33 ans après la Brucellose sommes-nous à la veille d’un nouveau scandale ?

29 juillet 2009

Ils n’en finissent pas, nos éleveurs, de dénoncer l’état sanitaire du cheptel bovin importé à La Réunion. « La Réunion est la poubelle de l’Europe. On nous envoie des bêtes déjà malades dont personne ne veut plus ailleurs » et ils accusent les vétérinaires et les organismes chargés de la vérification de la santé des animaux de « ne pas gérer ces problèmes sanitaires ».
Propos excessifs ? Espérons qu’une enquête — demandée depuis des mois — permettra enfin de déterminer si nous sommes ou non à la veille d’un nouveau scandale rappelant celui dénoncé par Témoignages le 15 mai 1976. Ce jour-là marquait l’aboutissement de plusieurs semaines d’une campagne de presse menée par notre journal sous les attaques et démentis divers des importateurs de taurillons infectés. Ces importateurs étant alors appuyés par la préfecture (1).
Des mois durant, les éleveurs se sont trouvés — comme aujourd’hui — confrontés à l’attitude de déni des autorités et organismes responsables : « Si vos bêtes meurent, c’est parce que vous êtes de mauvais professionnels, vous ne savez pas élever vos bêtes, vous êtes négligents, etc. », tous arguments dont la suite démontra combien ils étaient mensongers. Les éleveurs et engraisseurs voyaient leurs bêtes mourir et leurs génisses frappées d’avortements répétés. Quant aux taurillons venus d’Afrique du Sud et dont tous les responsables, préfecture en tête, savaient qu’ils étaient porteurs de la brucellose — maladie grave transmissible à l’homme — on a pourtant continué d’en importer encore 400 « parce qu’il fallait respecter un contrat signé en 1975 » !
On marchait sur la tête et, lors de session du Conseil Général (2), le préfet dénonçait « une très violente campagne de presse axée sur la brucellose » alléguant même que cette campagne était dirigée contre l’élevage local au profit de la viande d’importation. L’hebdomadaire de l’évêché, "Croix-Sud" avait jugé que le préfet poussait le bouchon un peu loin : « Somme toute, les éleveurs dont les intérêts ont été lésés dans cette affaire devraient s’en prendre à ceux qui ont attiré leur attention et celle de l’opinion sur les aspects pour le moins inquiétants d’un plan dit de relance de l’élevage avec des bêtes atteintes de brucellose. Ce qui ne manquerait pas d’humour n’étaient la gravité des faits en eux-mêmes et la situation des éleveurs d’une manière générale. Les éleveurs ne sauraient se contenter de pareilles explications ».
On connaît l’épilogue de cette affaire : 75 des 171 éleveurs-engraisseurs (près de 45%) complètement ruinés et tous les autres considérablement affaiblis par des dettes impossibles à rembourser.
Bien entendu, les choses ne se répètent jamais à l’identique. Cependant devrons-nous attendre la décimation du cheptel, la ruine de nouveaux éleveurs pour que la vérité soit enfin dite et les mesures prises pour indemniser ces éleveurs victimes d’approvisionnement en bêtes malades, véritables dangers pour le cheptel sain ?
Qui a intérêt à multiplier ainsi les obstacles à la marche de La Réunion vers une indispensable autosuffisance alimentaire ?

Jean Saint-Marc

(1) Quelques semaines plus tôt, en accord avec Louis Virapoullé, sénateur, et son frère Jean-Paul, secrétaire général de la Chambre d’Agriculture, le préfet Robert Lamy avait organisé la fraude ayant faussé les élections cantonales à Saint-Pierre et Saint-Leu notamment.
(2) À cette époque, le Conseil général tenait bien plus de la chambre d’enregistrement que d’une instance vraiment décisionnelle. L’ordre du jour était décidé par la préfecture qui établissait les rapports « soumis à l’examen puis au vote » des conseillers généraux.


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