Pays des hommes intègres

4 août 1984 : Thomas Sankara rebaptisait la Haute-Volta en Burkina Faso

5 août 2021, par David Gauvin

Il y a 37 ans, Thomas Sankara renommait l’ancienne Haute-Volta en Burkina-Faso, le Pays des hommes intègres. Un changement de nom officiel et très symbolique, destiné à rompre avec le passé colonial et à concrétiser les objectifs de la révolution sankariste.

En vertu d’une ordonnance du 2 août 1984, le capitaine Thomas Sankara, désireux de faire table rase du « passé réactionnaire et néocolonial », rebaptise la Haute-Volta en République démocratique et populaire du Bourkina Fâso (orthographe originelle). Le premier mot signifie « homme intègre » en langue mooré et le second « terre natale » en dioula, soit « le pays des hommes intègres ». Ses sept millions d’habitants ne sont plus des Voltaïques mais des Bourkinabè.

Né le 21 décembre 1949 à Yako (Nord de l’ex-Haute-Volta), Thomas Sankara a été formé militairement à Madagascar. En janvier 1983, à la faveur d’un coup d’Etat, il est nommé premier ministre. Le pays connaît alors une période d’instabilité et de nombreuses tensions minent l’armée. Arrêté en mai, Thomas Sankara resurgit en août à la suite d’un nouveau coup d’Etat mené par son ami, le capitaine Blaise Compaoré. Agé d’à peine 33 ans, il devient président et symbolise l’Afrique des jeunes et de l’intégrité. D’allure sportive, charismatique et le sourire facile, il bénéficie d’une indéniable popularité. Travailleur acharné, parfois autoritaire, il n’apparaît qu’en treillis avec, à la ceinture, un pistolet à crosse de nacre offert par le dirigeant nord-coréen Kim Il-sung. Il vit simplement, avec sa femme et ses deux fils dans un palais présidentiel délabré et n’a pour seuls biens que sa guitare et sa Renault 5 d’occasion, un véhicule qu’il impose comme voiture de fonction à tous les membres du gouvernement.

Sur la scène internationale, ses relations avec les autres pays sont parfois complexes. Ses prises de position, ses liens avec les sulfureux dirigeants de la Libye et du Ghana lui valent quelques inimitiés en Afrique, à commencer par la Côte d’Ivoire, où Felix Houphouët-Boigny redoute que la jeunesse ivoirienne s’inspire de celle du Burkina Faso. Au président français François Mitterrand, qui avait accueilli officiellement le Sud-Africain Pieter Botha, lié à l’apartheid, il donne une leçon sur les droits de l’homme. Thomas Sankara appelle aussi l’Afrique à ne pas payer sa dette aux pays occidentaux : « La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, nous allons mourir. Soyons-en sûrs également. » Il inquiète, dérange de vieux bastions et se sait menacé. 

Le capitaine anti-impérialiste expliquera avoir changé le nom de son pays « pour mieux appliquer notre conception révolutionnaire ». Selon lui, « il fallait prendre des initiatives audacieuses et radicales, entre autres effacer les traces du colonialisme. À commencer par l’appellation donnée par celui-ci à notre pays. Le nom Haute-Volta ne répondait ni à des critères géographiques ni à des critères sociologiques ou culturels ».Trente ans plus tard, le Burkina Faso reste connu dans le monde entier comme le « Pays des hommes intègres ». Le capitaine Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 dans des circonstances troubles, est lui devenu une légende, adulé bien au delà des frontières de l’ancien berceau de la révolution sankariste. La situation a évolué mais les fondements de la lutte anti impérialiste sont toujours présents. Nous voyons partout dans le monde se lèver des « Hommes Intègres » , qui ont su diversifier les terrains de lutte, économie, culture, sport, nouvelles technologies et aussi politique.

« On peut tuer un homme mais pas ses idées… » Thomas Sankara

Nou artrouv’

David Gauvin

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