Séminaire sur le développement local

Une mise en commun d’expériences pour une plus grande efficacité

13 juillet 2004

À l’initiative de l’Université de l’océan Indien (UOI), de l’Institut régional du travail social à La Réunion et de la Fédération communautaire de l’océan Indien (FCOI), une centaine d’acteurs de terrain ont planché pendant trois jours, du 7 au 9 juillet dernier, à l’Université de La Réunion, sur le thème “Transversalité et mutualisation des actions de développement local ; regards croisés dans les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien”.

Le séminaire sur la “Transversalité et mutualisation des actions de développement local ; regards croisés dans les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien” organisé la semaine dernière à l’Université de La Réunion avait pour particularité de rassembler des acteurs de terrain engagés dans le développement local et le développement social local. Autant dire qu’il a été très concret. Il a d’ailleurs débouché sur des dispositions pratiques tendant à poursuivre la mise en commun des expériences (voir encadré) . Sous les effets de la crise, le développement social n’est plus considéré comme secondaire. Il est devenu essentiel, un carrefour entre le temps et l’espace, entre l’économique et le social, le fruit d’une relation entre l’État et les acteurs “d’en bas” qui font remonter des initiatives.
Le développement local est avant tout un développement actif qui repose sur la participation de la population d’un territoire donné (quartier, commune, arrondissement...) et sur un partenariat entre les différents acteurs de terrain (population, élus, associations, groupements professionnels, entreprises...).
Cette participation - on l’a vu a travers les expériences du Programme de développement local aux Comores, de l’intervention du Fonds d’aide pour l’intégration sociale des personnes vulnérables à Rodrigues ou du Conseil de développement d’Andohatapenka près d’Antananarivo (Madagascar) - ne va pas pas de soi. Il n’est jamais acquis.
Françoise Dumas, de l’Association réunionnaise d’éducation populaire (AREP) s’est interrogée sur la réalité de la démarche participative : qui pose la problématique de la participation ? Ne s’agit-il de colorer un projet ? Comment favoriser l’interaction ?

Participation et partenariat

Françoise Dumas a distingué trois niveaux de participation qui produisent chacun des effets, mais qu’il importe de bien repérer : l’information, la consultation et la concertation, plus compliquée à mettre en œuvre parce qu’il est souvent difficile d’entendre les propositions des autres et de fondre tout cela ensemble. Elle propose d’ailleurs une pédagogie de la participation s’adressant à tous les acteurs. Il semble bien que plus la participation de l’ensemble des acteurs s’opère en amont, plus les chances de réussite sont grandes.
Le partenariat à établir n’est pas, lui non plus, une question simple : dégager des articulations entre des niveaux de décision différents, trouver des incitations afin que les bénéficiaires s’approprient les réalisations, trouver des relais sur le terrain... Comment, en effet, partir des préoccupations de la population, en évitant que les professionnels ne décident à sa place et que par ailleurs, la population ne se substitue pas aux élus ? C’est là que doit intervenir le professionnalisme des agents de développement. Ils doivent faire en sorte que personne ne piège personne. Et donc mettre en place de règles du jeu. Leur tâche étant de faire travailler les gens ensemble.
D’où l’importance de la professionnalisation. Et les débats sur cette question, autour d’une formation menée par le Centre de ressources Villes et Hauts pour des agents de district seychellois et des agents de développement de La Réunion - comme l’expérience de l’IRTS -, ont montré que cette professionnalisation devait partir du terrain.

Engagement et implication

"On peut apprendre du terrain", a dit une intervenante. Mais il ne s’agit pas non plus de laisser les agents de développement apprendre tout du terrain. Il convient donc qu’il y ait co-construction de la démarche pédagogique par les professionnels, les personnes ressources de différents champs, les formateurs... C’est pourquoi la formation des éducateurs spécialisés et des assistants sociaux, un peu sur le modèle de la formation en alternance, doit prendre la forme d’une formation/action, d’une recherche/action. Dans les domaines du développement local et du développement local social, en effet, on construit sa connaissance, son identité professionnelle sur le terrain.
Mais ce qui est certain aussi, c’est que la technique ne remplacera jamais l’humain, et qu’il faut au travailleur social un engagement, une implication dans la durée. Ce que certains qualifient même d’action militante.
Pendant ces trois journées, des Comores aux Seychelles, de Madagascar à Rodrigues, de La Réunion à Maurice, les acteurs de terrain, à travers leurs expériences, ont pu constater qu’ils se posaient les mêmes questions. Et qu’il était important de mutualiser un certain nombre d’expériences. Même si l’on doit prendre les différents contextes, comme l’a souligné Paul Hoarau, de la FCOI, "il importe de mettre en avant ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous différencie". Sachant que rien n’est duplicable ? Et que, comme l’a montré Catherine Ory du Conseil général, à propos d’une opération expérimentale sur trois territoires dans les Hauts de l’Ouest, "la même démarche appliquée à trois territoires peut générer des effets différents".

L. M. 


Orientations et perspectives

À la suite des deux tables rondes qui ont approfondi les débats, les trois organisateurs IRTS, UOI et FCOI ont proposé aux participants des orientations et perspectives qui vont permettre de poursuivre les échanges.
1 - Mise en place d’un réseau d’échanges et de capitalisation à distance, à travers l’ouverture d’un portail facilitant les liens avec les sites web existants ; ce qui n’exclut pas les séminaires.
2 - Harmonisation des concepts et de la terminologie qui permettra de décrire de la même façon les expériences.
3 - Développement d’un réseau régional de recherche / action
4 - Réflexion sur une formation partagée, modulable et tournante et mise en place d’un réseau de formation des acteurs. Organisation de stages dans la zone.
5 - Favoriser les échanges entre les politiques, les bailleurs de fonds et les acteurs pour structurer le dialogue entre partenaires.
6 - Valorisation de la compétence régionale en matière d’évaluation mise en place par les bailleurs de fonds. Harmonisation de l’évaluation dans la zone par la construction d’outils.


Absence des élus

Une occasion ratée d’ouvrir un espace de dialogue

Deux élus locaux de Mayotte, les maires de Tsangamoudji et de Kundu, ont participé aux débats du séminaire. Aucun élu réunionnais n’était là, et aucun représentant du Conseil général pourtant annoncé n’y a participé, ne serait-ce que par un discours d’ouverture comme l’a fait Wilfrid Bertile du Conseil régional.
Et pourtant, ce séminaire aurait dû les intéresser au premier chef. Le développement local et le développement social local sont des moyens de mieux gérer un territoire, d’engager des actions qui mettent en mouvement les acteurs de terrain. C’est-à-dire eux-mêmes ; la population, les entreprises, les syndicats, les associations... C’est-à-dire les forces vives d’un territoire.
Ce sont des mouvements où s’ébauchent des partenariats, où se construisent des actions. Des actions qu’ils peuvent inscrire à leur bilan pour peu qu’ils aient joué le jeu le plus en amont possible.
Certes, il leur aurait fallu entendre parfois des choses pas très agréables. Par exemple qu’ils doivent respecter les associations qui interviennent dans un quartier pour régler un problème de cohésion sociale, un problème qui relève de leur compétence. Mais ils auraient également entendu dire que les élus sont "incontournables" et aussi que des agents de développement pouvaient commettre des erreurs, avoir la tentation de parler à la place de la population.
Une occasion ratée d’ouvrir un espace de dialogue de plus. Et de quoi d’autre avons-nous besoin, si ce n’est de dialogue ?

L. M.


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