Confinement à New Delhi… vague de COVID ? Non, pollution

18 novembre 2021, par David Gauvin

Feux de fermiers pour fertiliser les sols, fête des lumières et son lot de pétards, air sec et froid… La pollution de l’air franchit des seuils catastrophiques à New Dehli. Les écoles sont fermées et la capitale indienne pourrait être confinée.

Sumitmpsd, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

La « capitale mondiale de la pollution » est en passe d’ajouter un nouveau record à son palmarès toxique. Celui d’organiser le premier confinement du monde lié, non pas au Covid-19, mais à la qualité de l’air. Il pourrait avoir lieu ce week-end selon l’évolution du taux de particules fines à New Delhi et des discussions avec la Cour suprême indienne. Tout a commencé, comme chaque année depuis dix ans maintenant, après la célébration de Diwali. Durant cette fête hindoue des lumières, les trente millions d’habitants de la région-capitale tirent à la chaîne pétards et feux d’artifice. Paradoxe : c’est dans le noir qu’ils se retrouvent le lendemain tant le ciel est envahi de particules fines et de métaux lourds tels que le baryum. Des campagnes ont beau être lancées pour promouvoir des « pétards écologiques », remplacer leur emploi par des bougies, le scénario se répète. La pollution de Diwali vient s’ajouter à d’autres. Celles, bien sûr, des nombreux véhicules, chantiers et usines de la capitale. Mais aussi celle des feux de paille déclenchés par les agriculteurs des États voisins pour fertiliser les terres au même moment. L’arrivée de l’air sec et des températures hivernales empire le tout.

Les autorités indiennes ont demandé à la ville de New Delhi de se préparer à prendre des mesures d’urgence contre la pollution atmosphérique, qui atteint des niveaux alarmants ces derniers jours. Samedi, les niveaux de particules fines en suspension PM2,5 (les plus dangereuses, au diamètre inférieur à 2,5 microns) dépassaient les 300 microgrammes par mètre cube, soit plus de dix fois la limite quotidienne recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’incinération massive de déchets agricoles dans les environs, une pratique pourtant interdite par la justice, et de mauvaises conditions météorologiques expliquent ce pic de pollution qui se traduit chaque hiver par un smog intense dans cette capitale de 20 millions d’habitants. La ville « doit être totalement prête à prendre des mesures de catégorie urgente », a indiqué vendredi un ordre de la Commission centrale de contrôle de la pollution, qui relève du gouvernement fédéral indien. Cet organisme a par ailleurs demandé aux habitants de « limiter leurs activités en plein air pour minimiser leur exposition ». Selon un rapport publié en 2020 par l’organisation suissse IQAir, 22 des 30 villes les plus polluées du monde se situent en Inde et New Delhi est la capitale la plus polluée de la planète.

Les 11 et 12 novembre, la pollution de l’air de New Delhi enregistrait même le record de la saison, 471 sur une échelle de mesure de 500. Les hôpitaux ont signalé une forte augmentation du nombre de patients se plaignant de difficultés respiratoires, a rapporté le quotidien Times of India. « Nous recevons 12 à 14 patients par jour aux urgences, principalement la nuit, lorsque les symptômes provoquent des troubles du sommeil et de la panique », a déclaré au journal le docteur Suranjit Chatterjee des hôpitaux Apollo. Une situation sans précédent qui a mené la justice à prendre l’initiative de suggérer un confinement à la capitale de 20 millions d’habitants. La Cour suprême a ainsi exigé la prise de mesures importantes telles que le confinement de la population ou l’arrêt de la circulation automobile lors d’une audience samedi 13 novembre. « Même à l’intérieur des maisons, nous sommes obligés de porter des masques. La situation est extrêmement grave (…). Prenez des mesures immédiates et urgentes. Imposez un confinement de deux jours, si nécessaire sinon comment allons-nous pouvoir vivre ? », a déclaré le juge en chef N.V. Ramana. La réponse du gouvernement n’a pas tardé. Peu après l’audience de la Cour suprême, le ministre en chef de Delhi, Arvind Kejriwal, a annoncé samedi la fermeture pour une semaine de tous les bureaux gouvernementaux et des écoles, ainsi que l’arrêt des travaux de construction durant quatre jours jusqu’au 20 novembre. Les fonctionnaires sont en télétravail tandis que les entreprises privées ont été invitées à le faire autant que possible.

Au-delà des mesures d’urgence, quelles solutions durables ? « Il y a des paramètres météorologiques, mais on ne peut pas les contrôler », explique à Reporterre Sunil Dahiya, analyste au Center for research on energy and clean air (CREA), basé à New Delhi. « Il faut donc s’attaquer aux émissions à la source que sont les centrales au charbon, le transport, à la combustion des déchets et la combustion de la biomasse agricole. » Selon le chercheur, en s’approvisionnant en énergie à longue distance, davantage de centrales à charbon entourant la capitale pourraient être fermées. Mais avec la croissance de la ville et les attentes divergentes de Delhi et des États voisins, c’est l’impuissance qui domine. Lors de la COP26, le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre a refusé de renoncer aux carburants polluants, jugés essentiels pour alimenter une économie en expansion et sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Le premier ministre Narendra Modi s’est certes engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2070, il n’en reste pas moins que sa consommation de charbon a presque doublé lors des dix dernières années et que cette énergie produit encore 70 % de l’électricité indienne. L’an dernier, des mines étaient mises en vente aux enchères pour stimuler la production nationale. Des solutions ont toutefois été mises en place pour améliorer la qualité de l’air dans la capitale indienne. Au début de cette année, New Delhi a inauguré son premier purificateur d’air géant contenant 40 ventilateurs qui pompent 1000 mètres cubes d’air par seconde à travers des filtres. Cette installation, d’une valeur de 2 millions de dollars, réduit de moitié la quantité de particules nocives dans l’air, mais uniquement dans un rayon d’un kilomètre carré, selon les ingénieurs. La capitale indienne n’est donc pas encore à l’abri du smog.

« Une société qui survit en créant des besoins artificiels pour produire efficacement des biens de consommation inutiles ne paraît pas susceptible de répondre à long terme aux défis posés par la dégradation de notre environnement ».
Pierre Joliot-Curie

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David Gauvin

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