Prévalence du SIDA à Mayotte : une délégation de RIVE et RIVE Océan Indien en mission de coopération

Une très forte indiscrimination des malades entrave les dépistages

20 avril 2004

Une délégation des associations réunionnaises de lutte contre le SIDA, R.I.V.E. et R.I.V.E. Océan Indien conduite par leur présidente, le docteur Catherine Gaud, revient d’une mission de coopération à Mayotte, où plusieurs facteurs d’inquiétude persistent. Un facteur d’espoir aussi : une association, Nariké Mussada, constituée il y a neuf mois sur le modèle de R.I.V.E.-Réunion, est aujourd’hui rejointe par des patients qui osent affronter les tabous au grand jour... « Les Mahorais préfèrent la mort physique à la mort sociale », rapportent les membres de la délégation, ébranlés par la force de la discrimination qui frappe les séropositifs mahorais.

Le système de Santé publique en place à Mayotte rend la situation moins préoccupante, au regard de l’expansion du SIDA, qu’elle ne l’est à Madagascar. Néanmoins, le docteur Catherine Gaud, présidente des associations R.I.V.E. et R.I.V.E. Océan Indien*, accompagnée de Jacques Rollin, chargé de coopération régionale au sein de R.I.V.E. océan Indien, a effectué dans la semaine du 29 mars au 4 avril une mission de coopération - la quatrième depuis 1990 pour le docteur Catherine Gaud, en poste au service d’immunologie de l’Hôpital de Bellepierre depuis quinze ans. Ils livrent ici les leçons tirées de cette récente mission.
À Mayotte, le nombre de séro-positifs déclarés (44) est apparemment peu élevé par rapport à la population totale, soit une faible séro-prévalance, majoritairement constituée de femmes dont la maladie est dépistée à l’occasion d’une grossesse. À Mayotte existe l’obligation légale de proposer un test de dépistage à toutes les femmes enceintes.

Une pression sociale insupportable

Mais Catherine Gaud a pu le constater : "Les femmes porteuses du SIDA sont très indiscriminées et il est probable que beaucoup de celles qui se pensent séropositive ne se font pas dépister".
Le centre de dépistage est situé au cœur de ville de Mamoudzou et le simple fait de s’y rendre - et d’y être vu - jette une suspicion que la pression sociale rend là-bas insupportable. "Les gens viennent au centre à la nuit tombée", ajoute Jacques Rollin (voir encadré) .
Un médecin français, Céline Roussin, y effectue quatre à cinq vacations par semaine, en compagnie d’une infirmière à mi-temps.

La partie émergée

Pour Catherine Gaud, les facteurs d’inquiétude sont de quatre ordres :
1/La discrimination n’aide pas au dépistage ;
2/ elle laisse prospérer beaucoup d’autres infections sexuellement transmissibles, notamment la syphilis ;
3/ les patients qui fréquentent l’hôpital de Mamoudzou et qui constituent la “file active” sont, pour près de la moitié, des Anjouanais ou des Grand Comoriens qui vont à Mayotte pour recevoir des soins - ce qui laisse penser qu’il existe peut-être un foyer d’explosion de la maladie dans un environnement proche ;
4/ la pression sociale est si forte qu’une femme qui découvre sa séropositivité la cache à son conjoint.
La “file active” à Mayotte comprend une majorité de femmes et une demie douzaine d’enfants. Les deux membres de R.I.V.E. s’accordent à dire que la “file active” identifiée n’est vraisemblablement que la - toute petite - partie émergée d’une épidémiologie réelle beaucoup plus importante.

Polygamie

Le SIDA se transmet essentiellement par voie hétérosexuelle à Mayotte, où la polygamie reste - et restera encore sans doute longtemps - le mode marital le plus répandu.
Les membres de R.I.V.E. rapportent à ce sujet une anecdote. Pendant leur mission de quatre jours, le docteur Gaud consultait dans une pièce et Jacques Rollin recevait, dans un bureau mitoyen, les personnes séro-positives qui désiraient se confier. Il leur est arrivé de recevoir séparément un couple dont chaque membre était venu consulter à l’insu de son (sa) conjoint(e) et s’est surpris à croiser l’autre dans le couloir. Depuis, le mari a été hospitalisé à La Réunion pour soigner d’autres infections opportunistes, pulmonaires notamment.

La solidarité se dissout devant les fléaux

En quatre jours, les deux membres de R.I.V.E ont capté une multitude de petits signes témoignant de la virulence de la pression sociale. Ils ont rencontré des femmes séropositives qui disaient refuser de parler à d’autres femmes atteintes comme elles.
"C’est incroyable de risquer sa vie par peur de la discrimination", commente Catherine Gaud, qui a néanmoins pu constater, lors des cours de formation donnés aux élèves de l’IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers) - des Mahorais, pour les trois-quarts - que ce fait ne choque pas à Mayotte, où la solidarité se dissout devant les fléaux.

