale. Ces OPL se réunissent trois fois par an pour suivre la mise en œuvre des décisions du Conseil et préparer la réunion ministérielle.
La création d’un Secrétariat général permanent est décidée en 1988. Nommé pour un mandat de 4 ans non renouvelable, le premier Secrétaire général prend ses fonctions le 1er juin 1989. Ce Secrétaire général est, à l’origine, un “notaire” qui acte les décisions du Conseil, mises en œuvre à l’origine par les organes de liaison devenus OPL. Progressivement, il est chargé de concrétiser les décisions du Conseil. Ses pouvoirs sont renforcés en 1998 quand il devient Ordonnateur régional du Fonds européen de développement. Jusqu’ici, les crédits du FED destinés aux programmes régionaux étaient gérés par l’Ordonnateur national du pays d’accueil de ces programmes. Désormais, ils sont tous localisés à Maurice, et si possible au secrétariat général.
Un premier Sommet de chefs d’État ou de gouvernement de la COI s’est tenu en 1991, à Tananarive. Un second Sommet s’est réuni le 2 décembre 1999 à Saint-Denis. À cette occasion, le Sommet a pris la décision de se réunir tous les 4 ans. Bien que cette instance ne figure pas dans les textes qui régissent la COI, elle devient de fait la plus importante.
Des comités techniques assurent une mission de réflexion, d’études et de mise au point des projets de coopération. Ils sont à l’origine de nombreuses réflexions et études, mais ont perdu progressivement de leur importance, faute de moyens pour les réunir périodiquement.
Un accord de siège est signé avec Maurice qui abrite le Secrétariat général à Quatre Bornes. Le Secrétariat général bénéficie des dispositions relatives aux postes diplomatiques (Convention de Vienne).

2 - Les moyens de la Commission de l’océan Indien

La COI ne dispose que d’un budget de fonctionnement des plus limités. En revanche, elle peut compter pour la plupart de ses actions sur les crédits du Fonds européen de développement, même si elle a le souci de diversifier ses sources de financement pour éviter une trop grande dépendance vis-à-vis de la Commission européenne.
Un premier budget de fonctionnement est voté pour l’exercice 1989/1990. Il est financé par des contributions des États-membres selon une grille de répartition. Devant la difficulté de certains États de verser leur contribution, au demeurant modeste, de nouvelles modalités sont arrêtées, diminuant la part demandée à Madagascar et augmentant celles des Seychelles et, surtout, de Maurice.
Pour l’année 2003, le budget de fonctionnement de la COI s’élève à 373.145 euros, alimenté dans la proportion de 40% par la France, de 29% par Madagascar, de 20% par Maurice, de 6% par les Comores et de 5% par les Seychelles. Un tel budget ne permet que de régler les dépenses courantes.
La France met à la disposition du Secrétariat général un “chargé de mission” qui assiste le Secrétaire général. La Commission européenne apporte un soutien technique et logistique au secrétariat général, destiné notamment à une consommation efficace des crédits du FED.
Pour l’essentiel de ses projets, la COI émarge au Fonds européen de développement. En réalité, ce Fonds est intervenu dans l’océan Indien avant même la création de la COI, à la fois pour des projets nationaux et pour des projets régionaux. Les crédits du FED sont alloués généralement pour 5 ans et ils font l’objet de Programmes indicatifs régionaux (PIR), les États bénéficiant quant à eux de Programmes indicatifs nationaux (PIN).

La C.O.I. interlocuteur privilégié de la C.E.E.

