Air austral, quand on veut tuer la bête on dit qu’elle est malade

1er octobre 2021, par David Gauvin

Le mois dernier, Temoignages s’inquiétait de l’avenir d’air austral a juste titre. A la suite du conseil d’administration de la SEMATRA cette crainte est devenue un scénario probable. Défendre Air Austral c’est défendre la Réunion et son ouverture vers le monde.

Depuis les années 70, le secteur aérien connaît une croissance annuelle deux fois plus rapide que le PIB français, avec un doublement du nombre de passagers tous les quinze ans. Mais la crise sanitaire a mis fin à cette progression fulgurante. Les mesures d’endiguement de propagation de l’épidémie ont cloué les avions au sol, entraînant une baisse du trafic d’environ -70 % en 2020. Selon les estimations, il faudra attendre au minimum 2025 pour retrouver les niveaux d’avant-crise, voire 2026 ou 2027. Par conséquent, la trésorerie file vite et l’impatience des compagnies aériennes grandit de jour en jour. La compagnie Lufthansa a essuyé au titre de l’année 2020 une perte nette record de 6,73 milliards d’euros. Airbus annonçait, l’été de cette même année, la suppression de plus de 3 300 postes à Toulouse. En tout et pour tout, l’International Air Transport Association (IATA) a recensé une quarantaine de transporteurs aériens ayant fait faillite en 2020. A cette crise systémique Air Austral doit faire face à une crise capitalistique.

Air Austral a été créée en octobre 1974 pour desservir les îles Éparses et a commencé ses opérations commerciales en mars 1975 sous le nom de « Réunion Air Service ». Très rapidement, en août 1977, elle se lance dans la desserte de Mayotte en exploitant un HS-748 d’une capacité de 32 places, destination sans concurrence qui soutiendra par la suite son rapide développement. Renommée « Air Réunion » en 1986, la compagnie prend son nom actuel en 1990 à l’occasion d’une entrée au capital d’Air France. En 1997, elle inaugure des vols directs vers Harare, au Zimbabwe, une destination qu’elle abandonne en 2000. Elle fait l’acquisition la même année de son premier ATR-72. Jusqu’alors confinée au moyen-courrier dans la zone sud-ouest de l’océan Indien, Air Austral commence enfin à desservir l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle le 28 juin 2003 au moyen de deux Boeing 777-200ER. Depuis cette date elle est représenté un risque pour la compagnie Francaise qui tente par tout moyen de faire fermer ce concurrent gênant afin de redevenir en situation de monopole.

Mais l’origine de la crise à Air Austral remonte à 2010 avec l’arrivée à la Région de Didier Robert. Depuis cette date la situation n’a fait qu’empirer. La première erreur est l’abandon de la compagnie outre-mer 360, qui aurait permis de densifier les vols par l’utilisation d’un Airbus A 380 aménagé à cette fin, et par conséquence de faire baisser le cout du voyage et son empreinte écologique. Ensuite, il est parti chercher des avions que personne ne voulait acheter avec le résultat que l’on connait. Et enfin, il n’a pas voulu redonner une part majoritaire du capital à des investisseurs Réunionnais, privilégiant toujours les intérêts de la France plutôt que celui de la Réunion. Et que dire de l’aventure Air Madagascar qui a fini en fiasco. C’est dans ce contexte que la crise sanitaire est venue, alors qu’Air Austral était déjà en position délicate.

Comme toutes entreprises touchées par la crise, Air Austral a pu bénéficier de mesure étatique. Mais si on analyse on se rend compte que pendant qu’Air France et Corsair ont pu bénéficier de subvention, Air Austral n’a pu obtenir que des prêts. Air France, après un premier plan de sauvetage de 7 milliards d’euros mis en place au printemps pour combler les pertes de la compagnie aérienne, l’Etat a, à nouveau consolider les finances de l’entreprise. La Commission européenne a approuvé jusqu’à 4 milliards d’euros d’aides du gouvernement à Air France, pour recapitaliser la compagnie, soit au total 11 Milliards d’euro de financement sans contrepartie. Corsair a bénéficié elle de 300 millions d’euros pour sa restructuration comprenant une aide de l’Etat à hauteur de 106 Millions, 30 Millions d’indemnisation à la suite de la crise Covid, le reste étant emmené par l’ancien propriétaire et les nouveaux acquéreurs. Pendant de temps Air austral a pu bénéficier d’un plan à hauteur de 86 Millions composé, d’un prêt d’actionnaire de la SEMATRA, la société contrôlant Air Austral et dont l’actionnaire majorité est la Région Réunion, d’un montant de 30 millions d’euros, apporté en compte courant, puis un Prêt Garanti par l’État français (PGE) d’un montant de 56 millions d’euros octroyé par 3 banques. La différence entre les 3, est Qu ’Air Austral doit réfléchir au remboursement alors que les deux autres peuvent penser à leur avenir. Et là on apprend que le ministre des Finances privilégie le scénario de la fusion Air Austral Corsair qui serait le préalable à de nouvelles aides. Le nouvel ensemble n’aurait plus rien de Réunionnais. Et disons-le tout de suite, cette formule n’a jamais marché et conduit inexorablement à la faillite de la nouvelle entité. Evidemment tout cela, avec l’approbation d’air France et de son actionnaire de référence, l’Etat. Quand on veut tuer la bête, on dit qu’elle est malade.

“L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat.” Sun Tzu

Nou artrouv’

David GAUVIN

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