Culpabilité et solitude

"Avec la séropositivité, il y a la culpabilité. Certes, la sexualité est très libre à Mayotte, mais il y a comme partout le visible et le caché ; il y a le paraître, l’idée que l’on donne de soi et puis il y a la vraie vie...", ajoute le médecin, impressionnée par les formes d’auto-exclusion que pratiquent là-bas les séropositifs.
"Ils /ou elles s’excluent eux-mêmes pour éviter de l’être par les autres. Toutes les femmes que j’ai rencontrées, j’ai cherché à les déculpabiliser. Toutes ont pleuré, sans exception. Il y a en elles une grande douleur et une grande solitude", confie Catherine Gaud, dont le travail avec Mayotte remonte à 1990.
Chaque année, environ cinq patients mahorais viennent se faire suivre à La Réunion. Une quantité équivalente de patients font le même voyage, via Mayotte, depuis Anjouan et la Grande Comore. Tous sont hébergés dans la Maison de Vie de l’association R.I.V.E., à Saint-Denis.

Pascale David

(1) RIVE : Réunion Immuno-déprimés Vivre et Ecouter. Association créée en 1994, elle célèbre son 10ème anniversaire le 23 avril prochain à son siège du 11, rue du Four-à-Chaux, Saint-Denis. À partir de 19 heures.


Jacques Rollin : de l’enseignement à la coopération régionale

Les actions de R.I.V.E. pour impulser la lutte contre le SIDA dans l’océan Indien prenant une importance croissante, ses membres ont créé, en octobre 2003, R.I.V.E. Océan Indien animé par un chargé de coopération régionale et un pharmacien.
Jacques Rollin, 55 ans, est le chargé de coopération régionale. Il a quitté l’IUFM, où il enseignait les pratiques de documentation depuis 1995. Déjà très impliqué dans la lutte contre le VIH-SIDA, le voilà lancé depuis sept mois dans l’organisation de la coopération régionale.
Il est devenu l’homme orchestre de R.I.V.E. océan Indien : constituant tous les dossiers administratifs destinés aux partenaires des actions de coopération, animant les contacts avec les six associations-sœurs constituées dans les pays voisins, recevant les patients de ces pays lorsqu’ils viennent se faire soigner chez nous à l’initiative de R.I.V.E., préparant les dossiers des candidats, originaires de la zone, au diplôme de sidénologie créé en 2001 avec Bordeaux II, préparant les “stages d’immersion”, à La Réunion, pour les médecins reçus au D.U de sidénologie... La charge de travail reposant sur les épaules de cet homme d’apparence frêle est impressionnante.
Une organisation spécifique prévaut aux actions de coopération, soutenues par la Banque africaine de développement (BAD) et le réseau de la coopération française à Madagascar et aux Seychelles.
Parti pour la première fois à Mayotte au début du mois, Jacques Rollin souligne que c’est la première fois qu’une mission de coopération dans cette île donne lieu à une formation des élèves infirmiers. Les précédentes missions donnaient lieu à une tournée des dispensaires.
Cette fois-ci, outre la formation, le docteur Gaud a animé une conférence sur les tri-thérapies, devant cinquante deux médecins en poste à Mayotte.
D’ici trois mois, auront lieu les prochains cours de base en sidénologie, à Antsiranana cette fois (Diego Suarez), en présence de vingt praticiens hospitaliers ou chefs de service et vingt cadres infirmiers ou sages-femmes.

P. D.


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Messages

  • tout le monde a besoins d’une epole ou d’une main a la quelle se tenir ou se repser aujourd’hui il n ya pa qu’a mayotte qu’existe la descrimination par rapport au sida c dans le monde entier.
    que l’on soit povre ou riche ,blanc ou noir tous avons peur de l’idifference ou de l’abanbon de l’otre quel qu ’il soit (famille-amis-college).
    la difference a mayotte c que c tt petit et tt le monde se connait et tt le monde parle sur tt le monde la dis la fais,bon bref ce que je dire c plus mayotte se develloperra et mieux les gens ne vivrons plus sur les prejugers .
    un proverbe (avant de critiquer chez moi assure toi que chez toi ca soit b1 propre) bass.
    deplus je rajoute une information personnel sur la confidentialité des agents ospitalier d’origine mahorais sur le secret medical,je pense kil faut travailler la dessus par ce que meme moi en tant que mahoraise je n’oserai jamais parlé de ma maladie devant un agent hospitalier mahorais ici a mayotte de peur kil n’aille raconter ma vie privee a tel ou tel ki me conné tt en sachant que mayotte c tt petit fleuri de l’exterieur mais saignant de l’interieur.moi g j’ai vecu a metropole et je m’en fou pa mal des gens s’il me faut faire le teste j’y vais sans esitation les regards des gens et les qu’en dira ton ne vaut pas mieux a mes yeux q’a ma propre vie.
    ps nadia

    Voir en ligne : mayotte et les prejugers sur le depistage du sida


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