Les priorités dévolues à la COI par la Commission européenne, ou arrêtées en commun, déterminent la répartition des crédits alloués pour les Programmes indicatifs régionaux successifs. Avant même la création de la COI, Lomé I, avec le 4ème FED (1975-1980) d’un montant de 8,5 millions d’euros, avait mis l’accent sur le secteur des transports et la valorisation des ressources humaines.
Au titre de Lomé II (5ème FED, de 1980 à 1985, d’un montant de 20 millions d’euros), l’aide communautaire avait comme secteurs de concentration notamment les transports aériens et maritimes et la protection des ressources marines et naturelles.
C’est avec Lomé III et le 6ème FED (de 1985 à 1990, avec une enveloppe de 29 millions d’euros) que la COI est devenue l’interlocuteur privilégié de la Communauté économique européenne en matière de coopération régionale dans l’océan Indien. Avaient été retenus deux secteurs principaux : la mer (ressources halieutiques, sauvetage en mer, prévision des cyclones, météorologie...) et la coopération inter îles (échanges de personnes, de services et de marchandises et développement économique). La Convention de Lomé IV (7ème FED, de 1990 à 1995, d’un montant de 30 millions d’euros) a privilégié les secteurs de l’environnement et du commerce extérieur.
Enfin, Lomé IV bis (8ème FED, de 1995 à 2000, d’un montant de 30 millions d’euros dont 4,5 millions d’euros hors COI) se répartit de la façon suivante : 50% pour l’environnement côtier et marin et la pêche, 35% pour le développement des échanges commerciaux et 15 % pour l’assistance technique et les autres secteurs.

Des domaines d’intervention variés

L’Accord de Cotonou, signé en 2000 entre l’Union européenne et les États ACP, en remplacement des Conventions de Lomé, amène une situation nouvelle. Désormais, la COI ne dispose plus d’un Programme indicatif régional propre, mais émarge aux crédits du FED dans un cadre régional élargi comprenant, outre la COI et le COMESA, la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).
Ces crédits sont mis en œuvre en commun au travers d’un Comité interrégional de coordination (CIRC), auquel participent toutes les organisations régionales concernées. L’enveloppe régionale globale pour la période allant de 2000 à 2006 est de 223 millions d’euros. Les secteurs de concentration retenus pour ce 9ème FED sont l’intégration économique, qui bénéficie de 40 à 50% de l’enveloppe, la gestion des ressources naturelles (de 15 à 25%), les transports et communications (de 15 à 25%). Entre 10 et 15% du PIR 9 sont réservés aux programmes hors concentration.
La COI risquait d’être marginalisée dans ce nouveau système. Elle a réussi néanmoins à se positionner comme chef de file pour les programmes relatifs à la gestion des ressources naturelles. D’ores et déjà, les projets qu’elle a fait financer sur le PIR 9 dépassent le montant de l’enveloppe dont elle bénéficiait précédemment : projet Surveillance, contrôle et suivi des pélagiques migrateurs pour 3,3 millions d’euros, projet Marquage des thons pour plus de 9 millions d’euros, projet AMESD (Suivi de l’environnement africain pour un développement durable) pour 5 millions d’euros, appui logistique au Secrétariat général (1,6 million d’euros), projet de Gestion durable des ressources marines et côtières (7 millions d’euros), soit quelque 26 millions d’euros, sans compter l’émargement à d’autres projets comme les communications ou l’intégration économique régionale...
Dès l’origine, la COI a essayé de diversifier ses financements. Le PNUD (Programme des Nations-unies pour le développement) est intervenu à plusieurs reprises, en particulier pour le suivi par la COI de la problématique des Petits États insulaires en développement. Il en est de même pour le PNUE (Programme des Nation-unies pour l’environnement) depuis 1997, en particulier dans le cadre de la Convention de Nairobi. La Banque Mondiale, par l’intermédiaire du Fonds pour l’environnement mondial, finance de 1999 à 2004, un Programme de lutte contre les marées noires (4,6 millions de dollars) et, de 2000 à 2005, un réseau régional de suivi des récifs coralliens (0,7 million de dollars).
Le partenariat initié avec l’ONU-SIDA depuis 2002 débouche en 2004 sur un projet régional de lutte contre le SIDA, financé à hauteur de 7,4 millions d’euros par la Banque africaine de développement. Enfin, la France, depuis que les Seychelles et Maurice ne figurent plus, en raison de leur niveau de développement, dans la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), finance des projets régionaux dans le domaine de la protection civile (1,067 million d’euros sur 3 ans à partir de 2001), de l’épidémiologie animale (1,5 million d’euros sur 3 ans à partir de 2004), et de la santé (1,5 million d’euros sur trois ans à partir de 2004).
Ces financements permettent la mise en œuvre d’une coopération fonctionnelle dans les domaines les plus variés.

Wilfrid Bertile

(à suivre)


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